J’ai vu tous les Disney : mon Top 55

Un jour de 2015 je me suis rendu compte que je n’avais pas eu d’enfance. À l’âge de 28 ans, plusieurs conversations successives m’ont fait prendre conscience de l’amère vérité : j’étais nul en Disney. J’en avais vu six ou sept, à tout casser, et encore, pas forcément les meilleurs. Alors je me suis dit qu’il était grand temps de rattraper le temps perdu.

Michel Houellebecq dit que pour prendre la mesure d’un auteur, il est préférable de lire toute son oeuvre dans l’ordre chronologique. J’ai donc décidé d’appliquer ce précepte à ma situation, donc de me farcir dans l’ordre chronologique les 54 Classiques d’Animation Disney, de Blanche-Neige et les Sept Nains (1937) aux Nouveaux Héros (2014), en ne m’autorisant aucun oubli, pas même ceux de la période 1942-1949 dont personne ne se souvient tellement ils sont pourris.

Le chemin fut long, très long, agréable parfois, douloureux souvent, instructif toujours. Et je n’en suis pas ressorti indemne. Je suis désormais un autre homme, après cette expérience transcendantale, que je ne conseille qu’aux personnes très solides psychologiquement.

C’est donc le coeur léger que je suis allé voir Zootopie, le 55ème Classique d’Animation Disney, que je peux donc désormais inclure dans le compte-rendu de mon aventure : voici le TOP 55 DES CLASSIQUES D’ANIMATION DISNEY.

55. Saludos Amigos (1942)

Pendant la Seconde Guerre Mondiale, l’Amérique vivait les heures les plus sombres de l’histoire du cinéma d’animation. Dans le cadre de la Politique de Bon Voisinage inaugurée par Franklin Roosevelt, on demanda à Disney de produire des films éducatifs pour resserrer les liens entre les États-Unis et les pays d’Amérique Latine. Saludos Amigos est l’un d’eux.

Les quatre séquences proposées dans le film sont toutes plus pénibles les unes que les autres, et la présence de Donald Duck au casting est aussi saugrenue et contre-productive que celle d’Amélie Mauresmo à celui d’Astérix aux Jeux Olympiques. Nul à chier.

54. La Boîte à Musique (1946)

Tout le monde se rappelle de Fantasia, le film musical à sketches de Disney, mais personne ne se rappelle de La Boîte à Musique, à juste titre. Car ici Disney remplace les chefs-d’oeuvre de la musique classique par le pire de la musique populaire de l’époque.

Sous-crooners neurasthéniques, solistes dépressives feignant la joie, jazz relou surcuivré… Tout y passe. Et chaque proposition visuelle est à l’image de la bande son associée. Un véritable enfer.

53. Les Aventures de Winnie l’Ourson (1977)

La page Wikipédia des Aventures de Winnie l’Ourson précise : « Certains spécialistes de Disney font l’impasse sur ce long métrage dans leur anthologie. » Que ne l’ai-je su plus tôt… car Winnie l’Ourson est une souffrance de tous les instants, et surtout il n’est clairement pas destiné à des adultes.

Le problème c’est qu’il n’est pas non plus destiné aux enfants, et ce pour deux raisons :

1) les personnages sont encore plus sots que des Teletubbies, même un enfant de 4 ans contesterait la probabilité de leur existence.

2) le dispositif narratif est improbable : Winnie et ses amis sont en fait les personnages d’un livre que l’on voit s’ouvrir, se fermer, et parfois même servir de décor à leurs interminables aventures. Mais ce n’est pas tout : ce livre est en fait la représentation visuelle des histoires que se raconte un enfant en train de jouer avec ses peluches (d’où les fameuses coutures sur le cul de Winnie). Comment un enfant peut-il prendre la mesure d’une telle folie scénaristique ? Je vous le demande.

52. La Ferme se rebelle (2004)

Saut dans le temps qui nous mène à la grosse période d’errance de Disney dans les années 2000, pendant laquelle toutes les propositions graphiques, thématiques et scénaristiques semblaient être acceptées, même les plus inappropriées.

La Ferme se rebelle est un road-movie mettant en scène un groupe de vaches souhaitant sauver leur ferme d’une vente aux enchères fâcheuse. Sur le papier pourquoi pas, sauf que la réalisation de cette idée est désastreuse : les personnages sont laids et antipathiques, chantent sans arrêt d’épouvantables refrains country, et surtout ne sont jamais, jamais drôles, malgré de pitoyables et incessantes tentatives.


Clique si tu l’oses…

51. Chicken Little (2005)

Est-ce que ça vous arrive de faire un rêve au milieu de la nuit, de vous réveiller et de vous dire « c’est tellement génial cette idée, il faut que je l’écrive ! », et du coup vous l’écrivez. Puis vous vous rendormez. Puis le lendemain matin, vous relisez les deux pages produites pendant la nuit, et vous vous dites « mais qu’est-ce que c’est que cette merde ? »

Eh bien cette merde, les gens de Disney en ont fait un film, il s’agit de Chicken Little, l’histoire d’un petit poulet qui un jour reçoit sur la tête un panneau STOP magique décroché du ciel, mais personne ne le croit sauf ses meilleurs amis (un cochon obèse, une canarde hideuse et un poisson avec un casque), il devient alors une célébrité de son village, mais sa notoriété est compliquée à assumer donc il décide de se changer les idées en faisant du baseball (ceci résume les dix premières minutes du film, et tout le reste est comme ça). Une des expériences les plus éprouvantes d’une rétrospective Disney.

50. Dinosaure (2000)

Je parlais tout à l’heure de la difficile décennie 2000 de Disney. En voici la première pierre. Cette toute première tentative entièrement en images de synthèse raconte le périple de dinosaures subissant les dommages consécutifs à une chute de météorites, préfigurant par là-même leur extinction imminente.

Pour être franc, je ne me rappelle d’aucun des personnages tant ils sont apathiques et figés. On ne peut que leur adresser une tendresse distante, la même que l’affection mêlée de mépris qu’on ressent pour cette 3D encore rudimentaire, qui ne convainc à peu près que quand elle se place au niveau des paysages (l’explosion du début est pas mal, regardez ça puis arrêtez le film).

49. Les Trois Caballeros (1944)

La suite de Saludos Amigos (cf. n°54) surpasse d’une courte tête son prédécesseur en délaissant l’aspect pédagogico-soporifique de la découverte relou des pays du monde, pour se laisser aller à des digressions parfois assez inattendues.

On y retrouve notamment le Donald qu’on aime, caractériel et obsédé, dont l’inclination lubrique pour toutes les meufs du film (en images réelles) nous vaut quelques belles séquences wtf. Mais cela ne suffit pas à oublier l’ennui global et la sensation de fourre-tout un peu gênante de l’ensemble.

48. Mélodie Cocktail (1948)

Comme si La Boîte à Musique (cf. n°53) n’avait pas suffi, Disney récidive quatre ans plus tard avec Mélodie Cocktail. Côté chanson, on vit encore un moment très compliqué mais il faut avouer qu’il y a un léger mieux au niveau visuel.

Certaines séquences ne sont pas loin d’être réussies, notamment une mise en images du Vol du Bourdon de Rimsky-Korsakov, ou le court-métrage intitulé Little Toot, l’histoire d’un petit bateau remorqueur, qui aurait pu être plaisante si d’affreuses chanteuses n’y avaient posé leurs voix stridentes.

47. Le Crapaud et le Maître d’École (1946)

Le saviez-vous : 63 ans avant l’adaptation de Tim Burton, la légende du cavalier sans tête avait déjà été portée à l’écran par Disney dans le deuxième moyen-métrage de ce diptyque sorti en 1946.

La première partie du film (le crapaud) n’a rien à voir : il s’agit de l’histoire du riche propriétaire Thaddeus Todd (un crapaud donc) qui profite de la gentillesse de ses fidèles amis Taupe (une taupe), Rat (un rat) et Angus McBlaireau (un blaireau) pour commettre de multiples frasques et gagner toujours plus d’argent.

Point commun des deux histoires : les deux personnages sont tout aussi antipathiques l’un que l’autre et on a bien du mal à s’intéresser à leurs pérégrinations (d’autant que le Ichabod Crane de Disney a une classe beaucoup moins évidente que celui de Burton).

Ichabod
Johnny Depp mangeant une tourte aux poireaux dans Le Crapaud et le Maître d’École

46. Winnie l’ourson (2011)

Deuxième volet cinématographique des aventures de l’ours le plus con de la forêt. À la différence du film de 1977, le film n’est plus constitué de plusieurs épisodes mais d’une seule longue intrigue dont voici les deux principaux éléments :

D’abord, on apprend que Bourriquet a perdu sa queue, ce qui sert de prétexte à ses amis pour organiser un concours stupide : trouver le meilleur objet pour remplacer la queue de Bourriquet (quand ils essaient avec une cible de fléchettes, qu’est-ce qu’on s’est marrés).

Ensuite, Christopher, l’ami humain de Winnie a disparu et a laissé un mot sur sa porte : « Gone Out. Bizy. Back Soon. » En lisant incorrectement ce message nos héros s’imaginent que Christopher a été capturé par un monstre dénommé The Backsoon, et décident de partir à sa recherche.

Comme celles de 1977, ces nouvelles aventures sont parfaitement inintéressantes, et jamais drôles à part peut-être quand Bourriquet prend la parole de sa voix lente et morne, semblant à tout instant se demander ce qu’il fait entouré de pareils abrutis.

45. La princesse et la grenouille (2009)

Entre deux films en 3D (Volt et Raiponce), Disney joue la carte du retour aux fondamentaux, établis lors de leur très faste décennie 1990 : des images en 2D, une histoire de princesse, et des chansons sans arrêt.

Le film est réalisé par les auteurs de La petite sirène et Aladdin, et l’intrigue se base également sur une recette éprouvée : la transformation d’un personnage désagréable en animal, ce qui va évidemment changer son rapport à l’humanité et au monde (cf. Kuzco, Frère des Ours, La Belle et la Bête).

Mais le résultat est plat et sans âme et rien dans le film ne restitue la spontanéité, la modernité et la complexité de ses illustres modèles.

44. Dumbo (1941)

Seul classique d’animation Disney à avoir reçu la Palme d’Or (bon cette année-là il y en avait cinq faut dire), Dumbo jouit d’une belle réputation qui semble en grande partie justifiée par son grand âge.

