Top 10 des bandes originales superbement incongrues de Vladimir Cosma

A l’heure où l’on vient de nommer cinq des plus mauvais films de l’année dans la catégorie Meilleure comédie des Golden Globes (j’exagère À PEINE), j’ai décidé (un peu inconsciemment) que la coupe était pleine et qu’il était temps de rendre hommage au vrai cinéma comique bien de chez nous, celui de Gérard Oury, Claude Zidi et autres Francis Veber.

Après mon petit laïus d’il y a quinze jours sur l’excellente autobiographie de ce dernier, j’ai maintenant envie de m’atteler à un autre gros dossier. Car que seraient tous ces gens-là sans l’apport incontournable de Vladimir Cosma, compositeur d’origine roumaine bi-césarisé, une fois pour la BO de Diva de Jean-Jacques Beineix, l’autre pour Le Bal d’Ettore Scola ? Je vous le demande.

D’ailleurs ce n’est pas de ces oeuvres-là dont je veux parler. Pas même de Reality, chanson-phare de La Boum, et encore moins de la non moins mythique chanson de Guy Marchand, Destinée, dont Cosma est le compositeur. Car là où Vlad a excellé en silence, sans recevoir jamais une seule récompense digne de ce nom, c’est dans la musique de comédie, y incorporant à chaque fois sa touche personnelle, une flûte de pan, un cymbalum ou un joyeux pipeau ; une audace constante qui fait de lui, non je n’ai pas peur de le dire, une sorte d’Ennio Morricone français. Oui madame.

1. L’aile ou la cuisse
Voilà un morceau qui synthétise parfaitement tout l’art de Vladimir Cosma. Ça commence comme un Te Deum de Charpentier, mais cette effusion classique est bien vite oubliée avec cette succession d’anachronismes à la fois ridicules et fabuleux, à base de voix féminines, de lignes de basse minimalistes et de hi-hats batifolants. Un ensemble génialement grotesque qui sied bien au film qu’il illustre, ce chef-d’oeuvre de Claude Zidi incarné par Coluche et Louis de Funès.

2. Clérambard
Avant d’illustrer une insupportable pub Ricoré de 2004, ce morceau intitulé Les demoiselles de province figurait dans la bande originale de Clérambard, un film d’Yves Robert avec Philippe Noiret (1969). Mais écoutez de plus près la finesse de l’arrangement, cette mélodie jouée par ce que je pense être une variété de kazoos, posée sur une basse funky, un beat énergique et un accompagnement cuivré tout à fait dans le style de ce qui se faisait dans les films de gangsters italiens à la même époque (Morricone tout ça).

3. Le Placard
Bon, Le Placard, on aime ou on n’aime pas le film (moi j’aime) mais il faut quand même admettre que ce thème principal est proche de la perfection, et aurait très bien pu accompagner un film de Fellini sans qu’on fasse la différence avec son compositeur habituel, Nino Rota (qui est une de mes idoles, soit dit en passant). J’ai créé un compte soundcloud rien que pour ce morceau, faites-lui honneur.

4. Le dîner de cons
On a tendance à l’oublier mais s’il est vrai que le scénario du Dîner de cons a quelque chose d’éblouissant, au même titre que la performance de ses acteurs, c’est aussi le cas de sa bande originale. Il semble que Vladimir Cosma ait vécu à la fin du XXe siècle une sorte de révélation reinhardtienne car sa composition pour le Dîner de cons dénote d’influences manouches aussi impromptues que surprenantes, maîtrisées à la perfection (retrouvées plus tard dans différents titres de la BO du Placard d’ailleurs). Mais l’adepte du mélange de styles qu’est notre ami Vlad ne s’arrête pas là et balance une orchestration classique du plus bel effet. Et ça donne ça :

5. Les aventures de Rabbi Jacob
Là encore tout y est, la basse délicatement slappée, les cuivres, les cordes, les voix, et la mélodie qui claque. C’est tout.

6. Les compères
En 1983, Vladimir Cosma avait déjà un peu tout fait. Mais pas encore un thème principal siffloté comme quand on va à la pêche entre potes. C’était parfait pour Les Compères, encore un excellent film de Francis Veber. D’ailleurs si tu z’aimes les musiques de films avec un mec qui siffle dedans, tu peux aussi consulter ce top 10 spécial « thèmes de films avec un mec qui siffle dedans ».

