Les maillons faibles de l’humour français

Bonjour cher lecteur,

Pour aujourd’hui j’ai décidé de dresser la liste des 23 plus mauvaises comédies du cinéma français ces dernières années. Et j’ai décidé d’en désigner les responsables. Ceux qui sont toujours là quand le film est nul à chier. Ceux dont on finit par se dire « Quoi ? _________ est dedans ? … Bon on va voir autre chose. »

Les voici, les voilà, les MAILLONS FAIBLES DE L’HUMOUR FRANÇAIS.

(cliquer sur l’image pour voir cette superbe infographie sous son meilleur jour)

Top 10 des bandes originales superbement incongrues de Vladimir Cosma

A l’heure où l’on vient de nommer cinq des plus mauvais films de l’année dans la catégorie Meilleure comédie des Golden Globes (j’exagère À PEINE), j’ai décidé (un peu inconsciemment) que la coupe était pleine et qu’il était temps de rendre hommage au vrai cinéma comique bien de chez nous, celui de Gérard Oury, Claude Zidi et autres Francis Veber.

Après mon petit laïus d’il y a quinze jours sur l’excellente autobiographie de ce dernier, j’ai maintenant envie de m’atteler à un autre gros dossier. Car que seraient tous ces gens-là sans l’apport incontournable de Vladimir Cosma, compositeur d’origine roumaine bi-césarisé, une fois pour la BO de Diva de Jean-Jacques Beineix, l’autre pour Le Bal d’Ettore Scola ? Je vous le demande.

D’ailleurs ce n’est pas de ces oeuvres-là dont je veux parler. Pas même de Reality, chanson-phare de La Boum, et encore moins de la non moins mythique chanson de Guy Marchand, Destinée, dont Cosma est le compositeur. Car là où Vlad a excellé en silence, sans recevoir jamais une seule récompense digne de ce nom, c’est dans la musique de comédie, y incorporant à chaque fois sa touche personnelle, une flûte de pan, un cymbalum ou un joyeux pipeau ; une audace constante qui fait de lui, non je n’ai pas peur de le dire, une sorte d’Ennio Morricone français. Oui madame.

1. L’aile ou la cuisse
Voilà un morceau qui synthétise parfaitement tout l’art de Vladimir Cosma. Ça commence comme un Te Deum de Charpentier, mais cette effusion classique est bien vite oubliée avec cette succession d’anachronismes à la fois ridicules et fabuleux, à base de voix féminines, de lignes de basse minimalistes et de hi-hats batifolants. Un ensemble génialement grotesque qui sied bien au film qu’il illustre, ce chef-d’oeuvre de Claude Zidi incarné par Coluche et Louis de Funès.

2. Clérambard
Avant d’illustrer une insupportable pub Ricoré de 2004, ce morceau intitulé Les demoiselles de province figurait dans la bande originale de Clérambard, un film d’Yves Robert avec Philippe Noiret (1969). Mais écoutez de plus près la finesse de l’arrangement, cette mélodie jouée par ce que je pense être une variété de kazoos, posée sur une basse funky, un beat énergique et un accompagnement cuivré tout à fait dans le style de ce qui se faisait dans les films de gangsters italiens à la même époque (Morricone tout ça).

3. Le Placard
Bon, Le Placard, on aime ou on n’aime pas le film (moi j’aime) mais il faut quand même admettre que ce thème principal est proche de la perfection, et aurait très bien pu accompagner un film de Fellini sans qu’on fasse la différence avec son compositeur habituel, Nino Rota (qui est une de mes idoles, soit dit en passant). J’ai créé un compte soundcloud rien que pour ce morceau, faites-lui honneur.

4. Le dîner de cons
On a tendance à l’oublier mais s’il est vrai que le scénario du Dîner de cons a quelque chose d’éblouissant, au même titre que la performance de ses acteurs, c’est aussi le cas de sa bande originale. Il semble que Vladimir Cosma ait vécu à la fin du XXe siècle une sorte de révélation reinhardtienne car sa composition pour le Dîner de cons dénote d’influences manouches aussi impromptues que surprenantes, maîtrisées à la perfection (retrouvées plus tard dans différents titres de la BO du Placard d’ailleurs). Mais l’adepte du mélange de styles qu’est notre ami Vlad ne s’arrête pas là et balance une orchestration classique du plus bel effet. Et ça donne ça :

5. Les aventures de Rabbi Jacob
Là encore tout y est, la basse délicatement slappée, les cuivres, les cordes, les voix, et la mélodie qui claque. C’est tout.

6. Les compères
En 1983, Vladimir Cosma avait déjà un peu tout fait. Mais pas encore un thème principal siffloté comme quand on va à la pêche entre potes. C’était parfait pour Les Compères, encore un excellent film de Francis Veber. D’ailleurs si tu z’aimes les musiques de films avec un mec qui siffle dedans, tu peux aussi consulter ce top 10 spécial « thèmes de films avec un mec qui siffle dedans ».

