Fatal, mais pourquoi est-il si vulgaire ?

Un petit coup d’oeil sur la filmo de Michaël Youn suffit pour ne pas vraiment avoir envie d’aller voir Fatal, son premier long-métrage en tant que réalisateur, qui sort demain mercredi. Mais ce serait oublier ses talents de parodiste entrevus jadis au Morning Live et définitivement entérinés en 2008 sous l’identité de Fatal Bazooka, sous la forme de divers clips et chansons plutôt marrants. Ce sont les raisons pour lesquelles j’avais fondé quelques espoirs dans le film racontant la vie du célèbre rappeur savoyard.

Comme prévu, Michael Youn excelle précisément là où on l’attend : on trouve à qui parler lorsqu’il s’agit de donner dans la caricature extrême, notamment lors de l’exposition des personnages principaux Fatal Bazooka et Chris Prolls, son rival, incarné (avec brio) par Stéphane Rousseau. Le trait est vif, percutant et dessine une première demi-heure de film assez agréable. On retiendra surtout la séquence (trop courte) des « Music Awards de la Musique » passant en revue l’ensemble du paysage musical français dans une cascade de pastiches toutes plus drôles les unes que les autres (mention spéciale pour la chanson des Enculés, Pédofile d’ici). Fin de la partie élogieuse.

Le clip de Fuck You, le tube de Chris Prolls, assez fort

Coup de théâtre dans le film. Fatal se rend coupable d’exhibitionnisme sur la scène des Music Awards de la Musique et devient infréquentable. Il décide donc de retourner chez sa maman (Catherine Allégret !), en Savoie. Malheureusement, Michael Youn ne sait pas construire un scénario, ni élaborer la moindre situation comique. A défaut de qualité, il parie donc sur la stratégie du continuum gaguesque (notion que je viens d’inventer), enchaînant à toute berzingue force blagues scatos voire grossières, running gags mal choisis, ou tentatives d’humour noir hors de propos. Au passage, les rares gags potentiellement amusants sur le papier sont systématiquement massacrés par l’inexpérience du réalisateur ou la faiblesse des interprètes (Fabrice Eboué, Jérôme Le Banner).

Au final, le film ne trouve jamais sa propre tonalité, naviguant allègrement de la parodie Nuls-like au délire cartoonesque en passant par d’innombrables sorties pipi-caca absolument inutiles. Le bon point, c’est que dans cet affreux fourre-tout de la vanne, aucune place n’est laissée aux bons sentiments, désormais systématiques chez les collègues Dubosc ou Dany Boon. On regrettera néanmoins que la seule alternative que Michaël Youn ait trouvé à une happy end à la Camping soit une scène de diarrhée générale

Les meilleurs amis du monde, ça partait bien…

Dimanche soir. 20h30. De retour chez moi après avoir enfin vu Greenberg (sympathique film mais déprimant), je passe innocemment devant l’UGC Lyon-Bastille et me retrouve face à un dilemme. A 20h20, séance de Les meilleurs amis du monde de Julien Rambaldi, dont la curieuse affiche réunit Pef, Léa Drucker, Pascal Arbillot et un Marc Lavoine moustachu très intriguant. Alors : ça ou Allemagne-Australie ? Carte UGC illimité oblige, j’entre.

C’est l’histoire de deux couples. Léa Drucker et Pef Martin-Laval sont invités chez Marc Lavoine et Pascale Arbillot, leurs meilleurs amis. Hic : pour cause d’incident téléphonique, les uns ont surpris une conversation des autres dénotant du peu d’estime qu’ils leurs portent, avec une assez grande violence. Effondrés, ils décident de se rendre quand même chez leurs (ex-)amis pour se venger de cet affront.

Sur ce point de départ plutôt excitant, on peut s’attendre à tout et n’importe quoi. Le film commence comme une comédie acide et décalée à la Tout doit disparaître, mettant en scène le couple Drucker/Pef en pleine exécution de ses plans diaboliques (mauvais esprit, crevaison de pneus, saccages en tous genres). Ces excès sont commis avec un tel déchaînement de cruauté qu’ils nous font presque plaindre les victimes, qui l’ont pourtant cherché, posant alors une vraie question : est-ce vraiment punissable de parler en mal de ses amis sans qu’ils le sachent ?

Mais le tournant du film est pris dans la mauvaise direction. Passée une première heure d’une cruauté plutôt réjouissante, le scénario n’en récolte pas les fruits et préfère faire machine arrière, retournant dans les sentiers battus d’une comédie potache, gentillette et pas très drôle. Dans la plus pure et la plus agaçante tradition des comédies françaises actuelles, la suite du film consiste en une série de péripéties insipides, menant tout droit au dénouement habituel : tout est bien qui finit bien. Jamais le film ne reviendra creuser plus profondément son sujet de départ, préférant s’enrouler dans la guimauve.

Du film, je retiendrai au moins à ma grande surprise le surjeu exquis de Marc Lavoine en parvenu bling-bling et arrogant, qui m’a rappelé à certains moments (toutes proportions gardées) le Jean-Pierre Marielle moustachu et déchaîné des années 80. En y repensant je supporte presque d’avoir manqué le meilleur match du Mondial jusqu’à maintenant (4-0 quand même). Putain de carte illimitée…

When you’re strange : instructif mais plan plan

Les sorties cinéma en ce moment, c’est pas la joie. Entre le film de chien-chien trop mignon (Hatchi), la série B au pitch pas très frais (The Crazies) et la comédie qu’on n’attendait pas avec Marc Lavoine (Les meilleurs amis du monde), il ne nous reste qu’un bon vieux docu rock pour pleurer.