Car mise à part une superbe séquence psychédélique au moment où Dumbo se prend une cuite (qui parait-il aurait été influencée par une visite de Salvador Dali dans les studios pendant la production du film), on est assez déconcerté par la mollesse générale de l’ensemble. Le personnage de Dumbo ne parle pas, ne semble pas investi d’une délirante pulsion de vie et n’est vraiment pas très joli. Quand un héros Disney est nul, on demande au moins qu’il soit MIGNON.


Pas mal

43. Blanche-Neige et les sept nains (1937)

On sent bien que Walt Disney a cassé sa tirelire pour que soit mené à bien son premier projet de long-métrage. L’animation de Blanche-Neige et les sept nains est déjà très impressionnante et n’a presque rien à envier à ses équivalents actuels. Le personnage de la belle-mère se place facilement parmi les méchants les plus classes de toute l’histoire de Disney (sa transformation en sorcière est relativement terrifiante).

Problème, le film souffre de deux gros points négatifs : 1) Blanche Neige. 2) Les sept nains.

D’abord cette cruche de Blanche-Neige qui passe son temps à chanter, faire la vaisselle et rêver d’un prince qu’elle a rencontré une fois (enfin, rencontré, il est passé devant chez elle quoi). Quant aux nains, ils passent tout le film à trébucher ou à se cogner dans des trucs, ce qui est marrant deux minutes mais finit par être usant.

42. Coquin de printemps (1947)

Comme la plupart des Disney des années 1940, Coquin de printemps (traduction incompréhensible de « Fun and Fancy Free ») est un agrégat de deux moyens-métrages, présentés par un vieux monsieur en images réelles qui fait parler des marionnettes en plastique (un peu flippantes).

Le premier raconte l’histoire d’un ours échappé d’un cirque (grosse obsession de Disney, cf. Dumbo et Pinocchio) qui découvre que la nature est insupportable : il n’arrive pas à chasser, n’a pas d’abri, est importuné par les insectes. Évidemment, seul l’amour le sauvera de sa dépression. Ce premier film est assez ennuyeux et on est bien content de retrouver Mickey, Donald et Dingo pour la seconde séquence, adaptée du conte Jack et le haricot magique. Une sympathique respiration avant le retour à l’angoisse, avec le vieux aux marionnettes.

41. Bernard et Bianca au pays des kangourous (1990)

La suite des Aventures de Bernard et Bianca met en scène l’improbable histoire d’un braconnier séquestrant un enfant pour lui soutirer des informations sur la localisation d’un aigle royal super rare qu’il veut capturer.

Les enquêteurs Bernard et Bianca sont mis sur le coup, et on se fait chier.

Mais je reviendrai sur leur cas un peu plus loin.

40. Bienvenue chez les Robinson (2007)

Une des innombrables (mais aussi des dernières) tentatives ratées de Disney de se renouveler pendant les années 2000. On y suit un petit génie de 12 ans à qui un mystérieux individu annonce qu’il est censé voyager dans le passé pour sauver le monde. Celui-ci l’emmène avec lui dans une capsule spatio-temporelle et c’est ainsi que débute une histoire totalement bordélique et stupide, qui se conclut par le twist final le plus faible de l’histoire du cinéma, grillé au bout de dix minutes de film.

Toutefois les quelques scènes d’action du dernier tiers du film, plutôt réussies, parviennent presque à contrebalancer la médiocrité du scénario.

39. Alice au pays des merveilles (1951)

La plus grande incompréhension entre moi et le reste du monde : ce film est NUL. Alice est moche, elle n’a aucun charisme et chante faux. Le film consiste en un amoncellement de séquences sans lien entre elles présentant des personnages parfois amusants (le chat du Cheshire) mais le plus souvent franchement pénibles (le chapelier fou, la reine rouge, et par dessus tout ces abrutis de Tweedledum et Tweedledee).

Bon d’accord en bonne adaptation de Lewis Carroll, c’est normal que ce soit décousu et évaporé, c’est une sorte de trip, une expérience visuelle, bon ok je veux bien, pourquoi pas, mais dans ce cas autant regarder Enter the Void, c’est quand même plus joli.


Je cherchais une illustration pour Alice, et je suis tombé là-dessus

38. Taram et le chaudron magique (1985)

Taram fait partie de cette longue liste de héros Disney qui n’ont aucun intérêt. Ils ne sont pas très drôles, pas très futés, pas très attachants, mais en général leur manque de charme est compensée par l’abattage de leur wingman (Bambi/Panpan, Pinocchio/Jiminy, Mowgli/Baloo, etc.) Ici en revanche personne n’est capable de neutraliser la godicherie crasse de ce Taram, pourtant flanqué tout le long du film d’une créature de race non identifiée dénommée Gurki.

Sauf pour un fan hardcore de fantasy déviante, difficile d’être intéressé par ce sous Seigneur des Anneaux sans grand relief.

37. Oliver et Compagnie (1988)

Oliver et Compagnie aurait pu sortir dans les années 2000 car il réunit tous les ingrédients des productions Disney d’alors : incertitude de la mise en scène, influences diverses et incohérentes, tentatives graphiques hasardeuses… Il s’agit d’un film de gangster new-yorkais dont l’ambiance ressemble vaguement à celle d’un film de Scorsese, mais où Robert De Niro aurait été remplacé par un chien à lunettes avec la voix de Billy Joel.

Disney compte pour compenser la faiblesse technique de l’animation sur une bande-son omniprésente à base de claviers synthétiques et de lignes de basses funky, pas désagréable mais totalement hors de propos. C’était bien tenté.


Un vol de saucisse bien groovy

36. Atlantide, l’empire perdu (2001)

Atlantide aurait mérité d’être un film muet sans personnages car le graphisme des décors et l’animation des scènes contemplatives y sont très réussis. Malheureusement rien dans le scénario est à la hauteur de cet accomplissement technique : l’intrigue est difficile à suivre, le personnage principal est transparent (malgré le doublage de Michael J. Fox), les personnages secondaires trop nombreux.

On décroche assez vite de cette quête initiatique qui se voudrait héritière de Jules Verne mais beaucoup trop brouillonne pour en atteindre le souffle épique.

35. Fantasia 2000 (1999)

Comme le premier Fantasia (et tous les films à sketches de manière générale), l’édition 2000 du classique de Disney alterne le bon et le moins bon (voire le franchement mauvais).

Hormis la reprise telle quelle de la mythique séquence de l’apprenti sorcier (mais quel intérêt alors ?) la principale réussite de ce volet est la mise en images de L’Oiseau de Feu de Stravinsky. En revanche, difficile d’effacer de sa mémoire cet abominable vol de baleines en 3D ou la ringardise du court-métrage qui illustre la Rhapsody in Blue de Gershwin.

Heureusement, la musique est bien.

34. Fantasia (1940)

Même punition pour Fantasia. Là encore c’est de ce brave Mickey, puis de Stravinsky que viennent le salut avec l’adaptation de L’Apprenti Sorcier de Dukas, puis celle du Sacre du Printemps sur de très belles images apocalyptiques.

Passées ces deux séquences, Fantasia n’est plus que douleur et désolation : entre la partouze de centaures sur la Symphonie Pastorale de Beethoven et la séquence de ballet pseudo-humoristique qui étire le même gag sur d’interminables minutes (des autruches en tutu, puis des hippopotames en tutu, puis des putains d’éléphants en tutu) il faut avoir beaucoup de patience pour en arriver à bout.

Heureusement, la musique est bien.


La musique est bien je vous dis

33. Peter Pan (1953)

Hormis ses chansons horripilantes et le trait un peu vieillot du dessin, le principal problème de ce Peter Pan est cette incohérence : on se demande bien pourquoi les héros de l’histoire s’entichent d’un personnage aussi antipathique et égocentrique que ce Peter.

D’ailleurs bien mal leur en prend car Neverland s’avère assez vite être le pire endroit de la terre : il y fait sombre et humide, on y vit entouré de créatures féroces et terrorisé par le risque permanent de se faire capturer et violer par le Capitaine Crochet.

Cela dit, l’histoire n’est pas désagréable à suivre et je comprends aisément qu’un enfant de 8 ans puisse y adhérer.

32. La planète au trésor (2001)

Contrairement à ce qu’on pourrait penser, La planète au trésor tient plus du huis-clos que d’une adaptation fantastique du roman de Stevenson. Les deux tiers du film se déroulent dans un gros bateau en 3D peuplé de personnages dont on a du mal à identifier qui sont les gentils et qui sont les méchants. C’est un peu comme The Hateful Eight de Tarantino quoi.

Hum. Bon pour être honnête c’est quand même un peu de la merde, mais le film déploie une étrangeté graphique qui n’est pas dénuée d’intérêt.

31. Robin des bois (1973)

Deuxième grosse déception après Alice au pays des merveilles. Malgré son rythme effréné et sa bonne facture générale ce Robin des bois est vraiment bourré de défauts : les personnages arrivent dans l’histoire et en repartent sans qu’on sache trop qui ils sont et pourquoi ils sont là ; les intrigues se succèdent sans cohérence, avec par exemple cette histoire d’amour entre Robin des Bois et Marianne qui se déclare au milieu du film puis est torchée au bout de dix minutes sans autre forme de procès.

Dans les bons points, je garde les deux trois scènes marrantes avec le prince Jean et son valet Triste Sire, mais à part ça : next.

30. Les Aventures de Bernard et Bianca (1977)

Le premier volet des aventures de Bernard et Bianca ne brille pas par son inventivité mais capitalise sur les recettes éprouvées par les dernières productions Disney d’alors : mignoncité des petites souris qui ressemblent à s’y méprendre au Roquefort des Aristochats, une méchante diabolique et terrifiante quasi-sosie de Cruella, des gags visuels proches de ceux de Merlin l’enchanteur.

Malgré ce côté best-of un peu paresseux, le résultat est plutôt aimable et rigolo.


Parfois il suffit de bons bruitages pour être drôle

29. Les Nouveaux Héros (2014)

Les Nouveaux Héros raconte l’histoire d’un petit garçon qui après le décès de son frère hérite d’un robot créé par celui-ci dénommé Baymax, dont l’utilité est de détecter les gens en mauvaise santé et de leur proposer des moyens de se soigner. Évidemment à un moment le robot décide de s’enfuir et les ennuis commencent.

La première partie du film est inventive et décalée, presque poétique, on est alors sur la base d’un très bon Disney. Puis au milieu du film, sur un coup de folie incompréhensible le petit garçon décide de transformer son robot-pharmacien en machine de guerre équipée de réacteurs et de guns surpouissants.

