Critique : Les petits mouchoirs, de Guillaume Canet

Guillaume Canet, avec déjà trois films à son actif en tant que réalisateur, est déjà un cinéaste fascinant. Après le très réussi Mon Idole et le multi-césarisé Ne le dis à personne, deux films tout à fait différents, le voilà qui réunit tous ses amis dans Les petits mouchoirs, comédie vacancière très personnelle (paraît-il) dont le fond dramatique semblerait se réclamer de Claude Sautet, entre autres.

Max (François Cluzet) invite comme chaque année tous ses amis dans sa grande maison du Cap-Ferret. L’un deux (Jean Dujardin) est victime d’un grave accident peu avant le jour du départ. Ils décident de partir quand même, le laissant sur son lit d’hôpital.

Après une scène d’ouverture renversante (jeu de mot !), puis une visite éprouvante à l’hôpital, on a très vite l’impression qu’on ne va pas beaucoup rigoler. Mais il suffit que nos amis se décident finalement à partir envers et contre tout pour que l’atmosphère se détende. On semble alors se tourner vers la comédie, une comme celles qu’on voit régulièrement au cinéma, sans prétention, légère et sympathique.

Dans ce domaine, Canet s’en sort plutôt bien. Les personnages sont un brin caricaturaux mais les situations sont drôles, les acteurs aussi, surtout François Cluzet, exceptionnel en propriétaire bling-bling et nerveux. Petit défaut toutefois, le film a une fâcheuse tendance à renfermer ce groupe d’amis sur lui-même en les montrant se gausser eux-mêmes de leurs propres pitreries, une façon de doubler le rire du spectateur, qui peut facilement s’en sentir exclu.

Une scène drôle.

Mais si c’était le seul défaut, on pourrait encore dire que Les petits mouchoirs est un bon film, fort de son rythme enlevé, ses répliques cinglantes et ses situations drolatiques. Seulement, il ne l’est pas et pour une raison simple, Guillaume Canet est beaucoup trop audacieux. Comédie pure ? déjà fait, il veut aller plus loin, mettre vraiment de lui dans son film. Et mettre de lui, c’est forcément faire dans le triste, le mélo, le grave. Et quand il cherche à faire du sérieux avec de l’invraisemblable (Magimel subitement amoureux de Cluzet, son ami de 15 ans), le rendu sonne affreusement faux. C’est naïf, c’est sot.

Mais admettons… Passe encore qu’on veuille préserver un certain équilibre en opposant chaque marrade à un moment d’amertume, qu’on cherche à susciter l’émotion avec une musique ad hoc (Nina Simone and co), qu’on fasse durer au maximum les moments mélancoliques pour montrer que la vie n’est pas toujours que drôle, même en vacances (mention spéciale pour la soirée guitare, featuring Maxim Nucci en zicos barbu, et son tour de chant interminable). Passe encore que ces vacances entre potes soient raisonnablement ternies par le spleen ou les petites histoires personnelles de chacun. Bref, passe encore que le réalisateur sorte de dépression et qu’il veuille en faire part à ses spectateurs, par petites touches. Mais quand au bout de deux heures, au moment où depuis longtemps un cinéaste modeste ferait défiler le générique, Guillaume Canet veut enfoncer le clou, et passe définitivement du côté obscur, celui du pathos sans limite, de l’orgie tragique, Les petits mouchoirs devient bouleversant, bouleversant de ridicule, et devient surtout un très ! mauvais !! film !!!

C’est ainsi qu’entre deux rabibochages de membres de ce groupe qui nous indiffère de plus en plus seconde après seconde, on aura finalement passé la plupart du temps à béer devant les incroyables épanchements lacrymaux de Marion Cotillard (qui pleure de PARTOUT), prendre des leçons de vie véhémentes (mais pleines de bon sens forcément) du vieux loup de mer du groupe ou encore le voir déverser son fiel ou des sacs de sable dans des endroits incongrus. Et surtout, regarder sa montre, beaucoup.

Et un moment le film s’arrête. Soulagé mais accablé, on se demande quelle mouche à piqué Guillaume Canet avant qu’il choisisse de dénouer sa petite histoire de vacances dans un sinistre aussi complet. Au final, on choisira de ne retenir que la partie fun du film, celle qui met en scène un François Cluzet luttant contre les marmottes de son grenier, celle qui présente une foule de petites saynètes futiles, mais drôles, un peu dans l’esprit Nos enfants chéris, très loin de la gravité et du pathétisme ultra-démonstratif et totalement improductif dont souffre le reste du film.