7. Banzai
Je ne sais pas si Vladimir Cosma s’est drogué dans sa vie, mais s’il l’a fait, je pense qu’il a composé cette BO dans un sacré trip. C’est donc une sorte d’hymne funky accentuée de scintillements japanisants et de scansions vigoureuses qu’il offre à Claude Zidi pour son film Banzai, en n’oubliant pas les curieux solos de violon ou de flûte orientale qui jalonnent le morceau. Sinon le film était marrant, un peu.

8. La chèvre
Comme dirait Vincent Perrot, une musique peut ressembler à un acteur. C’est pour ça que désormais, chaque fois que j’entends une flûte de pan, je ne peux m’empêcher de penser au visage jovial et épanoui de Pierre Richard dans La Chèvre, excellentissime film de Francis Veber.

9. Inspecteur La Bavure
Je n’ai pas grand chose à dire sur la BO de cette oeuvre de Claude Zidi (encore lui), donc je vais plutôt parler du film, que je n’ai pas vu depuis longtemps d’ailleurs ; mais je me souviens très bien qu’au début Depardieu est brun et il a une moustache et comme c’est un méchant il change de visage pour ne pas se faire griller et devient le Depardieu avec la tête que l’on connaît (blond et sans moustache) et personne ne le reconnaît alors que quand même la différence est assez faible. Et sinon il y a aussi Coluche dans le film. Film sympa, au demeurant.

10. Le grand blond avec une chaussure noire
Celle-là je trouve que tout le monde l’a assez entendue mais je l’aime quand même. Je conseillerais néanmoins à mes chers lecteurs de jeter une oreille du côté des bandes originales du Jouet, du Distrait, de Je suis timide mais je me soigne… Ou mieux, de s’acheter le coffret en deux volumes (bientôt 3) de l’intégrale des BO de Vladimir Cosma. Ou mieux, de me l’offrir pour Noël. Vous ne le regretterez pas.

Top 10 des BO funky de films italiens méconnus des 70s

Voici un petit top consacré à ces nombreux films italiens des années 60/70 que personne n’a vu mais dont la musique est inoubliable. Dieu soit loué, de multiples compilations existent qui regroupent ces trésors sans qu’on ait à se taper les films (qui sont sûrement très cool par ailleurs, mais bof quand même), principalement sur le label Cinevox. Pour en écouter plus, ma playlist Spotify Italo-easy-tempo scores est en ligne.

1. Armando Trovajoli – Blazing Magnum (dans A Special Magnum for Tony Saitta) – 1976
Deux guitares funky, une ligne de basse limpide, un charleston actif et quelques cuivres pour foutre l’ambiance, voilà la recette de la BO idéale, qu’on entendra sûrement un jour dans un film de Tarantino. L’oeuvre d’un spécialiste, Armando Trovajoli, 200 soundtracks à son actif. Un maître.

2. Piero Umiliani – Love In (dans Ce monde si merveilleux et si dégueulasse) – 1971
Ce monsieur est surtout connu pour Mahna Mahna, thème original d’un faux documentaire érotique de 1968 sur les moeurs sexuelles suédoises (Suède, enfer et paradis, tout un programme), repris en France par Henri Salvador sous le triste titre Mais Non Mais Non. Mais on a tendance à oublier ses autres bandes originales parmi lesquelles celle-ci, dont je ne me remets toujours pas (cette basse !).

3. Stefano Torossi – Fearing Much (album Feelings) – 1975
Bon je triche un peu vu que ce titre n’est pas tiré d’un film mais je trouve qu’il le mériterait.

4. Luis Bacalov – Summertime Killer (Meurtres au soleil) – 1972
Titre hyper connu puisque réutilisé dans Kill Bill volume 2. C’est l’oeuvre de l’italo-argentin Luis Enriquez Bacalov, qui avait débuté comme arrangeur pour des chanteurs pop avant de commencer à composer pour le cinéma. Grand bien lui en a pris.