À partir de ce moment, Les Nouveaux Héros passe d’une sympathique fantaisie japonisante à un remake d’Avengers tout ce qu’il y a de plus crétin, calibré pour un public pré-adolescent voire carrément enfant. Petit gâchis.

28. La belle au bois dormant (1959)

J’avoue que je redoutais un peu celui-ci : a priori le film pour petites filles des années 50, avec la princesse, les fées, les belles robes, les petites étoiles qui scintillent, je m’étais préparé psychologiquement à soixante-quinze minutes difficiles.

Et finalement, l’expérience fut plutôt plaisante, d’abord l’esthétique du film est très moderne, pas très différente de celles des années 1990. Puis, passé le récit de la jeunesse de l’héroïne et la révélation de son crush pour le prince métrosexuel, La Belle au bois dormant devient un véritable film d’aventure : déploiement de la malédiction, quête du prince pour retrouver sa bien aimée, courses effrénées dans les donjons, combats d’épée, et un gros dragon pour couronner le tout.

Bon, la scène du bisou est un peu cheesy, mais il en faut pour tous les goûts. Dans l’ensemble ça passe.

27. Les Aristochats (1971)

Une chatte cis-blanche de droite insupportable flanquée de trois chiards malpolis s’éprend d’un clodo prognathe qui l’emmène dans un club de chats-jazzmen qui réveillent les voisins toutes les nuits sans aucune vergogne : dans les Aristochats, Disney arrive parfaitement à restituer la quintessence de l’esprit de ces créatures malséantes et dénuées de toute forme d’amour que sont les chats.

Pour que son film ne soit pas totalement antipathique, Disney prend soin d’adjoindre à ses protagonistes de sympathiques acolytes, Frou-Frou le cheval et surtout Roquefort la souris, peut-être le personnage le plus attachant de l’histoire de Disney, dont on se demande bien ce qu’il trouve aux odieux héros de cette histoire.

roquefort
ʕ◕ᴥ◕ʔ

26. Le Bossu de Notre-Dame (1996)

Au delà de l’adaptation plus ou moins fidèle de Victor Hugo, Le Bossu de Notre-Dame est une belle leçon de vie, portrait d’un personnage qui se soustrait à la loi d’un tyran, l’infâme Frollo, pour découvrir celle, impitoyable, du marché de la séduction.

Ainsi le personnage de Quasimodo passe le film à rêver d’Esmeralda pour se rendre compte au final qu’il ne botte pas dans la même catégorie que son rival Phoebus, qui est non seulement plus beau que lui mais aussi plus intelligent et surtout bien plus drôle. Hormis cet aspect, le film n’est pas franchement passionnant, et les chansons sont nulles.

25. Frère des Ours (2003)

La première demi-heure de Frère des Ours fait flipper : on suit les tribulations de trois frères amérindiens qui s’amusent à chasser des animaux sauvages, s’échanger des espèces de totems en forme d’animaux ou faire des courses de pirogues sur du Phil Collins.

À ce moment-là on se demande dans quel pétrin on s’est encore fourré (parce qu’à ce moment-là on en est quand même au 44ème film de la rétrospective), mais plus tard, par un concours de circonstances dont je ne me souviens plus exactement le déroulement, l’un des frères meurt puis un autre (qui a la voix de Joaquin Phoenix) se transforme en ours.

Rejeté par les humains il rencontre un ourson tout mignon mais un peu collant qui se cherche un ami. Le film prend alors un nouveau départ sous la forme d’un buddy-movie bien plus réjouissant, et s’y tient jusqu’à la fin.

24. Les 101 Dalmatiens (1961)

Il y a deux films en un dans Les 101 Dalmatiens, d’abord celui qui débute dans une ambiance un peu posée, décontractée du gland, où Pongo raconte sa life de chien en écoutant du jazz, tombe amoureux d’une meuf, regarde la télé pépouze avec ses gosses mignons.

Puis Cruella débarque et c’est la guerre. Tout est menace, angoisse, lutte, inquiétude, exil. Les 101 Dalmatiens raconte une certaine idée de la liberté et des luttes par lesquelles il faut passer pour la conserver, et c’est en cela qu’il mérite son statut d’indéboulonnable classique.

Malheureusement c’est également un film bourré de bons sentiments, avec des héros très très gentils, une méchante très très méchante (mais qui meurt même pas à la fin), et une happy end qui dure 10 heures. Un bon film de Noël quoi.


Pourquoi laisser les gens mourir alors qu’il suffit de leur frotter le dos

23. Raiponce (2010)

On aime bien les films de princesse mais on trouve quand même que ça fait un peu réac. Plus personne n’a envie de voir une pauvre fille faire du tricot toute la journée en attendant qu’un prince passe incidemment dans le quartier pour la sauver de son existence misérable en lui faisait un bisou.

Raiponce réussit là où La princesse et la grenouille échouait, à savoir le dépoussiérage de l’image d’Épinal du film de princesse, non pas en transposant le décor dans un bayou mississippien mais justement en reprenant mot-à-mot tous les fragments du discours du film de princesse (big-up Roland Barthes).

Tous les traceurs sont là : le papa barbu, le château, la malédiction, la belle-mère pas sympa, le prince, les animaux de la forêt, le cheval, les chansons, sauf que tout cela est un peu décalé, pour seoir à l’esprit des années 2010. Mais bon ça reste un film de princesse, donc c’est quand même un peu crétin, faut pas déconner.

22. Hercule (1997)

L’esthétique d’Hercule n’est pas vraiment son point fort. Drôle de choix que ces traits brisés et anguleux qui donnent à tous les personnages un visage difforme et des tétons en spirale.

Le scénario d’Hercule n’est pas vraiment son point fort non plus. Finalement on ne comprend pas très bien qui est ce gars et pourquoi on nous raconte son histoire : il est plutôt bête, pas très beau (il a le menton et le nez en spirale), il n’est pas un vrai dieu, il a l’air assez fort mais outre la très réussie séquence de l’Hydre de Lerne, quasiment aucune mention n’est faite de ses victoires de guerre (qui pourtant sont au nombre de douze d’après mes souvenirs).

Alors quel est le point fort d’Hercule ? Hadès bien sûr, très drôle et très malveillant dieu des enfers qui tient le haut du pavé dans la galerie des méchants Disney et fait oublier à chacune de ses apparitions la faiblesse du héros du film. Mais il n’y a pas de hasard : Hadès est joué par James Woods et Hercule par Tate Donovan (cherchez pas, on sait pas qui c’est).

21. La Reine des Neiges (2013)

Autant le dire tout de suite, « Let it go » est une chanson affreuse et son interprète n’a aucune raison de la chanter au moment où elle le fait. Et malheureusement tous les personnages de La Reine des Neiges chantent, sans arrêt. Si La Reine des Neiges a du succès ce n’est probablement pas grâce à ces abominables chansons, mais plutôt parce qu’on y poursuit la destruction par l’intérieur du concept de film de princesse à la Disney.

Ici deux soeurs poursuivent chacune une quête, l’une d’échapper à la violence d’une malédiction dont elle est la victime, l’autre de se trouver à tout prix un prince charmant pour se marier et faire beaucoup d’enfants. Le film souligne à tout instant le ridicule des aspirations de celle-ci, sorte de Bridget Jones du grand nord qui bien qu’aimable ne peut lutter face à la méga-classe de sa soeur, recluse dans un château de glace surplombant un superbe décor enneigé.

Vraiment dommage qu’il y ait les chansons.

20. Bambi (1942)

Ce film a traumatisé des générations entières d’enfants venus voir un petit film bucolique sympa, et à qui on aura finalement déroulé la biographie entière d’un faon quelconque pas plus gâté que les autres. Bambi passe en revue de manière exhaustive les joies et les affres constitutifs d’une vie normale : la naissance, l’apprentissage, la découverte des autres, l’amour, la mort.

Plus de soixante ans après sa sortie, s’il y a quelque chose à reprocher à Bambi, ce ne sont certainement pas ses graphismes, d’une qualité assez ahurissante, mais peut-être plutôt une certaine lenteur dans le déroulé des événements. On a parfois l’impression de suivre le film au ralenti, perdu dans une contemplation de la nature rendue obsolète par le rythme frénétique des productions actuelles. Disney, le Apichatpong Weerasethakul des années 1940.


Bumbie’s mom, fantastique épisode de Slappy Squirrel en hommage à la génération Bambi

19. Pinocchio (1940)

Pinocchio n’est que le deuxième long métrage d’animation de Disney, mais c’est surtout l’un des plus pessimistes.

La vie est une vraie pute pour Pinocchio : presque tous les gens qu’il croise sur sa route lui veulent du mal, et chacun de ses écarts de conduite se solde par une épouvantable punition. Il sèche l’école ? un marionnettiste cinglé le séquestre dans sa caravane. Il raconte des mensonges ? son nez se transforme immédiatement en branche de troëne. Il se la donne un peu trop à une soirée bien arrosée ? tous ses potes se transforment en âne. Il retourne chez lui après toutes ces mésaventures ? son père n’est plus là, il s’est fait bouffer par une baleine.

Pinocchio est un voyage initiatique tout ce qu’il y a de plus anxiogène, un cruel apprentissage de la vie, et force est de constater que c’est quand les gens de Disney n’ont aucune pitié pour leurs personnages qu’ils sont les meilleurs.

18. Cendrillon (1950)

Le point commun entre les personnages pré-Cendrillon (Blanche-Neige, Pinocchio, Dumbo, Bambi) était assurément leur incapacité à s’affirmer en tant qu’individus. Cendrillon n’est pas de cette race-là, c’est la première à s’exprimer, se rebeller, désobéir, lutter pour perdre sa condition d’opprimée. Bon, évidemment le seul rêve de Cendrillon c’est quand même de se marier avec un prince, n’importe lequel, et être la star des soirées en portant des robes brillant de mille feux, on se refait pas.

L’histoire est racontée avec humour (le personnage du papa du prince (le roi donc) est très drôle) et un rythme maitrisé (si je m’emportais je dirais que la scène finale où Cendrillon est enfermée dans sa chambre pendant le passage du Grand-Duc est digne d’un Hitchcock). Quant aux chansons, elles sont réduites à un nombre limité, ce qui est bien la première qualité de ce Disney, culte à juste titre.

17. Pocahontas (1995)

Pocahontas met en image l’incompréhensible tendance qu’ont les meufs belles, indépendantes et avec un corps de rêve à s’enticher de bellâtres cons comme des quiches. En effet, on se demande bien ce qu’elle trouve à ce John Smith.