Et comme on a affaire à un film choral avec au moins 11 acteurs principaux, j’ai bien envie d’introduire un concept golri dans cette critique négative, pour détendre l’atmosphère. Donc c’est parti pour le…

BONUS SPORT ET VACANCES : LE JEU ET LES JOUEURS

(pas) en partenariat avec 

François Cluzet (8) : sans conteste l’homme du match, le vieux briscard du groupe a été l’auteur de nombreux exploits individuels et a constamment tiré l’équipe vers le haut, avant une baisse de régime en fin de partie.

Valérie Bonneton (6.5) : évoluant dans un rôle un peu ingrat, elle s’est est bien sorti, multipliant les bonnes passes en profondeur, et forme une belle paire d’attaque avec Cluzet.

Benoît Magimel (3.5) : A vouloir trop jouer dans la profondeur, il a lamentablement échoué tout ce qu’il a entrepris, et ce dans tous les compartiments du jeu avant de se trouer définitivement en toute fin de partie.

Gilles Lellouche (6) : dans son rôle habituel, il s’est montré à son aise, bien en jambes, et s’en est tiré avec les honneurs.

Laurent Lafitte (6) : encore un peu juste techniquement, le jeune Lafitte est néanmoins promis à un grand avenir, il hérite là d’un rôle assez inintéressant et s’en acquitte sans trop de dégâts.

Pascal Arbillot (5.5) : a alterné le bon et le moins bon, elle a semblé avoir eu du mal à se situer. Un peu en retrait dans l’ensemble.

Marion Cotillard (6) : la star internationale de l’équipe s’est contentée des fondamentaux mais a par moments offert au public de jolis gestes techniques (notamment une belle dégoulinure du nez (© JB Morain)).

Jean Dujardin (-) : victime dès la 3ème minute d’un tacle très agressif, il est sorti sur civière. On attend les résultats de l’IRM, qui risquent de n’être pas très bons.

Louise Monot (4.5) : fantômatique, elle a été remplacée par Anne Marivin qui sur le flanc droit (de la voiture de Laurent Lafitte) n’a pas particulièrement brillé non plus.

Hocine Mérabet (4.5) : beaucoup de déchet pour le réserviste déniché par Guillaume Canet mais il a beaucoup couru, signe de sa bonne volonté.

Maxim Nucci (4) : rentré vers la 80ème minute (à peu près) pour apporter un peu de fraîcheur, il a plus ralenti le jeu qu’autre chose, et s’est fait sortir bien vite.

Critique : Kaboom, c’est beau, c’est drôle, c’est fou

Après la trilogie de l’apocalypse adolescente (Totally F***ed Up, The Doom Generation, Nowhere), le superbe (mais archi-glauque) Mysterious Skin et l’incroyable Smiley Face (jusqu’à maintenant le meilleur rôle d’Anna Faris), Gregg Araki revient cette semaine avec Kaboom, chronique estudiantine sur fond de mystère et de rêves prémonitoires.

La première image du film est typique. Teintes chatoyantes, esthétisme extrême, musique planante. Kaboom est d’abord un très beau film. On voit qu’Araki aime ses personnages, constamment magnifiés par la mise en scène, les couleurs, l’ambiance sonore. Tous ces éléments participent à une ambiance générale du film singulière et fascinante. Les nombreuses scènes de sexe par exemple, tout en étant plutôt crues, ont une sorte de puissance esthétique assez inouïe, qui leur donne un côté beau et sensuel, calme et tendre.

Ensuite Kaboom est un film drôle. Des personnages plaisant et/ou idiots (le coloc surfeur en tête), des répliques cinglantes (surtout chez les filles), des situations typiquement arakiennes ; on n’est parfois pas si loin de l’esprit de son précédent film (Smiley Face), comédie débile à souhait mais fourmillant d’idées de mise en scène la rendant absolument exquise.

Enfin Kaboom est aussi et surtout un film ambitieux. D’un point de départ pas très éloigné des Lois de l’Attraction de Brett Easton Ellis (et de son adaptation cinématographique plutôt réussie), Araki parvient à ajouter à son film une couche de thriller voire de film d’épouvante dans certaines scènes. On ne sait jamais très bien sur quel pied danser jusqu’à la toute fin du film, ferme et définitive. On sort alors du film secoué, perplexe, et pourtant, tout est cohérent, et le plaisir n’en est que meilleur au second visionnage (oui retournez-y).

