Voilà une semaine que je clame à tous vents et sur tous les toits que Rubber est le film de l’année, presque un chef-d’oeuvre, tout du moins une oeuvre incontournable et qu’il faut donc aller le voir. Devant l’incrédulité et la défiance générale, j’avais eu l’idée d’exposer en 57 points pourquoi ce film est génial et pourquoi il faut à tout prix aller le voir. Pourquoi 57 ? No reason (huhu). Mais comme je sais que mes lecteurs sont des gens très occupés, j’ai finalement décidé de m’en tenir à 10 (oui c’est la seule et l’unique raison). Les voici :
1. Le premier long-métrage tourné avec un appareil photo
C’est par son manque de patience que l’on doit à Quentin Dupieux d’avoir choisi un appareil photo pour tourner son film. Fatigué de la lenteur du processus traditionnel, il a fait le choix du Canon 5D, qui permettait de tourner rapidement sans trop de tergiversations. Une brillante idée puisque le résultat est superbe. Rubber est et visuellement l’un des plus beaux films de l’année. J’ai l’impression que ce film est le premier d’une longue série, et qu’il est donc une REVOLUTION, pour le même prix que les tristes navets qui l’accompagnent à l’affiche (j’exagère, y a des bons films en ce moment mais PEU IMPORTE !).
2. Un point de départ dingue
L’histoire d’un pneu télékinésiste et psychopathe. Si vous n’avez pas envie de courir en direction du cinéma le plus proche en lisant un tel pitch, vous êtes un nazi.
3. Un film de genre de qualité supérieure
Avant toute chose, Rubber est un film de genre, horrifique et gore. Le héros est un pneu d’accord, mais c’est aussi un tueur psychopathe et avide de meurtre. Et quels meurtres ! Dupieux a certainement consulté ses classiques (Scanners et autres) avant de tourner, car il nous gratifie tout au long du film de superbes explosions de tête, des modèles du genre, techniquement sublimes, parfaitement sonorisées. Et je m’y connais.
4. Une astuce scénaristique brillante
L’histoire du pneu tueur ne vous suffit pas ? Moi non plus et c’est là que ce film est GENIAL. Ce pitch de série B n’est qu’un prétexte car la véritable histoire du film est celle de ces spectateurs munis de jumelles qui suivent en même temps que nous les tribulations du pneu fou. Dupieux passe son temps à passer d’une histoire à l’autre, faisant parfois faire à ces spectateurs des commentaires auxquels on avait pensé quelques secondes plus tôt (les fesses de Roxane Mesquida). Troublant. Les deux histoires sont liées par un personnage énigmatique, obéissant à une force supérieure à peine évoquée, dont on prendra soin d’imaginer nous même l’identité.
5. Le film qui vous fait ressentir les émotions d’UN PNEU
Car oui, dans Rubber, le pneu est un être vivant. On ressent ses émotions, ses interrogations, ses peurs, on s’identifie à lui, on comprend ce que c’est d’être lui. On comprend surtout le pur génie de Dupieux quand dans la meilleure scène du film, on suit dans un long travelling ce pneu tituber d’allégresse après le meurtre orgasmique d’un pauvre lapin. Du grand art.
6. Des acteurs au niveau
Ca a l’air con à dire, mais Stephen Spinella, acteur quasi-inconnu, petit rôle dans Harvey Milk et dans des films que personne n’a vu, vaut à lui seul de voir Rubber. C’est une faconde, une assurance, une présence, une force comique inattendues que l’on découvre en le voyant monologuer sur le No-Reason (cf. 10), mener avec entrain une enquête policière insensée ou expliquer l’inexplicable à ses collègues médusés. Autour de lui, la jolie Roxane Mesquida est parfaite en objet sexuel (comme d’habitude), tout comme Jack Plotnick, Wings Hauser et tout les autres d’ailleurs. Sans oublier le pneu, dont l’animation semble avoir fait l’objet d’une attention toute particulière, filmé très souvent en plan large même dans des déplacements assez périlleux. On se demande parfois si ce n’est pas un vrai pneu vivant qui a été filmé.
7. Une mise en scène soignée
Des cadrages superbes, des travellings élégants, sobres et efficaces, la réalisation est fourmillante d’idées, à tel point que l’on peut voir la même scène quatre fois de suite sans jamais se lasser, je parle en l’occurrence de celle où Robert (le pneu) découvre ses capacités et les teste sur plusieurs victimes (objets et animaux divers), une séquence admirable, redondante mais passionnante.
8. Le film d’un vrai auteur (français en plus)
Pour ceux qui seraient tombé sur Nonfilm, le premier film de Quentin Dupieux, impossible de ne pas voir dans Rubber la continuité de cette réflexion semi-nihiliste sur la représentation cinématographique et la relation spectacle/spectateur. Entre les deux, il y a eu Steak, film pas inintéressant où l’on retrouvait néanmoins ce ton fun et décalé, mais un peu dissimulé par la présence des stars Eric et Ramzy. Dans Rubber, on revient dans le plus pur style Quentin-Dupieux, absurde et hilarant comme du Blier, absurde et abscons comme du Buñuel. Tout ce qu’on aime.
9. Une BO qui tue
Quentin Dupieux étant qui il est (Mr Oizo rappelons-le), il ne pouvait faire autrement que de composer lui-même la BO de son film, comme il l’avait fait avec Steak. Il avait cependant collaboré avec deux autres pontes de la french touch (Sébastien Tellier & SebastiAn) et cette fois c’est la moitié moustachue de Justice, Gaspard Augé, qui est venue lui prêter main forte. Le résultat est une merveille, hétéroclite et jouissive, croisant des mélodies élégantes, sifflées, flûtées ou plaquées au clavier, à des influences diverses (John Carpenter, Carter Burwell, Philip Glass, …). Le point culminant étant assurément ce Tricycle Express morodérien entendu en fin de film. Et en bonus, un morceau non orignal, excellent au demeurant, du groupe funk Blue Magic, qui semble pourtant avoir été composé pour le film (la fameuse scène de plénitude post-meurtrem cf. 5).
10. Un magnifique hommage au No-Reason
Dans une impeccable scène d’ouverture, Stephen Spinella expose sa théorie sur la place du No-Reason dans les chefs-d’oeuvre du cinéma. « Pourquoi dans ET, l’extraterrestre est-il marron ? No reason ». Une question que l’on ne s’était jamais vraiment posé et qui prend tout son sens métaphysique dans la suite du film. On restera pendant 1h30 (et même après) dans cette incertitude, est-ce que ce film a seulement un sens, est-ce que tout cela n’est pas juste une vaste blague ? Question que l’on peut extrapoler à l’infini. Le cinéma. L’art. La vie. L’univers.