Bref. À part ça il s’agit sans doute d’un des films visuellement les plus réussis de Disney, les décors de cette Amérique du XVIIème siècle reconstituée sont somptueux. Le principal défaut du film est peut-être son manque total de dérision, qui fait passer son message de tolérance et d’ouverture pour une leçon un peu fastidieuse.

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Théorème : quand il y a un chien dans un Disney, le film est bien

16. Kuzco, l’empereur mégalo (2001)

Un an après le catastrophique Dinosaure, Disney semble enfin comprendre son époque et produit Kuzco, son premier film post-moderne. Ici la profondeur des personnages ou la crédibilité des situations ne sont plus de mise, tout est prétexte à dérouler le maximum de gags en quatre-vingt minutes dans un rythme débridé au mépris du sens et de la cohérence du film.

Le personnage de Kuzco mène ce bordel totalement désorganisé en faisant mine de vivre des situations dangereuses, mais il semble tellement conscient d’être un personnage de film qu’il s’adresse quasiment directement au spectateur.

Comme dirait André Manoukian : belle énergie.

15. Tarzan (1999)

Et si Tarzan était un remake de Pocahontas ? Le pitch est le même : un individu élevé dans une communauté autarcique au coeur de la nature tombe amoureux d’un individu provenant d’un groupe extérieur menaçant sa communauté. Sa famille s’oppose à son union mais l’amour est plus fort que tout, etc.

Dans le genre, Tarzan ne se défend pas mal, égalant Pocahontas dans la beauté des décors, et la surpassant dans la fluidité des animations, enrichies par de magnifiques mouvements de « caméra » : les scènes où l’on suit Tarzan d’arbre en arbre grâce à d’impossibles travellings sont assez jouissives, il faut bien le dire.

Par contre, pour ce qui est de la musique, Phil Collins a fait mieux.

14. La Belle et la Bête (1991)

Un huis-clos dans un château c’est 10 points direct, mais quand il s’agit d’une histoire d’amour entre une jolie meuf et un lion-yak géant, c’est jackpot. Et encore, les tasses qui parlent ne comptent pas dans le barème.

Toute l’imagerie fantastique de Disney se déploie à travers l’histoire totalement déglinguée de cette fille emprisonnée par un monstre et qui développe petit à petit à son égard un syndrome de Stockholm particulièrement avancé (puisqu’elle finit quand même par se le faire, ce qui n’était pas gagné au départ).

Toute l’ambiguïté du film, sa faiblesse et sa force à la fois, est qu’il ne cesse de prêcher une morale démagogique qu’il finit par détruire totalement : « le physique importe peu, la beauté intérieure est la plus importante » claironne-t-il pendant une heure avant de conclure en réunissant dans un lit marital une meuf super belle et un mec super beau.

Mais je pinaille, en vrai c’est très bien.

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Belle, première princesse Disney à maîtriser le lever de sourcil, jusqu’alors réservé aux hommes

13. La Petite Sirène (1990)

Après sa longue période de flottement des années 1980, Disney renoue avec la recette classique consistant à raconter le coup de foudre d’une fille sans intérêt pour un gars sans intérêt qu’elle ne peut atteindre, pour une raison ou pour une autre. En l’occurrence, ici la meuf est un poisson.

Le déroulement est classique, le papa moustachu n’est pas d’accord, le pote rigolo fait des blagues et l’affreuse méchante entre en contact avec la fille pour la piéger et prendre le pouvoir sur le royaume. Tout ceci est raconté avec force chansons, qui pour une fois sont plutôt réussies, et on arrive sans heurts à la scène de combat finale, très cool aussi. La période faste de Disney est née.

12. Aladdin (1992)

Là encore tous les fondamentaux de Disney sont présents dans une version améliorée : le héros à la position sociale incertaine, la princesse à fort caractère, le papa inquiet, le vilain qui lâche rien. Et surtout le second rôle qui fait des vannes, tenu ici par l’inénarrable Robin Williams en génie de la lampe, à ce jour le meilleur sidekick de l’histoire de Disney.

Le conte Aladin est le support parfait pour déployer ce genre d’artillerie lourde, dans des décors avenants et ensoleillés, invitation continuelle au voyage.

Cette luxuriance, cette végétation… Agrabah, terre de contrastes.

11. Le Livre de la jungle (1967)

À revoir Le Livre de la Jungle en tant qu’adulte on se rend compte à quel point l’animation y est rudimentaire. On se demande comment on a pu nous faire croire qu’il s’agissait là d’une véritable jungle. Il n’y a pas d’insectes, pas de bruits alentour, pratiquement pas de danger, les décors fixes et peu nombreux donnent plutôt l’impression d’assister à une pièce de théâtre où se succèdent les tableaux : la panthère, les éléphants, l’ours joyeux, etc.

Mais qu’importe, il faut admettre que l’optimisme et la gaieté du film l’emportent sur la sensation d’immobilité. Les personnages sont attachants et les chansons sont entraînantes, c’est bien tout ce qu’on demande à un Disney.

10. Lilo & Stitch (2001)

Un des rares cas où le héros d’un film Disney a véritablement mauvais fond. Stitch est une créature extra-terrestre programmée pour tout détruire sur son passage. Il échoue sur Terre après avoir fui la justice intergalactique et parvient à passer pour un animal de compagnie auprès d’une petite fille tout aussi détestable que lui.

La réussite du film tient à ce que Disney ne déroge jamais (ou très tard) à l’idée que son personnage est fondamentalement sauvage, violent et égoïste. Certes on ne le verra jamais massacrer Lilo à coups de griffe mais on ne doutera jamais de ses dispositions à le faire au moment où il n’aura plus besoin d’elle. Un mauvais esprit rafraichissant entre deux guimauves.

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Ce qui se produit à la fin de ce gif va vous étonner

9. Les Mondes de Ralph (2012)

Quand Disney fait mine de s’intéresser aux phénomènes de son époque en s’attaquant au monde des jeux-vidéo, on peut s’attendre à un hommage ultra-référencé aux classiques du genre, profusion de guests-stars, clins d’oeil irrévérencieux, caméo de Mario en slip.

Certainement pour des questions juridiques il n’en est rien ; seule la scène d’ouverture montrant une réunion de bad guys en mode alcooliques anonymes semble satisfaire au passage obligé de l’hommage frontal, tout le reste est très discret. Et ce n’est pas plus mal car Les Mondes de Ralph revêt très vite la forme d’un remake très réussi de Toy Story, reprenant l’argument du film matriciel de Pixar, transposé au numérique : Que deviennent les personnages de jeux-vidéo quand la console est éteinte ?

Le voyage est ludique (forcément), on s’y amuse avec les codes des jeux vidéos, en opposant les univers, favorisant les confrontations entre sympathiques jeux d’arcade des années 1980, shoot-em ups frénétiques ou jeux de courses de voitures kawaiis, et recyclant avec brio l’histoire éternelle du héros incompris en quête d’une nouvelle place dans la société.

8. Basil, détective privé (1986)

Si on demandait à n’importe qui de citer dix personnages Disney sans réfléchir, je pense que personne ne penserait jamais à Basil. Et pourtant il est un outsider de qualité dans la grande galerie des personnages Disney.

La libre adaptation de Sherlock Holmes dont il est le héros est très agréable à suivre, inventive, bien rythmée, plutôt drôle. L’ambiance de l’Angleterre victorienne est joliment restituée et Disney exploite bien ces décors conformément à la petite taille de ses personnages, s’appliquant à imaginer des gags et des situations à leur échelle, notamment une séquence finale en semi-3D dans les engrenages de Big Ben qui pour un film des années 1980 est visuellement assez impressionnante.

7. Zootopie (2016)

Le dernier cru de Disney pousse très loin le concept d’anthropomorphisme qui lui est cher, puisque dans la société présentée dans Zootopie, les animaux se sont affranchis de leur nature sauvage et vivent désormais tous ensemble dans une mégapole hi-tech surpeuplée. On suit les aventures de Judy, lapine provinciale s’installant dans la capitale pour devenir policière, ignorant l’offre qui lui est faite de reprendre l’affaire de vente de carottes de ses parents. Elle découvre alors la puissance des stéréotypes, et particulièrement de ceux dont elle sera l’objet à double titre en tant que femme et lapin.

Zootopie atteint une efficacité comique assez rare quand il se joue des caractéristiques de chaque espèce (l’héroïne principale a 180 frères et soeurs, les paresseux travaillent à la préfecture et sont extrêmement lents, les loups ne peuvent s’empêcher de hurler sans arrêt), tout en contrebalançant l’idée de nature omnipotente en présentant des individus qui ont leurs propres spécificités, comme une taupe minuscule parrain de la mafia ou un officier de police incarné par un tigre pas du tout viril fan de Shakira. L’occasion d’un aimable discours sur les préjugés et la discrimination qui semble directement adressé aux enfants d’électeurs de Donald Trump, quitte à être ressassé parfois un peu lourdement.


Teaser bien choisi : c’est la scène la plus drôle du film

6. Mulan (1998)

En léger manque d’inspiration à la fin des années 1990 (Le Bossu, Hercule), Disney met les moyens à tous les étages pour être au niveau des précédents films de la décennie : si le choix du style de dessin des personnages à base de grands traits outrés est discutable, en revanche les décors sont superbes et les scènes d’actions grandioses, surtout celles qui se déroulent en montagne. Le compagnon de voyage Mushu, petit dragon minuscule et hilarant, est doublé à la perfection par Eddie Murphy.

Mais surtout Mulan est la première héroïne de Disney à penser à autre chose qu’aux mecs et au mariage. Son père malade doit être envoyé à l’armée, et pour le protéger elle décide de prendre sa place. Les circonstances lui imposent de se mettre dans la position du Héros, du vrai, celui qui manie l’épée et qui sauve son pays. Une petite révolution qui préfigurait avec brio la Judy de Zootopie.

5. La Belle et le Clochard (1955)

Révélation : il n’y a pas vraiment besoin de méchant pour qu’un Disney soit réussi. Dans La Belle et le Clochard, il n’y a pas de méchant, il n’y en a pas besoin, c’est LA VIE qui est méchante.