7. Banzai
Je ne sais pas si Vladimir Cosma s’est drogué dans sa vie, mais s’il l’a fait, je pense qu’il a composé cette BO dans un sacré trip. C’est donc une sorte d’hymne funky accentuée de scintillements japanisants et de scansions vigoureuses qu’il offre à Claude Zidi pour son film Banzai, en n’oubliant pas les curieux solos de violon ou de flûte orientale qui jalonnent le morceau. Sinon le film était marrant, un peu.

8. La chèvre
Comme dirait Vincent Perrot, une musique peut ressembler à un acteur. C’est pour ça que désormais, chaque fois que j’entends une flûte de pan, je ne peux m’empêcher de penser au visage jovial et épanoui de Pierre Richard dans La Chèvre, excellentissime film de Francis Veber.

9. Inspecteur La Bavure
Je n’ai pas grand chose à dire sur la BO de cette oeuvre de Claude Zidi (encore lui), donc je vais plutôt parler du film, que je n’ai pas vu depuis longtemps d’ailleurs ; mais je me souviens très bien qu’au début Depardieu est brun et il a une moustache et comme c’est un méchant il change de visage pour ne pas se faire griller et devient le Depardieu avec la tête que l’on connaît (blond et sans moustache) et personne ne le reconnaît alors que quand même la différence est assez faible. Et sinon il y a aussi Coluche dans le film. Film sympa, au demeurant.

10. Le grand blond avec une chaussure noire
Celle-là je trouve que tout le monde l’a assez entendue mais je l’aime quand même. Je conseillerais néanmoins à mes chers lecteurs de jeter une oreille du côté des bandes originales du Jouet, du Distrait, de Je suis timide mais je me soigne… Ou mieux, de s’acheter le coffret en deux volumes (bientôt 3) de l’intégrale des BO de Vladimir Cosma. Ou mieux, de me l’offrir pour Noël. Vous ne le regretterez pas.

Critique : The Dinner, de Jay Roach

Sorti dans 9 salles en France, The Dinner est visiblement boudé par les distributeurs. On peut le comprendre car en plus d’être le remake d’une des meilleures comédies françaises du XXe siècle (ce qui est un sérieux handicap), c’est tout simplement un mauvais film, dont les scénaristes n’ont visiblement rien compris à l’intelligence du scénario original de Francis Veber.

Car mises à part quelques situations qui tiennent plus lieu de clin d’oeil, le scénario du Dîner de Cons a totalement été remanié pour ce film. Celui de Veber se déroulait presque intégralement dans un appartement alors que celui de Jay Roach est beaucoup plus volatil, et ce sont deux jours entiers que le Brochant américain passe à être torturé par ce Pignon artiste-taxidermiste proche de l’encéphalogramme plat.

La première erreur du script à mon avis, c’est qu’ici le méchant Mr Brochant s’est transformé en un gentil cadre dynamique que ses salauds de patrons forcent à participer à un dîner de cons en vue d’une promotion (idée de départ complètement nulle, soit dit en passant). Du coup, on est presque gêné de voir ce pauvre Paul Rudd vivre un enfer à cause de ce con vraiment très con joué par un Steve Carell vraiment très lourd, sans aucune retenue.

Partant avec un déséquilibre aussi grand, le film est obligé de se ramasser. Et malgré quelques moments drôles (la blague de Morgan Freeman, vue dans la bande annonce), voire poétiques (l’idée des petites maquettes de souris empaillées), il est très difficile de rire aux pitreries incessantes de Steve Carell, et encore moins d’un Paul Rudd dont le personnage est totalement délaissé.

Heureusement, quelques seconds rôles sauvent le film du naufrage complet, notamment Zach Galifianakis (encore lui) assez fort en inspecteur des impôts psychotique, ou Jemaine Clement qui après Gentlemen Broncos s’impose comme un expert absolu pour jouer les stars underground ravagées.

Tout cela n’est pas suffisant pour faire de ce Dinner un film agréable, d’autant qu’il aura enlevé à l’original toute sa subtilité et sa méchanceté.

Critique : Date limite, de Todd Phillips

Après avoir triomphé en salles avec Very Bad Trip, Todd Phillips revient cette semaine avec Date Limite, s’attaquant à un genre pas si facile, le buddy-movie (preuve dans The Dinner, sorti cette semaine aussi). Depuis la sortie du film, on lit parfois la critique entrevoir une filiation avec le maître français du genre, Francis Veber (scénariste de L’emmerdeur et réalisateur de La Chèvre, Les compères, Les fugitifs et Tais-toi entre autres). Sans aller jusque là, on peut quand même considérer Date Limite comme une réussite.

