Comme tout le monde, j’attendais depuis longtemps Inception, dont la bande-annonce et les affiches m’avaient tout tourneboulé. Mais, Christopher Nolan oblige, je ne m’attendais pas à un chef d’oeuvre, cependant j’avais au moins le puissant espoir que le réalisateur londonien fût capable d’endiguer sa régression entamée depuis Memento, aidé par une idée de départ prometteuse.
Cette idée, c’est l’histoire d’un expert du sommeil, Dom Cobb (Leonardo DiCaprio), capable d’infiltrer les rêves d’un sujet voire d’y inséminer une idée assez forte pour qu’elle survive après le réveil du sujet susnommé. Cette technique, c’est l’inception (barbarisme ratifié par la VF que je me permets donc de reprendre).
Quand Mr Saito (Ken Watanabe) demande à Cobb de procéder à une inception sur un businessman rival (Cillian Murphy), Cobb accepte mais ne manque pas d’avertir son client des risques encourus. Une inception soignée demande l’élaboration de toute une série d’imbrication de rêves (a dream within a dream within a dream within a dr…) qui peuvent très bien mener en cas d’imprévu à un rêve infini, dans un état onirique appelé « les limbes ». Je m’arrête là pour le pitch, que je pourrais facilement décliner sur huit paragraphes…
Point fort du film, on comprend assez vite de quoi il est question, et toutes les petites complexités de l’histoire sont assez bien expliquées pour qu’on passe plus de temps à admirer les images qu’à essayer de comprendre le film. Les images justement, c’est le deuxième point fort du film. Ainsi, chaque fois qu’on nous montre un rêve, on peut s’attendre à une belle débauche d’effets spéciaux, assez saisissants pour la plupart (changement de sens de gravité, explosions insolites, déformation de l’espace, scènes d’apesanteur). Une bonne partie du film fait la part belle à ces effets souvent surprenants, parfois jouissifs (cf. la scène du café parisien). Malheureusement, tout le film n’est pas de cette qualité et on déplorera une grosse demi-heure enneigée digne d’un James Bond de Lee Tamahori, bien branlée mais pas très intéressante tant d’un point de vue tequeunique que de tous les autres (points de vue).
Je parle notamment de la dimension psychologique du film. Comme d’habitude, Nolan semble avoir oublié qu’en plus de raconter une histoire, faire un film l’oblige à raconter aussi des personnages. Et dans Inception, à part celui de DiCaprio, aucun des personnages du film n’est vraiment fouillé. On ne sait rien de la personnalité de la petite étudiante campée par Ellen Page, malgré un potentiel évident, pas plus que celle de la victime de l’inception (Cillian Murphy), en délicatesse avec son père (relation très vaguement expliquée), pas plus que tous les autres. Chacun des personnages peut mourir à tout moment sans que l’on s’en inquiète puisque de toute façon, aucun d’eux n’est vraiment attachant. Et pour cause, comme c’était le cas de la copine à Batman (comment elle s’appelle déjà) ou de Harvey Dent, ou même de Batman lui-même dans The Dark Knight, aucun profil psychologique n’est ne serait-ce qu’esquissé, trop occupé que l’on est à ratiboiser des ennemis dans la neige.
Quant à l’histoire d’amour censée être le moteur du film, elle n’est qu’un passage obligé pour se conformer aux règles de tout film hollywoodien qui se respecte. Marion Cotillard n’est pas là pour tirer le film vers le haut. Le jeu aérien et effacé qu’elle produit invariablement dans chacun de ses films outre-atlantiques commence sérieusement à manquer de fraîcheur et ne parvient jamais à rendre son personnage touchant, pas même crédible.
Pour revenir aux autres personnages, tant qu’à s’atteler à l’univers du rêve, une chose intéressante aurait été de voir une différence notable entre les mondes imaginés selon l’identité du rêveur, ce qui n’est absolument pas le cas, chacun de ceux-ci étant un prétexte à une poursuite, une fusillade ou tout autre activité ordinaire de film d’action concon.
Au delà des personnages, on est resté très sage dans la représentation du rêve. Malgré quelques idées intéressantes comme la propagation de l’environnement du rêveur dans sa perception de l’espace-temps (exemple : un mec en train de dormir dans un van qui fait des tonneaux voit la gravité changer de sens dans son rêve) ou la dilatation du temps (une minute endormi vaut x minutes rêvées), jamais Nolan ne montrera un rêve dans toute sa dimension sensorielle, bizarre, inquiétante. Contrairement à un Buñuel, un Lynch ou même un Scorsese dernièrement qui sav(ai)ent montrer toute l’étrangeté de cet état, le monde du rêve selon l’ami Nolan ressemble beaucoup (trop) au monde réel (ou du moins à celui de Jerry Bruckheimer). Tout cela est peut-être parfaitement volontaire mais dénote d’un manque d’imagination criant qui permet d’exclure définitivement Nolan de la case des réalisateurs de génie.
On lui en tiendra finalement assez peu rigueur. J’avoue que je cherche un peu la petite bête, n’ayant toujours pas digéré le massacre de Batman. Voir tous les éléments d’un décor de rue parisienne exploser un à un dans une orgie d’éclatements sonores ou assister à une scène de bagarre de gentlemen en costard sautant allègrement du sol au plafond avec passage (ou pas) par la case « mur » sont des raisons largement suffisantes pour aller voir ce film somme toute assez agréable, mais qui ne restera pas dans les annales.