On décèle dans La Belle et le Clochard une forme d’ambition, un retournement des codes établis. Ici quand les personnages se mettent à chanter, ce n’est pas à n’importe quel moment comme ça sans prévenir. Quand on chante c’est qu’il y a nécessité de chanter. Belle, reléguée au rang de numéro 2 quand un enfant arrive au foyer, n’a personne à qui se confier et c’est par dépit qu’elle se met à chanter (dans sa tête). Quand plus tard les chats pervers de la vieille tante s’installent dans la maison pour y faire la loi, le chant qu’ils entonnent matérialise l’angoisse qu’elles évoquent à la pauvre chienne.

Belle voyant que sa vie bourgeoise n’est finalement pas idéale fuira son logis et rencontrera un chien à l’abord aimable qui l’enjoindra à la découverte du monde (pas non plus de tout repos). La faiblesse de La Belle et le Clochard est peut-être la rudesse avec laquelle elle impose à ses deux personnages de rentrer dans le rang. Au final, Belle revient chez elle et impose au Clochard son retour à la case départ (et cinq gosses par dessus le marché), une vision de la vie très années 50, un brin étriquée.

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Jeu : devinez lequel de ces adorables chiots est exempté de corvée de vaisselle

4. Volt, star malgré lui (2008)

Voici le film le plus incontestablement mésestimé de la production Disney de ces dernières années. Volt raconte l’histoire d’un chien acteur spécialisé dans les films d’action. Il y incarne un super-héros destiné à endiguer les frasques d’un complot félin international. Seulement cette brave bête n’est pas du tout au courant de sa condition de comédien et pense être un vrai héros, la vérité lui est cachée à la manière du personnage de Jim Carrey dans The Truman Show. Après chaque tournage il est envoyé directement dans une caravane fermée à clé d’où il ne ressort que le lendemain pour tourner ses prochaines scènes.

Mais le jour où Volt parvient à s’enfuir du plateau de tournage où il est enfermé et se retrouve par un mauvais concours de circonstances à l’autre bout des Etats-Unis, le vrai monde va s’imposer à lui.

En général on juge un road-movie à la qualité des personnages rencontrés par le héros, et dans ce domaine difficile de faire mieux que ceux de Volt, tous plus drôles les uns que les autres, notamment l’hilarant Rhino, hamster enfermé dans une boule d’exercice en plastique et fan de films d’action, sidéré de rencontrer son idole et ravi de pouvoir lui prêter main forte dans sa mission.

Volt, comme The Truman Show et comme n’importe quel bon film, brasse sans les imposer de multiples thématiques passionnantes, qu’il traite avec modernité et intelligence. En ce sens il tient largement la comparaison avec les productions Pixar actuelles, qui de la même manière ne sacrifient jamais l’intelligence du fond à l’efficacité de la forme (et inversement).

3. Le Roi lion (1994)

Est-ce vraiment utile que je m’attarde sur Le Roi Lion. Tout le monde aime Le Roi Lion, car il contient toute l’âme de Disney.

Une histoire béton directement pompée chez Shakespeare. Une esthétique immersive qui met à l’amende le théâtre de marionnettes du Livre de la Jungle.

La BO de Hans Zimmer reprenant les sonorités de l’admirable Mission de Ennio Morricone, à laquelle s’ajoutent quelques très belles compos d’Elton John qui donne tout ce qu’il a : mélopées romantiques (Can you feel the love tonight), hymnes héroïques ou joyeusement ineptes (The Circle of Life, Hakuna Matata), b-sides funky (I just can’t wait to be a king).

Une foison de seconds rôles cultes et surtout un abominable vilain, l’inommable Scar, probablement le méchant le plus réussi de l’histoire de Disney, dont la perversité et l’abjection se ressentent jusque dans les plus infimes vibrations de sa voix, magnifiquement doublée par Jeremy Irons (il est d’ailleurs un peu dommage qu’il soit vaincu de manière si expéditive dans le final).

Donc non je ne dirai rien sur Le Roi Lion.

2. Merlin l’enchanteur (1964)

Merlin est sans doute le film le plus ludique de Disney, voyage initiatique qui avance au gré des transformations des protagonistes principaux en animaux de la forêt. Chaque métamorphose leur permet de redécouvrir le monde selon un nouveau point de vue : on découvre ce qu’il se passe sous l’eau, dans l’air ou dans les arbres avec les yeux d’un poisson, d’une chouette ou d’un écureuil, au travers de séquences drôles, inventives, touchantes.

En périphérie de l’intrigue principale, Disney distille quelques touches de pur humour visuel, notamment par l’intermédiaire des hilarantes mésaventures d’un loup poursuivi par la poisse, qui rappelle au bon souvenir de la série de chiens losers de Tex Avery. Merlin semble également puiser chez Tex Avery son inventivité burlesque qui se niche jusque dans le choix des bruitages.

(Bon les dessins sont pas très beaux, mais on s’en fout.)

1. Rox et Rouky (1981)

La superbe scène d’ouverture de Rox & Rouky annonce la couleur : sur une musique d’angoisse à la Bernard Herrmann, le calme de la campagne est troublé par la course effrénée d’une maman-renard poursuivie par un groupe de chasseurs. Elle est bien vite rattrapée, puis exécutée manu militari, laissant seul au monde un petit renardeau, triste et désemparé (c’est Rox).

La suite du film nous racontera la bromance impossible entre celui-ci et le chien Rouky, avortée par leurs vocations respectives de proie et de prédateur. L’histoire est racontée sans manichéisme, il n’y a pas de bad guy sans foi ni loi, pas de gentil héros, juste des personnages dans toute leur complexité qui tentent de trouver leur place dans le monde, composant avec leurs inclinations, leurs obligations, leurs culpabilités.

Rox & Rouky débute par la mort d’une mère et se termine sur un constat implacable : non l’amitié et l’amour ne sont pas plus forts que tout, et ne pourront jamais rien face à la brutalité du déterminisme social. Oui on a pleuré devant la mort de la maman de Bambi mais s’il y a bien un film qui mérite nos larmes, c’est surtout Rox & Rouky, le plus noir et le plus beau des Disney.


Number One

Comment raconter une blague au XXIème siècle ?

En ces temps mouvementés, j’ai décidé d’aborder un vrai problème que pose la pratique de l’humour au quotidien. Aujourd’hui je vais parler de l’histoire drôle. De la blague, quoi.

Aujourd’hui, on ne raconte plus de vraie blague, comme autrefois, sans arrière-pensée. Finies les scènes de repas où l’un des hôtes interrompait la conversation en criant « c’est comme le mec qui va chez le primeur… vous la connaissez pas celle là ? », etc. ou même directement sans prélude, à sec : « ah tiens ! c’est le mec qui va chez le primeur, il demande : vous avez des betteraves ? », captivant en un instant un auditoire déjà acquis à la cause du raconteur, avide de rire.

Un de ces moments d’hilarité générale qui se font de plus en plus rares

Mais c’est fini tout ça, la blague est devenue ringarde. On rechigne à la raconter, et si on fait l’effort, ce n’est jamais sans une pointe d’ironie dans la voix. On fait semblant d’en raconter de bonnes, mais voilà en réalité ce qu’on raconte :

  • des blagues au second degré : Ouvertement racistes, misogynes, homophobes, nauséabondes, intolérables. On les raconte avec un ton détaché, montrant par là qu’on ne s’associe pas aux gens qui rient sérieusement. On mime un personnage sinistre qui raconte une blague, et l’auditoire rit de cette composition cocasse. Les professionnels usant de ce stratagème héritent aussitôt du titre de nouveau-Pierre-Desproges.
  • des blagues métas : Qu’est-ce qui est petit et marron ? Un marron. Mr et Mme Zidane ont un fils, comment s’appelle-t-il ? Zinedine. Ici on parodie le principe de la blague, on s’en approprie les codes pour désamorcer la chute et créer le décalage. Oui, oui, pourquoi pas, mais le répertoire est vite épuisé (vous ne pourrez jamais raconter qu’un seul monsieur-madame de toute votre vie, c’est ça l’existence dont vous rêvez ?)
  • des blagues absurdes : Là on raconte tout simplement n’importe quoi, le rire provient de l’absence de repères de vos interlocuteur. Les gens vous demandent si vous avez fini votre blague pour être sûr de pouffer au bon moment. Mais c’est un pouf de politesse, de désorientation, voire de gêne. C’est le premier pas vers un futur morose, que nous prédisait Quentin Dupieux dans son magnifique film d’anticipation Steak.
  • des blagues pourries : Il y a peu, on les introduisait encore en annonçant « j’ai une blague mais elle est nulle hein ! » Maintenant on ne prend même plus cette peine, il est tacitement acquis qu’une blague doit être nulle. Plus la blague est mauvaise, plus l’auditoire ricane. D’après une étude, environ 78% des blagues du SAV d’Omar et Fred exploitent ce principe tout simple et peu coûteux en énergie.
  • des blagues fourbes : pour ne pas passer pour un plouc, on fait semblant de raconter une vraie anecdote, dont on ne dévoile la vraie nature qu’au tout dernier moment comme dans la vidéo ci-dessous. L’effet est plutôt réussi mais comme le souligne bien lumièredudivin en commentaire « En fait elle est pas marrante sa blague, elle est nulle à chier ! comme son histoire de merde ! » Ce contributeur n’a pas tout à fait tort.

 

Dans tous les cas, on se moque de la blague, on ne rit plus de ce qu’elle raconte mais du fait même de la raconter, on se moque du principe de la blague, en somme.

Pourtant, raconter une blague est un moment intense de la vie quotidienne, une micro-aventure humaine comparable à l’escalade d’un petit sommet ou à un exploit sportif en championnat départemental. Si j’osais, je parlerais même d’une sorte de coït intellectuel où la chute serait l’orgasme, le moment d’extase, d’éclaboussement, après quoi tout s’arrête. Avant elle, il y a cette longue montée en puissance qui consiste à installer l’intrigue, les bases du rire à venir, s’attarder ça et là sur des petits détails, provoquer un léger tangage dans la croisière de l’humour.

Mais attention tout ceci est à la fois très technique et surtout très périlleux sur le plan psychologique. Voici peut-être la raison pour laquelle ceux qui s’y aventurent se raréfient. Croisez trop longtemps le regard de l’auditoire, et ses yeux vous agrippent. Personne ne rit : forcément, c’est la chute qui est censée être drôle, pas ce qui la précède ; et le moment est intense, douloureux presque.

Vous êtes seul à parler, vous menez la danse, le poids des regards vous accable. Plus l’intrigue avance et plus le silence qui entoure vos paroles est pesant. Plus vous vous rapprochez de la fin, plus vos organes deviennent lourds, moins votre coeur pompe de sang. Vous arrivez tant bien que mal à la chute. Vous pensez que le plus dur est fait ? Perdu. Le moment de vérité est ici. La partie technique.