En ajoutant à toutes ces qualités – 1. une musique omniprésente, éclectique, constituée aussi bien de morceaux de groupes pop obscurs ou reconnus que de compositions originales de Robin Guthrie (des Cocteau Twins) et Videk Maddala, 2. des acteurs parfaits, notamment Juno Temple, pour qui je réclame dès maintenant l’Oscar 2010 de la meilleure actrice, on peut donc clairement considérer que Kaboom fait partie des 10 meilleurs films de l’année.

Critique : Le bruit des glaçons, un Blier honnête

Bertrand Blier est mon idole. Bertrand Blier est une légende. En tout cas il est l’un des rares auteurs à avoir écrit et réalisé quatre chefs d’oeuvre d’affilée (Les Valseuses, Calmos, Préparez vos mouchoirs et Buffet froid de 1974 à 1979). Depuis lors, sa filmographie est apparue plus hétérogène, montrant ses capacités égales à endormir toute une salle avec des films-assommoirs (Trop Belle pour Toi, Beau-Père) et à revenir aux sources en un come-back retentissant (Tenue de Soirée). Mais depuis une vingtaine d’années, si l’on excepte le génial Les Acteurs (qui n’est pas exempt de toute critique néanmoins), le cinéma et la verve de Blier tendent à s’essouffler (Combien tu m’aimes), voire à s’auto-caricaturer (Les Côtelettes), malgré un retour à l’esprit caustique et absurde des premiers films.

Le bruit des glaçons est incontestablement un film bliéen (c’est comme ça qu’on dit ?). Dans les mots, on retrouve cet éternel esprit franchouillard, cette faconde commune à tous les personnages, ces dialogues à la fois vulgaires et raffinés. Dans les images, on retrouve cette mise en scène précise, ce sens du timing, de l’ellipse qui claque. Mais c’est à double-tranchant et s’il faut trouver un reproche, c’est là qu’il se trouve. Alors que dans les années 70, ses films était une véritable bouffée d’oxygène, désormais tout ce qu’on y voit apparaît comme une référence. Blier maîtrise ses fondamentaux mais en abuse parfois, qu’ils soient puisés de son propre cinéma ou de celui des autres (Kubrick ?). Son usage d’une foule de procédés un peu vieillots alourdissent son récit et nuisent à la fluidité de l’ensemble (Jean Dujardin s’adressant au spectateur, flash-backs inutiles, mises en abyme un peu foireuses).

Cependant, l’essentiel de Blier est là : les dialogues. Comme d’habitude, on a droit à un festival de répliques brutales et cinglantes, et elles sont dites avec talent, notamment par Albert Dupontel, dont on ne pouvait rêver meilleur prestation dans le rôle du cancer. Jean Dujardin, quand à lui, s’en tire plutôt honnêtement mais son élocution a quelque chose d’ordinaire qui ne peut soutenir la comparaison avec ses illustres prédécesseurs (Depardieu, Dewaere, Marielle, Serrault). Par ailleurs, ce film n’est pas qu’un film d’hommes. La vraie histoire du film est celle de le relation entre Dujardin et sa domestique jouée par Anne Alvaro. C’est elle qui sert de fil rouge au film et qui lui donne une couleur presque romantique au final, ce que ne laissait pas du tout entendre la bande-annonce. A noter aussi l’excellent second rôle de Myriam Boyer (maman de Clovis Cornillac), dans une partition que l’on a pas l’habitude de voir chez Blier, en tout cas pas au féminin.

Pour résumer Le Bruit des Glaçons, on pourrait dire qu’il est représentatif de la filmographie de son réalisateur. Drôle souvent notamment lors de séquences de dialogues sans artifice entre ses protagonistes principaux, poussif parfois lorsqu’il se prend à vouloir expliciter l’absurde en se perdant en flashbacks, mais finalement jamais à court d’idées. Voilà pourquoi j’attends avec impatience le prochain.

Critique : Night and Day, une comédie sympa mais flemmarde

Des Night and Day, il en sort régulièrement. Un Night and Day, c’est une comédie sur fond d’espionnage ou de milieux mafieux où un ou deux protagonistes n’ayant rien demandé à personne se retrouvent embringués dans d’incroyables pérégrinations, fusillades ou autres courses poursuites. La dernière production notable du genre était Crazy Night dont j’avais émis une opinon plutôt favorable ici-même.

Mais ce Night and Day-là est un peu différent des autres. D’abord il y a Tom Cruise. Ensuite il y a Cameron Diaz. Et enfin il y a James Mangold (Identity, 3h10 pour Yuma, Walk the line). De quoi pouvoir espérer qu’on sorte un peu des sentiers battus… Ben non.