5. Armando Trovajoli – Masquerade (dans Le Fouineur) – 1969
Oui, d’accord, il est déjà premier du top, mais quand même. Ce morceau-là est fantastique aussi.

6. Stelvio Cipriani – La polizia sta a guardare (dans Le grand kidnapping) – 1973
Spécialiste des films policiers, Stelvio Cipriani l’est aussi dans l’emploi du clavecin, bigrement efficace dans ce morceau. La preuve, il a été réutilisé dans au moins trois films, Tentacules (1977), Boulevard de la mort (2007) ou encore le giallo français de ce début d’année, Amer (2010).

7. Goblin – Death Dies (dans Les frissons de l’angoisse) – 1975
Pour tout savoir sur Goblin, sa vie, son oeuvre et tutti quanti, mon article du 30 mai consacré à ce groupe mythique est toujours disponible ici.

8. Franco Micalazzi – Running away from Jerzy (dans Stridulum) – 1979
Ce film a une note moyenne de 2.9 sur imdb.com, mais rien que pour ce thème vif et sautillant joué par cette flûte folâtre, je trouve qu’il mériterait au moins 3.

9. Ennio Morricone – Città Violenta (La cité de la violence) – 1970
Incontournable. J’aurais tout aussi bien pu choisir ce thème étrange, ou ce thème sensuel, ou ce thème jovial. Ou bien d’autres.

10. Alberto Baldan Bembo – Kama Sutra (dans Codice d’amore orientale) – 1974
Un film érotique, je trouve que ça conclut bien une playlist. Je n’ai donc aucune honte à placer cette funky sitar happy killer track pour fermer la marche de ce top.

Top 10 des BO géniales de Goblin

Il y a un an et un jour, par une mauvaise coincidence de calendrier, je ratais le passage de Goblin à La Villette Sonique, groupe italien culte des années 70, très avare de prestations scéniques, et finalement assez peu connu du grand public. Ne doutant pas une seule seconde qu’il visite régulièrement ce blog (le grand public), je me dévoue pour réparer cette injustice et dévoiler au monde entier l’oeuvre géniale de ce groupe mythique.

Mais d’abord un peu d’histoire.

En 1972, en Italie, quatre jeunes zicos du nom de Claudio Simonetti (claviers), Massimo Morante (guitare), Fabio Pignatelli (basse) et Walter Martino (batterie) se trouvent une passion commune pour Genesis, King Crimson, Gentle Giant ou Emerson Lake and Palmer. Ils composent quelques morceaux et les transmettent à Eddie Odford, producteur de Yes, qui tombe sous leur charme et propose au groupe de s’installer à Londres. Le groupe, rejoint par un chanteur anglais Clive Haynes, remplace son batteur et se forme sous le nom de Oliver. C’est un fiasco, Oliver ne trouve pas son public et rentre en Italie, laissant sur l’île Clive Haynes et le remplaçant par Tony Tartarini. Le groupe est recruté par l’excellent label Cinevox sous le nouveau nom Cherry Five et commence à participer à quelques bandes originales de films du coin. Je signale au passage la richesse de la production soundtrackesque italienne de l’époque, à laquelle je consacrerai prochainement un nouveau top.

Le réalisateur Dario Argento aime le travail de Cherry Five et leur propose en 1975 de venir travailler sur son nouveau film Profondo Rosso. L’histoire commence. Emotion.

1. Profondo Rosso (Les Frissons de l’angoisse, Dario Argento) – 1975
La première vraie BO du groupe, qui en profite pour trouver son nom définitif (Goblin), est un chef d’oeuvre. L’album de la bande originale du film se vend d’ailleurs à un million d’exemplaires et reste 12 semaines consécutives en haut des charts. Goblin s’inspire d’abord des tauliers de l’époque en matière de BO (Morricone, Trovajoli, Bacalov, Umiliani, Cipriani, etc) et en tire le meilleur, pour en sortir des modèles du genre tels que ce Death Dies efficace ou ce Mad Puppet poseur d’ambiance :

Death dies

Mad puppet

Mais leur morceau de bravoure reste la musique d’ouverture du film. Une ligne de basse ravageuse, une mélodie éclatante à l’orgue et ce twist de mi-parcours souligné par une comptine oppressante font de ce générique un vrai petit court métrage. Mais un petit extrait vaut mieux qu’un long discours.