Peter Highman (Robert Downey Jr) doit rejoindre sa femme à l’autre bout des Etats-Unis avant son accouchement, mais par une série de tuiles, il est contraint de faire le voyage en voiture avec Ethan Tremblay (Zach Galifianakis), individu particulièrement inconscient et maladroit.

On retrouve effectivement dans la trame de départ une certaine ressemblance avec celles interprétées par le tandem Depardieu/Richard de la grande époque, cependant, ce nouveau duo fait plus souvent penser à celui que formaient Jeff Bridges et John Goodman dans The Big Lebowski. D’ailleurs certaines scènes, si elles ne sont pas un hommage, sont clairement influencées par le chef-d’oeuvre des frères Coen (les cendres du papa dans la boite de café, la tenue de mission de Zach Galifianakis).

Les bouffonneries de Zach Galifianakis ne prendraient pas si son partenaire n’était pas ce Robert Downey Jr sobre et stoïque. C’est le fait qu’il cherche constamment à contenir son énervement qui provoque le rire, et on rit plus encore quand la tension est trop forte et qu’il se laisse aller à quelques débordements (cf. la scène du gamin chiant).

Une fois l’équilibre trouvé entre les deux personnages, il ne reste qu’à dérouler le film et imaginer toutes sortes de situations, plus rocambolesques les unes que les autres. C’est d’ailleurs là où le film est beaucoup moins fort que ceux de Francis Veber, mais peu importe, les situations sont drôles et les divers personnages rencontrés apportent de l’eau au moulin du duo principal. La singularité de ce tandem suffit à faire des situations les plus éculées (fumage de pétards, etc.) de vraies scènes de comédie.

Evidemment, on n’échappera pas à quelques effusions sentimentales, mais elles sont rares et souvent désamorcées avec force par une réplique ou une vanne qui va bien.

Pour toutes ces raisons, disons tout de go que Date Limite est le deuxième film à voir de la semaine (après Rubber évidemment, qui lui est le film de l’année).

Critique : Potiche, de François Ozon

Je n’ai pas envie de cacher que j’avais prévu une introduction assez dingue pour cette critique, toute en allitérations à base de potiche, pitch, potache, putsch, et pourquoi pas postiche, patch et pistache. Mais je n’ai pas vraiment réussi à goupiller tout ça harmonieusement. Alors restons simples, je me contenterai sobrement d’écrire qu’avec un casting et un réalisateur prestigieux, Potiche est assurément le « film de la semaine », c’est-à-dire celui que les gens vont aller voir avec plaisir et enthousiasme à partir de ce 10 novembre.

Ils n’ont pas tout à fait tort les gens, parce qu’on aurait tort de se priver d’une union Deneuve + Luchini + Depardieu, dirigés par un réalisateur talentueux et reconnu. Mais ils ont quand même un peu tort, déjà parce que LE film de l’année sort le même jour (Rubber). Ensuite parce qu’il semble désormais presque évident que François Ozon n’est pas fait pour la comédie.

Adaptant une pièce de théâtre de Pierre Barillet et Jean-Pierre Grédy (en deux mots l’histoire d’un PDG macho qui se fait remplacer par sa femme à la tête de son entreprise), le réalisateur de 8 femmes n’arrive que très rarement à en faire un film. Les dialogues ciselés de la pièce tombent souvent à plat, la faute à une interprétation souvent maniérée et déclamatoire et une mise en scène misant tout sur une esthétique seventies un peu fun mais ne cherchant que secondairement à rendre les gags efficaces.

Pas aidés non plus par leurs personnages, un poil caricaturaux, les comédiens sont à la peine, notamment Jérémie Rénier en fils modèle efféminé ou Judith Godrèche en blondasse antipathique, qui ont beaucoup de mal à se rendre crédibles. Le trio principal s’en sort mieux heureusement, et donne au film ses meilleurs scènes, dans des registres familiers : Luchini excelle dans la logorrhée excédée, tranchant avec une Deneuve calme et espiègle, tandis que Depardieu reprend avec brio son rôle désormais habituel d’homme fruste au grand coeur.

On rit quand même, parfois, quand le film parvient à transcender son matériau théâtral de base pour en faire un vrai film de comédie, y apporter de vraies situations et de vraies répliques de cinéma. Dommage que la plupart du temps, Ozon reste si paresseux dans son adaptation, se contentant souvent de balancer une allusion balourde ou un gag bon marché.

Quant au message sous-jacent du film, s’il y en a un, il est délivré avec assez de maladresse pour qu’on n’ait pas vraiment envie de le comprendre ni même s’y intéresser. Le côté un peu ridicule de la scène finale montre bien qu’il n’y aura pas de grands enseignements à tirer de ce conte contemporain, sympathique mais pas indispensable.