Comme je suis un mec sympa, je vais vous expliquer comment vous y prendre, comme le faisaient nos aïeux dans la plus pure tradition de l’humour français. Vous pourrez alors mettre en application ces conseils et revenir dans le droit chemin, être l’un des premiers à dire non à cette société qui vous impose le second degré, qui vous impose la goguenardise et la négation de l’humour brut. Raconter, vraiment, des histoires drôles.

Ainsi que l’ont définit les théoriciens de la musique, un son musical se distingue du bruit par quatre caractéristiques : la durée, l’intensité, le timbre et la hauteur (le ton). La chute d’une histoire drôle c’est pareil, et la mauvaise maîtrise de ces paramètres peut faire de vous la risée d’une soirée (« ehh regarde c’est le mec qui a foiré la blague de la tarte au concombre tout à l’heure !»).

Décomposons :

  • Intensité : Conserver le même volume, il peut être fort ou faible, peu importe votre style mais tenez-vous-y. NE SURTOUT PAS CHEVROTER, c’est la marque des faibles, de ceux qui ne savent pas raconter, ou qui n’en avaient pas vraiment envie. Le chevrotage est le pire ennemi du pitre.
  • Timbre : assumer à fond la chute même si la foi n’y est plus, et idéalement prendre un ton de RIGOLADE. C’est régulièrement un personnage qui énonce la chute, eh bien faites le comédien, jouez, mettez-vous dans sa peau merde ! Attention : s’il y a des personnages célèbres dans la blague, ne jamais faire d’imitation, et surtout pas Jacques Chirac
  • Durée : les gens sont disponibles, ouverts, tendus, la chute doit tomber comme un couperet, elle doit leur trancher la tête de rire. Une chute trop longue vous mènera irrémédiablement vers votre perte. De la même manière, expliciter votre blague si son effet vous semble indigne est une erreur. Si quelqu’un vous le demande, fuyez.
  • Hauteur : toujours raconter ses blagues en fa dièse.

Spectrogramme de la blague de la bite qui poursuit un cul

Bien sûr je ne vais pas vous abandonner sur ces quelques bases très théoriques, et je vais même vous proposer une expérience vertigineuse.

Pour commencer, choisissez entre ces deux blagues : la blague de la poule ou la blague du stylo.

Ensuite, tel dans un livre dont vous êtes le héros, vous choisirez un lien sur la colonne de droite de la page choisie, puis vous choisirez un lien sur la colonne de droite de la page suivante, et ainsi de suite. Vous verrez qu’après une trentaine de blagues, la science du rire s’infusera en vous, et vous redeviendrez, enfin, un vrai blagueur.

Pourquoi La Belle et ses princes presque charmants est-elle la meilleure émission de téléréalité de tous les temps

Il y a dix jours a démarré la troisième saison de La Belle et ses princes presque charmants, la meilleure émission de l’histoire de la téléréalité. Bon j’avoue, je m’enflamme volontairement pour appâter le chaland sur ce magnifique blog refait à neuf, mais ce n’est pas si loin de la vérité. Je m’explique :

Un beau jour d’avril 2012, en naviguant négligemment sur les chaînes de ma télé, je suis tombé au milieu d’un épisode de La Belle et ses princes presque charmants. J’ai pas trop aimé, je trouvais ça bête et vil, pas très drôle, j’ai zappé. Deux semaines plus tard, retombant dessus par hasard, j’ai cette fois-ci été happé par une espèce de magie télévisuelle qui s’opérait devant mes yeux. Depuis, je n’ai plus manqué un seul épisode.

N’étant pas plus con qu’un autre, je me suis demandé ce que je pouvais bien trouver à cette émission décriée de toutes parts, notamment par le philosophe Christophe Carrière qui résumait récemment sa pensée par cette formule lapidaire : « C’est l’école de la bêtise qui devient le collège du fascisme » (Touche pas à mon poste, 25 novembre 2013).

DébatIls zappent.

Bon. Qu’est-ce que la téléréalité ? Selon un récent rapport du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel, on la définit au sens large comme un format d’émission « plaçant des personnes anonymes ou connues dans des situations artificielles créées par la production afin d’observer leur comportement et de susciter des réactions positives ou négatives chez le téléspectateur, provoquées par une forte tension dramatique et émotionnelle ». Pour résumer, le principe est de soumettre des individus ordinaires à des situations sociales prédéfinies, constituant le synopsis du programme, le « protocole » pour ainsi dire.

Dans Loft Story les candidats sont enfermés avec des inconnus sans le moindre contact avec l’extérieur, chacun doit s’accommoder de cet entourage restreint, au détail près que chaque semaine il lui est possible de voter pour éliminer la personne qu’il aime le moins.

Même principe pour Secret Story, auquel on ajoute la dimension apportée par le contexte de jeu de rôle. Au delà de la recherche du secret des uns et des autres, on y encourage les candidats à mentir et à manipuler leurs petits camarades en accomplissant des missions rémunératrices proposées par « La Voix », autorité toute puissante.


Je casse le mythe : la voix a cette tête-là.

Mais qu’importe le protocole ; à son âge de pierre (première moitié des années 2000), le succès de la téléréalité réside avant tout sur l’identification du spectateur, à des personnages et à des situations :

– Le casting est composé de manière à ce que chaque spectateur s’identifie peu ou prou aux candidats. À chaque saison son rebeu, sa cagole, son discret, son gay, son gothique etc. Chaque candidat est identifiable, marqué, stéréotypé, chaque spectateur a ses préférés, qu’il aime suivre au fil de l’aventure, comme les personnages d’une série télé. À la fin, le vainqueur est généralement le Français moyen, dans lequel la plupart des téléspectateurs se retrouvent.

– Une certaine forme de réalité est évoquée en jouant d’abord sur des contextes familiers au spectateur (par exemple la vie scolaire dans la Star Academy, profs, notes, bulletins), et surtout sur les mêmes dynamiques de groupes que dans la vie courante : prise de pouvoir, conflits, cohésion, solidarité, attachement, dépendances. L’intérêt socio-psychologique du programme est limité, j’en conviens, mais non nul. Par exemple, dans toutes les éditions de Loft Story puis Secret Story on constate systématiquement au bout d’un certain temps la tendance à la subdivision du groupe en deux clans antagonistes. Eh ouais.


Bon trimestre.

En 2001, les premiers lofteurs ne savaient absolument pas où ils mettaient les pieds, ils étaient contrôlés voire manipulés par la production et réagissaient comme de vraies personnes face aux situations proposées. Mais il n’a fallu que quelques années pour que les candidats maîtrisent totalement les codes du genre et renversent les rôles en contrôlant leur image et donc le programme lui-même.

Dès lors, la téléréalité devait changer ses mécaniques de jeu et de fonctionnement. Petit à petit, et en suivant la direction indiquée par les plus grand succès d’audiences, elle a été gagnée par une mickaelvendettaïsation du spectacle télévisuel, une manière de porter au pinacle les personnages les plus exécrables précisément pour leurs défauts.

Dans Les Anges de la réalité ou Les Chtis à Vegas/Miami/Ibiza/Mykonos/Hollywood, fini le live 24h/24 comme à l’époque de Loft Story, exit la mise en scène discrète et effacée des émissions quotidiennes, désormais c’est le montage frénétique qui fait la loi, le cut nerveux et la musique pompière, avec un seul objectif : rendre les personnages les plus drôles possibles, les plus ridicules possibles. Dans les nouveaux formats, il n’y a plus d’élimination hebdomadaire ou si c’est le cas, on ne consulte plus le public pour faire la décision, au risque de perdre les bons clients.

Les héros de la télé-réalité 2.0 sont des phénomènes de foire, que l’on moque pour leurs comportements incongrus et leurs punchlines stupides. Dès lors, la question de l’identification devient hors de propos. Personne ne s’identifie au personnage de Nabilla (sauf éventuellement de futurs candidats de télé-réalité). C’est même tout l’inverse : la nouvelle téléréalité se construit sur une mécanique de distanciation entre les candidats et les spectateurs, à la manière de la nouvelle génération de reality-shows apparue également dans les années 2000 (Confessions intimes, Tellement vrai, etc.).

AllôLe jour où tout a basculé.

C’est là qu’intervient La Belle et ses princes presques charmants. Dans ce programme, une jolie fille cherchant l’amour est courtisée par une vingtaine de prétendants, répartis en deux groupes que l’on peut définir pour simplifier comme « le groupe des Beaux » et « le groupe des Moches » (mais j’y reviendrai plus tard). Ici, la séparation en clans que l’on voyait surgir dans Loft Story au bout de quelques semaines se fait naturellement par le principe même de l’émission.

Une voix-off, omniprésente, nous présente les deux groupes sous les titres respectifs de « séducteurs » et de « prétendants au physique atypique », auxquels elle se tiendra jusqu’à la fin du programme. L’avantage des séducteurs sur les prétendants : ils sont beaux. L’avantage des prétendants sur les séducteurs : ils sont gentils, ou plus exactement, ils possèdent « des qualités de coeur », auxquelles la candidate semble attacher beaucoup d’importance. On nous suggère par là que le champ du combat sera la capacité des Moches à montrer leur « beauté intérieure », forcément absente chez les Beaux, garantissant une certaine équité entre les différents candidats…

Les deux équipes et l’arbitre.

L’attraction du programme est La Belle, qui va voir évoluer tous ces garçons pendant plusieurs semaines pour au final déterminer lequel elle aura préféré. Son critère principal, dit-elle, et cela semble être l’argument principal de l’émission est que l’élu ne s’intéresse pas à son apparence physique, rejoignant le point de vue de la voix-off.

On se rendra compte assez vite que la voix-off raconte n’importe quoi, avec une naïveté savamment dosée, quasi-socratique. Sa fausse bienveillance n’est qu’un moyen de nous faire prendre conscience de ce que les images nous jettent au visage, un constat aigu et impitoyable : il ne suffit pas d’être un brave mec pour séduire. Si la voix-off fait semblant de décrire les situations avec un optimiste extrême, martelant sans arrêt les chimères de la beauté intérieure et des qualités de coeur salvatrices, les images racontent l’amère réalité avec un cynisme jouissif. C’est là où le programme est exceptionnel : il fait lui-même voler en éclat les poncifs qu’il assène lui-même.