2. Suspiria (Dario Argento) – 1977
Argento, satisfait de leur prestation sur Profondo Rosso, fait de nouveau appel à Goblin pour son Suspiria, deux ans plus tard. Le film, n’étant pas un giallo tout à fait habituel, nécessite une bande originale singulière. Pas besoin d’en dire plus à Claudio et ses potes, qui ressortent de leur placard un vieux bouzouki chiné au fin fond de la Grèce, percussionnent au tabla indien une mélodie jouée au clavier célesta. Le tout, surélevé par des boucles synthétiques phasées et des murmures d’outre-tombe, finit de donner au film, déjà très réussi, toute sa dimension inquiétante et surréaliste.

Suspiria

Sighs

Death Waltz (car Goblin sait aussi faire du Nino Rota)

3. Buio Omega (Blue Holocaust, Joe D’Amato) – 1979
Une sympathique série B italienne à base de taxidermie humaine, l’occasion pour Goblin de renouer avec ses premières influences, Yes, Genesis ou ELP pour une BO à la fois disco et psychédélique.

Buio Omega

4. Zombi (Zombie, Georges A. Romero) – 1978
Après le succès de Profondo Rosso, Goblin est régulièrement sollicité pour recomposer les bandes originales de films américains pour les distributeurs italiens, c’est notamment le cas du film Martin de Georges Romero (cf no. 9). Impressionné par la qualité des morceaux de cette BO alternative, Romero fait appel à Goblin pour sa suite de La nuit des morts-vivants. Une bien belle idée.

Zombi

Zaratazom (car Goblin sait aussi faire du hard rock)

5. Tenebre (Ténèbres, Dario Argento) – 1984
C’est les années 1980, des groupes comme Kano illuminent les dance-floors italiens avec des titres comme Another Life. Goblin sait faire ça aussi, mais quand Goblin le fait, c’est en mesures asymétriques (en 5 temps pour être précis) absolument indansables mais Goblin s’en fout, c’est pour un film. Le thème principal de Ténèbres sera d’ailleurs samplé 25 ans plus tard par Justice (en métrique binaire cette fois) pour leur titre Phantom.

Tenebre

Reprise

6. Phenomena (Dario Argento) – 1984
Le premier grand rôle de Jennifer Connelly à 14 ans. Et une énième collaboration avec Argento pour un Goblin en roue libre qui couple une voix morriconienne à un accompagnement beaucoup plus eighties. Bizarre mais cool.

Phenomena

7. Alien Contamination (Contamination, Luigi Cozzi) – 1980
Un film d’horreur futuriste italo-allemand avec Ian McCulloch. 5,1/10 sur l’IMDb. Voilà tout ce que je sais de ce film. Mais la musique est bien.

Connexion

Withy

8. Squadra Antigangsters (Bruno Corbucci) – 1979
Jusque-là on aura pu lire que Goblin est visionnaire, que Goblin est génial, que Goblin sait tout faire. J’ajouterai ici que Goblin n’a peur de rien, composant une BO disco-ragga-WTF pour un film de gangsters humoristique, deux ans après Suspiria.

Banoon

Disco China

The Sound Of Money (feat. Asha Puthli)

9. Wampyr (Martin, Georges A. Romero) – 1976
Je n’ai pas vu ce film donc voici un pitch trouvé sur youtube (à lire en écoutant le morceau, on s’y croirait) : « Martin est un jeune homme timide et puceau qui prend son pied en buvant du sang. Résolument moderne, ce vampire n’a pas les dents longues et endort ses victimes en leur injectant de quoi dormir avant de les trancher au rasoir afin de s’abreuver. Hébergé chez un vieux cousin pro-catho fanatique qui ne cesse de l’appeler Nosferatu, le pauvre se sent incompris et explique tant bien que mal que ses gousses d’ail et autres chapelet sont inutiles. Ce que le vieux ne semble pas piger. »

Finale

10. La chiesa (Sanctuaire, Michele Soavi) – 1989
Cathédrales gothiques, groupes sataniques, chasseurs de sorcières et Asia Argento, tout un programme que ce film de 1989 musiqué en circonstance.

La chiesa