June (Cameron Diaz) voyage dans le même avion que Roy (Tom Cruise), mais après un bref passage aux toilettes elle apprend horrifiée que Roy vient de tuer tout le monde, pilotes inclus. Débute alors une incroyable cavale des deux néo-acolytes, poursuivis de toutes parts avant même que June ne comprenne quoi que ce soit de la situation.

Au début, c’est drôle, notamment grâce au personnage de Tom Cruise, tueur impitoyable et décontracté. Sa façon de dézinguer un à un tous les méchants, d’atterrir toujours au bon endroit et de maîtriser toutes les situations avec une sérénité à toute épreuve est assez jouissive et apporte un côté burlesque et second degré plutôt sympathique. Son opposition avec le personnage de Cameron Diaz, en crise de nerfs continue pendant une bonne demi-heure de film, parvient à nous tenir en haleine un bon moment. On retrouve à certains moments du film l’esprit de True Lies, modèle du genre.

Mais le scénario ne suit pas. L’intrigue, cousue de fil blanc et sans aucune surprise, ne peut pas compter sur les scènes d’actions pour relever le niveau général, dynamiques mais trop invraisemblables pour produire la moindre excitation. Quand à l’humour, il est rarement au rendez-vous quand il ne s’appuie pas sur la performance des deux acteurs principaux, et ne va jamais assez loin dans le burlesque pour contrebalancer l’abracadabrantesquerie de l’ensemble. On sait bien vite comment tout cela va finir : personne ne va mourir sauf éventuellement quelques vilains. A noter les seconds rôles tout à fait improductifs de Peter Sarsgaard et Paul Dano.

Ajoutons à cela quelques failles scénaristiques et on obtient un Night and Day tout ce qu’il y a de plus anecdotique, rigolo mais un peu faible, agréable mais un peu trop fainéant. On attendra encore un peu pour le retour en force de Tom Cruise (et peut-être encore plus pour Cameron).

Fatal, mais pourquoi est-il si vulgaire ?

Un petit coup d’oeil sur la filmo de Michaël Youn suffit pour ne pas vraiment avoir envie d’aller voir Fatal, son premier long-métrage en tant que réalisateur, qui sort demain mercredi. Mais ce serait oublier ses talents de parodiste entrevus jadis au Morning Live et définitivement entérinés en 2008 sous l’identité de Fatal Bazooka, sous la forme de divers clips et chansons plutôt marrants. Ce sont les raisons pour lesquelles j’avais fondé quelques espoirs dans le film racontant la vie du célèbre rappeur savoyard.

Comme prévu, Michael Youn excelle précisément là où on l’attend : on trouve à qui parler lorsqu’il s’agit de donner dans la caricature extrême, notamment lors de l’exposition des personnages principaux Fatal Bazooka et Chris Prolls, son rival, incarné (avec brio) par Stéphane Rousseau. Le trait est vif, percutant et dessine une première demi-heure de film assez agréable. On retiendra surtout la séquence (trop courte) des « Music Awards de la Musique » passant en revue l’ensemble du paysage musical français dans une cascade de pastiches toutes plus drôles les unes que les autres (mention spéciale pour la chanson des Enculés, Pédofile d’ici). Fin de la partie élogieuse.

Le clip de Fuck You, le tube de Chris Prolls, assez fort

Coup de théâtre dans le film. Fatal se rend coupable d’exhibitionnisme sur la scène des Music Awards de la Musique et devient infréquentable. Il décide donc de retourner chez sa maman (Catherine Allégret !), en Savoie. Malheureusement, Michael Youn ne sait pas construire un scénario, ni élaborer la moindre situation comique. A défaut de qualité, il parie donc sur la stratégie du continuum gaguesque (notion que je viens d’inventer), enchaînant à toute berzingue force blagues scatos voire grossières, running gags mal choisis, ou tentatives d’humour noir hors de propos. Au passage, les rares gags potentiellement amusants sur le papier sont systématiquement massacrés par l’inexpérience du réalisateur ou la faiblesse des interprètes (Fabrice Eboué, Jérôme Le Banner).

Au final, le film ne trouve jamais sa propre tonalité, naviguant allègrement de la parodie Nuls-like au délire cartoonesque en passant par d’innombrables sorties pipi-caca absolument inutiles. Le bon point, c’est que dans cet affreux fourre-tout de la vanne, aucune place n’est laissée aux bons sentiments, désormais systématiques chez les collègues Dubosc ou Dany Boon. On regrettera néanmoins que la seule alternative que Michaël Youn ait trouvé à une happy end à la Camping soit une scène de diarrhée générale