Petite parenthèse : pour se convaincre de l’ironie génialement discrète de la voix-off il suffit de l’écouter l’exprimer par petites touches au fil de l’émission, l’air de rien. Extrait (S03E01) :

Bastien : – Tu viens d’où ?
Thibault : – Du Val d’Oise.
Bastien : – Val d’Oise ?…
Thibault : – Paris.
Bastien : – Ah ok !… Plus au nord moi.
Thibault : – Ah ouais.
La voix-off : – Entre Bastien et Thibault, la conversation va bon train !

Une vraie pute.

L’histoire de l’émission veut que les Moches soient les premiers à arriver dans la maison où tout le monde sera logé pendant la durée de l’aventure. Outre leur physique, tout participe à faire comprendre qu’il s’agit bien du groupe des Moches : on ne leur fait parler que de leurs déboires amoureux, de leur manque de confiance en eux, de choses assez tristes en somme. On nous suggère qu’ils n’ont d’intérêt ou de passion pour rien, sauf si elle s’exprime de manière décalée (comme posséder un set de draps représentant des camions de pompiers (S03E01) ou coller un plan de métro sur le mur pour suggérer son amour pour la RATP (S02E01)).

On pourrait très bien les présenter sous leur meilleur jour, exhiber d’eux quelque chose qui les sortirait de leur condition de Moche, mais non, tout est fait, dans le montage, la réalisation, le choix des musiques et des sons illustratifs, pour que l’on ne s’identifie surtout pas à eux, relégués à des symboles de l’échec amoureux, voire de l’échec de socialisation en général. Nous sommes dès lors acquis à leur cause à tous, universelle, et souhaitons qu’ils parviennent au bonheur comme on le souhaiterait pour nous-mêmes.

 

Lors des deux premières saisons, un candidat nommé Anthony contrebalance le sentiment de tristesse générale en faisant le show : il parle sans arrêt, avec une emphase inappropriée et chante à tue-tête dès que l’occasion se présente. Car même si l’intérêt du programme réside surtout dans l’opposition de deux masses antagonistes, on ne ferme pas la porte aux exploits individuels des personnalités qui se détachent, c’est bien naturel. Un divertissement intelligent est avant tout un divertissement.

À l’opposé des Moches, qui incarnent harmonieusement une certaine idée de l’inadaptation et du malaise, les Beaux eux ont tous une fierté et une assurance démesurées, tout en étant présentés comme des abrutis finis. En interview, ils balancent énormité sur énormité dans un français approximatif, rendu encore plus comique par leur aplomb déconcertant (« Si il y avait un métier de séducteur, je crois que je serais le directeur » (S02E01)). Leurs principales caractéristiques : ils sont beaux, musclés, à moitié à poil en permanence, épilés des sourcils et extrêmement arrogants. Là encore, la caricature est extrême pour empêcher toute identification.


« Beau blond aux yeux bleus, Mich n’a qu’un seul but : collectionner les conquêtes.
Il adore faire la fête entre amis et soigne beaucoup son look » (site officiel)

Les individualités sont secondaires, d’ailleurs la cohésion de chaque clan et son opposition au clan adverse est sans cesse mise en avant. Tous les Beaux se lèvent à la même heure, se retrouvent au même endroit, prennent les décisions ensemble, sont à peu près toujours d’accord entre eux. Pareil pour les Moches.

Du reste, le monde extérieur n’existe pas ; quand toute cette troupe se met en route pour gagner un restaurant ou un parc d’attraction (S02E03) il n’y a pas âme qui vive autour d’eux, ils sont seuls, toujours ; l’humanité se réduit sous cette forme simple, schématique, allégorique : les Moches, inadaptés, complexés, gentils, les Beaux, confiants, à l’aise, méchants, et la Belle, double du spectateur, qui ne pourra que confirmer la victoire finale des Beaux.


Ah si ! On voit parfois passer un bout de perchman.

Car l’issue est connue d’avance, comme dans ce match de water-polo proposé aux Moches par les Beaux dans la saison 2, scène fascinante tant elle symbolise une certaine fatalité dans la défaite. On sait que les Moches vont perdre le match comme on sait qu’à la fin du programme, ils verront la Belle repartir avec un des membres du groupe adverse. La voix-off commentera alors d’un air désapprobateur dans un dernier élan de fausse naïveté : « La Belle a finalement préféré la beauté physique à la beauté du coeur », après avoir brillamment entretenu pendant plusieurs semaines la possibilité d’une victoire des Moches.

Rien n’est réel dans La Belle et ses princes, tout est monté, truqué, arrangé ; même les principaux acteurs ne s’y reconnaissent pas, cependant tout est réaliste, cohérent. Comme dans les grandes comédies, la caricature extrême est permise par une idée directrice, un point de vue, une vision du monde distillée dans chaque séquence, chaque plan, qui rend l’intrigue homogène et crédible. Et comme dans une bonne comédie, on ne rit pas spécialement par mépris pour les personnages, mais parce qu’ils nous évoquent des situations, des moments, un monde, absurdes, que l’on reconnaît.

Car oui, lecteur ! je vais persister et signer d’un dernier coup de plume rageur et définitif : oui, sous des dehors racoleurs et outranciers, ce qui nous est montré adroitement dans La Belle et ses princes presque charmants, c’est le monde dans lequel on vit. Et refuser cette téléréalité, c’est refuser la réalité. Rep a sa, Christophe Carrière.

Bilan cinéma 2012 : mes mini-tops de l’année

Voici venue l’heure du bilan de ces douze mois de cinéma. J’ai pas trouvé de nouveau concept pour résumer l’année donc comme l’an dernier et l’année d’avant, j’ai fait des mini-tops. Lâche tes coms, gros.

Les meilleurs films
1. DARK HORSE, de Todd Solondz
2. AMOUR, de Michael Haneke
3. LAURENCE ANYWAYS, de Xavier Dolan
4. MOONRISE KINGDOM, de Wes Anderson
5. AVENGERS, de Joss Whedon
6. HÉNAUT PRÉSIDENT, de Michel Muller
7. UN MONDE SANS FEMMES, de Guillaume Brac
8. PROMETHEUS, de Ridley Scott
9. WRONG, de Quentin Dupieux
10. TWIXT, de Francis Ford Coppola

Les pires films
1. IL ÉTAIT UNE FOIS UNE FOIS, de Christian Merret-Palmair
2. DESPUÉS DE LUCIA, de Michel Franco
3. DÉPRESSION ET DES POTES, de Arnaud Lemort
4. VOUS N’AVEZ ENCORE RIEN VU, de Alain Resnais
5. EFFRACTION, de Joel Schumacher
6. L’ONCLE CHARLES, de Etienne Chatilliez
7. ROCK FOREVER, de Adam Shankman
8. PLAN DE TABLE, de Christelle Raynal
9. LE CAPITAL, de Costa-Gavras
10. DETACHMENT, de Tony Kaye

Les films méchants
1. DARK HORSE
2. KILLER JOE, de William Friedkin
3. LA CABANE DANS LES BOIS, de Drew Goddard
4. YOUNG ADULT, de Jason Reitman
5. THE DICTATOR, de Larry Charles

Les films gentils
1. UN MONDE SANS FEMMES
2. LIKE SOMEONE IN LOVE, de Abbas Kiarostami
3. HASTA LA VISTA, de Geoffrey Enthoven
4. LES BÊTES DU SUD SAUVAGE, de Benh Zeitlin
5. STARBUCK, de Ken Scott

 Les films dont on ressort avec l’impression d’avoir 88 ans
1. ET SI ON VIVAIT TOUS ENSEMBLE ? de Stéphane Robelin
2. POPULAIRE, de Régis Roinsard
3. L’ONCLE CHARLES, de Etienne Chatilliez
4. TO ROME WITH LOVE, de Woody Allen
5. VOUS N’AVEZ ENCORE RIEN VU

Les films surcotés
1. HOLY MOTORS, de Leos Carax
2. LA CHASSE, de Thomas Vinterberg
3. VOUS N’AVEZ ENCORE RIEN VU

4. DE ROUILLE ET D’OS, de Jacques Audiard
5. LA TAUPE, de Thomas Alfredson

Les films que j’avais pas tellement envie de voir mais finalement ça poutre
1. SKYFALL
2. RENGAINE, de Rachid Djaidani
3. HUNGER GAMES, de Gary Ross
4. PIÉGÉE, de Steven Soderbergh
5. LIKE SOMEONE IN LOVE

Les films, on est content quand ça s’arrête
1. SUR LA ROUTE, de Walter Salles
2. THE RAID, de Gareth Evans
3. EFFRACTION
4. REALITY, de Matteo Garrone
5. ROCK FOREVER

Les comédies franchouilles qui ont l’air horribles mais qui sont quand même pas mal
1. SUR LA PISTE DU MARSUPILAMI, de Alain Chabat
2. LE PRÉNOM, de Alexandre de la Patellière & Matthieu Delaporte
3. LES SAVEURS DU PALAIS, de Christian Vincent
4. UN PLAN PARFAIT, de Pascal Chaumeil
5. CHERCHEZ HORTENSE, de Pascal Bonitzer

Les films qui se croient intelligents alors qu’en fait ils sont cons
1. GOD BLESS AMERICA, de Bob Goldthwait
2. DETACHMENT
3. LE CAPITAL
4. DESPUÉS DE LUCIA
5. JC COMME JESUS-CHRIST, de Jonathan Zaccai

Les films qui donnent envie de dire stop
1. MAIS QUI A RE-TUÉ PAMELA ROSE, de Kad Merad et Olivier Baroux
2. MEN IN BLACK III, de Barry Sonnenfeld
3. LA COLÈRE DES TITANS, de Jonathan Liebesman
4. EXPENDABLES 2 : UNITÉ SPÉCIALE, de Simon West
5. ASTÉRIX & OBÉLIX : AU SERVICE SECRET DE SA MAJESTÉ, de Laurent Tirard

Les films pas terribles comparés à la filmo du réalisateur mais quand même mieux que la plupart de ce qui sort
1. DARK SHADOWS, de Tim Burton
2. THE WE AND THE I, de Michel Gondry
3. J. EDGAR, de Clint Eastwood
4. TO ROME WITH LOVE, de Woody Allen
5. THE DESCENDANTS, de Alexander Payne

Les acteurs de l’année
1. JEAN-LOUIS TRINTIGNANT (Amour)
2. TADASHI OKUNO (Like someone in love)
3. MATTHEW MCCONAUGHEY (Killer Joe)
4. JEAN-PIERRE BACRI (Cherchez Hortense)
5. JOHN C. REILLY (Terri)

Les actrices de l’année
1. ROONEY MARA (Millenium)
2. JUNO TEMPLE (Killer Joe)
3. GINA CARANO (Piégée)
4. EMMANUELLE RIVA (Amour)
5. VALÉRIE LEMERCIER (Adieu Berthe)

Les acteurs nuls de l’année
1. JEAN RENO (Comme un chef)
2. GAD ELMALEH (Le Capital)
3. SYLVESTER STALLONE (Expendables 2)
4. ROMAIN DURIS (Populaire)
5. MATT DAMON (Nouveau départ)

Les actrices nulles de l’année
1. NICOLE KIDMAN (Effraction)
2. LEILA BEKHTI (Nous York)
3. LOUISE BOURGOIN (L’amour dure trois ans)
4. ANNE MARIVIN (Il était une fois une fois)
5. JULIETTE BINOCHE (Elles)

Les méchants de l’année
1. MATTHEW MCCONAUGHEY dans Killer Joe
2. JAVIER BARDEM dans Skyfall
3. JEAN-CLAUDE VAN DAMME dans Expendables 2
4. GUY PEARCE dans Des hommes sans loi
5. JACQUES ATTALI dans Les nouveaux chiens de garde

Les petites participations ou caméos méga-classes de l’année
1. JAMES CAAN (Detachment)
2. CHRISTOPHER WALKEN (Dark Horse)
3. VINCENT GALLO (2 days in New York)
4. JEAN D’ORMESSON (Les saveurs du palais)
5. JEAN-PIERRE MARIELLE (Les seigneurs)

Les petites participations ou caméos pas classes de l’année
1. FRANCK PROVOST (Stars 80)
2. BIXENTE LIZARAZU (Le capital)
3. DOMINIQUE BESNEHARD (Mince Alors)
4. EVA MENDES (Holy Motors)
5. LES BB BRUNES (Astérix et Obélix : Au service de sa majesté)

Les prestations de qualité dans des films nuls
1. CLAUDE RICH, dans 10 jours en or
2. TOM CRUISE, dans Rock Forever
3. KRISTEN STEWART, dans Sur la route
4. CATHERINE FROT, dans Bowling
5. RALPH FIENNES, dans La colère des Titans

Les noms de personnages que j’aurais pas trouvé
1. JEAN VILAIN (Jean-Claude Van Damme dans Expendables 2)
2. HERVÉ COCKPIT (Cyril Hanouna dans La vérité si je mens 3)
3. MASTER CHANG (William Fichtner dans Wrong)
4. MONSIEUR MERDE (Denis Lavant dans Holy Motors)
5. DÉBUT DE SOIRÉE (deux mecs dans Stars 80)

Les gens qu’on voit pas assez
1. JEAN-PIERRE MARIELLE (Les seigneurs)
2. JEAN-LOUIS TRINTIGNANT (Amour)
3. ANNA FARIS (The Dictator)
4. BILL MURRAY (Moonrise Kingdom)
5. ANTHONY HOPKINS (360)

Les gens qu’on a assez vu, ça suffit maintenant
1. FRANÇOIS-XAVIER DEMAISON (Il était une fois une fois, 360, Comme des frères)
2. MANU PAYET (Radiostars, Nous York, Les Infidèles)
3. TOM HARDY (La taupe, The dark knight rises, Des hommes sans loi, Target)
4. NICOLAS BEDOS (Populaire, L’amour dure trois ans)
5. MARK WAHLBERG (Contrebande, Ted)

Les bandes originales
1. TAKE SHELTER (David Wingo)
2. L’ÉTRANGE POUVOIR DE NORMAN (Jon Brion)
3. MILLENIUM : LES HOMMES QUI N’AIMAIENT PAS LES FEMMES (Trent Reznor & Atticus Ross)
4. WRONG (Mr Oizo & Tahiti Boy)
5. LES BÊTES DU SUD SAUVAGE (Benh Zeitlin & Dan Romer)
6. MOONRISE KINGDOM (Alexandre Desplat)
7. COSMOPOLIS (Howard Shore & Metric)
8. PIÉGÉE (David Holmes)
9. THE DARK KNIGHT RISES (Hans Zimmer)
10. SKYFALL (Thomas Newman)

Les tracklists
1. LAURENCE ANYWAYS (Fever Ray, Moderat, Duran Duran, Erik Satie…)
2. MOONRISE KINGDOM (Benjamin BrittenFrançoise HardyHank WilliamsCamille Saint Saens…)
3. MAIN DANS LA MAIN (Ennio Morricone, OMDThe Album Leaf, Elli & Jacno…)
4. CHRONICLE (Simian Mobile Disco, M83, Starfucker, David Bowie…)
5. DE ROUILLE ET D’OS (Django DjangoCarte BlancheThe MagicianThe B-52s…)
6. LES INFIDÈLES (Haussmann, The Sonics, Annie, Masaru Sato…)
7. THE WE AND THE I (Run-DMCYoung MCSlick RickBig Daddy Kane…)
8. DARK SHADOWS (Alice Cooper, Carpenters, T-Rex, The Moody Blues…)
9. DARK HORSE (Kid Sister, Nina Persson, Ben Webster, Andy Quin…)
10. GOD BLESS AMERICA (Black Rebel Motorcycle Club, Betty Hutton, The Chocolate Watchband, Lost River Old River…)

L’affiche de one-man-show : guide technique à l’usage des humoristes débutants

Seuls les comiques, les vrais, les professionnels, ont un jour à s’interroger sur le thème suivant : « Comment suggérer à un public potentiel, par le seul medium d’une feuille de papier glacé format A1, que je suis une personne bigrement marrante ? »

Autrement dit, comment composer son affiche de one-man-show ? Quelle posture ? Quels accessoires ? Quelle grimace ? Quelle typo ? Quelles couleurs ? Voici quelques conseils avant de vous lancer.
1) La tête
Le concept de one-man-show réunit deux idées maîtresses : (1) Une personne seule sur scène (2) va vous faire rire comme jamais vous n’avez ri.

En partant de cette définition, vous pouvez déjà en tirer deux règles élémentaires : 1) Vous allez devoir montrer très concrètement qui vous êtes (= votre visage devra composer un bon quart de l’affiche). 2) Vous allez devoir persuader le public que vous êtes un putain de pitre.

Là, une grande décision vous attend : allez-vous jouer la carte de la sobriété ou de la démonstration de force ?

Pour vous donner une idée, découvrez les deux extrémités du champ des possibles :

Rollin Demaison

Vous avez remarqué ? Dans le deuxième cas, le malaise est total. Car en effet, le sens de la mesure est très important, surtout si vous êtes laid. Le but est d’évoquer vos qualités d’humoriste sans toutefois y laisser votre dignité.

Vous pouvez prouver la drôlesse visuelle dont vous êtes capable par un simple contre-rythme dans la belle musique d’un visage serein et apaisé, en vous affublant par exemple d’un couvre-chef rigolo,

Bouderbala Lafitte

mais vous pouvez tout aussi bien tenter une légère grimace,

Peyre

à condition que vous soyez capable de faire comprendre qu’il ne s’agit pas là de votre vrai visage.

Dahan

Dans le cas contraire, vous pourrez avoir recours à la simple astuce du sourcil levé, qui, dans la plupart des cas, fait très bien l’affaire.

Guillon How to become parisian

Par contre, ne vous embêtez pas avec tout ça si vous êtes dans l’humour noir (= vous faites des blagues sur les crashs d’avion et le téléthon), car il vous suffit alors d’exploiter la technique bien connue du combo tête-penchée-en-avant / regard-profond-et-un-peu-méchant.

Ferrari Zavatta

Sachez toutefois que si vous êtes plutôt jeune et de sexe féminin, vous pouvez passer outre toutes ces problématiques en vous foutant directement à poil.

Bernex Vigneaux

Enfin si vous n’êtes pas très photogénique, faites-vous faire un beau dessin par un professionnel (mais c’est de la triche).

Moscato Miller

2) Les accessoires
Maintenant que vous avez dessiné avec succès les contours de votre visage farceur, il va vous falloir meubler le reste de l’affiche. Vous avez diverses possibilités pour l’agrémenter.

Si votre spectacle a déjà une thématique, jouez de symboles, de décors et d’attitudes qui permettront de garantir la cohérence globale de l’ensemble

mais n’en faites pas trop quand même.

Votre affiche peut également intégrer : des effets spéciaux de l’an 2000,

cauet  

des références populaires plus ou moins subtiles,

 

ou un accessoire qui accentue un trait de votre personnalité, représente une profession, un statut social que vous évoquez dans votre spectacle (sac à dos = jeune, costume trois pièces = maquereau).

   lezghad

Pas d’idée ? Rien ne vous vient ? Alors multipliez-vous, envahissez l’espace de votre corps de turlupin. Mettez-vous partout.

 

ou bien, euh… des enfants, tiens.

Si vous pensez pouvoir vous affranchir du moindre artifice et attirer les foules par la seule force de votre bogossité discutable, eh bien tentez le coup mon vieux, mais vous ne viendrez pas vous plaindre si vous avez l’air con.

elatrassi  odb-affiche

3) Le texte
Il y a deux catégories de personnes : ceux qui peuvent faire des jeux de mots avec leur nom et ceux qui ne peuvent pas. Si vous êtes de la première catégorie, le titre de votre spectacle est tout trouvé.

 

Si vous avez un doute, abstenez-vous.

 

Si vous cherchez à être un humoriste hype, essayez de trouver un titre angloïde.

Patrick-Timsit-The-One-Man-Stand-up-Show_reference   

Attention, si votre trouvaille n’a absolument aucun sens, contentez-vous de votre langue natale.

 Anthony-Kavanagh-Ouate-Else_reference

Si vous êtes contre le principe de donner un titre à votre spectacle, vous pouvez aussi décider d’écrire votre nom en ENORME.

Néanmoins, si vous êtes un total inconnu et que votre nom n’est pas très sexe, essayez quand même de trouver un titre.

 

Voilà. Votre affiche est quasiment terminée. Il ne vous reste qu’à y appliquer la touche finale : s’il vous reste un peu de place, suivez l’exemple de notre maître à tous, et trouvez une petite place pour citer la meilleure blague de votre spectacle :

C’est tout pour aujourd’hui. La semaine prochaine nous aborderons le problème épineux du contenu de votre spectacle. En attendant, bon week-end.