When you’re strange parle des Doors, et c’est Johnny Depp qui raconte. Voilà pour le point de départ. Le premier piège est déjà évité : j’avoue que je n’ai pas vu le film d’Oliver Stone (The Doors), cependant j’ai un mauvais a priori sur les biographies romancées au cinéma et encore plus si cela concerne un de mes groupes favoris. J’aurais donc mal apprécié qu’un acteur hype du moment perde vingt kilos pour biopiquiser Jim Morrison, fut-ce sous la direction de Gus Van Sant.

Alors oui, d’accord pour un documentaire. Celui-là est très bien, on apprend des trucs, déjà. La chronologie de l’histoire du groupe est retracée dans le détail, les images d’archives (qui constituent la totalité du film) sont plaisantes, parfois inédites. La musique est parfaite (de fait). Le problème avec Tom DiCillo, c’est que son film reste toujours très factuel. Les extraits de Highway (moyen-métrage mystique de Jim Morrison tourné en 1969 et jamais monté) disséminés par-ci par-là ou la narration flegmatique de Johnny Depp ne suffisent pas à donner une vraie âme au récit. C’est pourtant la moindre des choses quand on s’aventure sur un tel terrain (les Doors quoi !).

Un passage sympa du film

Faute d’archives disponibles, on peut encore pardonner le peu de temps accordé au début du film à l’adolescence de son héros (pourtant cruciale à mon avis pour comprendre la suite de l’histoire). Les divers dérapages et pétages de câbles de Jim Morrison en revanche sont décrits dans le moindre détail, images à l’appui (« alors je vais vous montrer ma bite ! »). Par contre on ne s’intéresse que poliment aux autres membres du groupes, pour mentionner par exemple que Robby Krieger (guitariste) kiffait le flamenco ou que les lignes de basses étaient jouées au clavier, mais quasiment jamais leurs rapports au sein du groupe ne sont évoqués si ce n’est à la fin du film pour justifier leurs divergences d’avec leur leader.

La profondeur du personnage de Jim Morrison est juste suggérée par bribes, extirpée de rares images d’interviews (qui représentent environ cinq minutes sur 1h30 de film) ou lorsqu’on nous parle très rapidement des travaux littéraires du chanteur (il était notamment très fier de la publication de ses recueils de poésie). Au final on regrette que toute l’attention du réalisateur soit portée sur les côtés trash du groupe et moins sur l’analyse de la naissance du mythe ou même de la musique elle-même, très brièvement évoquée en tout début de film.

Tom DiCillo s’essaie parfois à donner un point de vue à son film, mais tape souvent à côté de la plaque. Toujours très schématique dans son montage d’images et de musique, il se prend parfois à extrapoler les paroles des morceaux du groupe pour y voir des critiques de la guerre, de la violence, etc. Et se perd en considérations pour le moins simplistes qui nous valent notamment une séquence balourde à souhait superposant le chef d’oeuvre Riders on the storm à des images de guerre du Vietnam. C’est dans ces moments qu’on se rend le plus compte du peu de matière dont a disposé DiCillo pour faire son film. Quand on n’a pas d’image, il faut meubler. Voilà.

Malgré son côté Un jour un destin amélioré, When you’re strange reste un documentaire instructif et profitable, qui a au moins le mérite de donner une furieuse envie de se replonger dans l’oeuvre immense des Doors. Ce que je m’en vais faire de ce pas.

C’est quoi ce film ??

L’autre jour je me demandais « tiens qu’est-ce qu’il devient Edgar Wright ? ». Rappelons qu’Edgar Wright est le réalisateur du meilleur film de zombies du XXIème siècle (Shaun of the dead) et d’un excellent thriller burlesque (Hot Fuzz) qui constituaient jusqu’à maintenant l’intégralité de son encourageante filmographie.

Et voilà que je tombe au hasard d’une navigation nocturne sur un lien vers la bande annonce d’un film titré Scott Pilgrim. « Encore un film de hobbit ? » me dis-je. Pff… Tiens, pas du tout, c’est avec Michael Cera (pas tellement mieux). Ouais, ensuite… C’est de ? Keuwaa ? Edgar Wright ??

Et je tombe sur ce truc complètement fou. Un pitch rocambolesque, des seconds rôles prometteurs (Jason Schwartzmann, Anna Kendrick), des cuts-gros-plans typiquement wrightiens comme je les aime, des sabres laser, des whud, des wizz et des kpok à la Batman (période Adam West), et même un son piqué à Tekken 3 (oui oui à 1:06), de quoi ravir l’infâme geek que je suis. Je pense que Kick-Ass a trouvé son adversaire. Mais est-ce que ce serait pas surtout, déjà mon film de l’année ? Bon ne nous enflammons pas, si ça se trouve c’est de la merde. Et y a aussi Inception.

(et Oncle Boonmee)

En attendant…

Top 10 des BO géniales de Goblin

Il y a un an et un jour, par une mauvaise coincidence de calendrier, je ratais le passage de Goblin à La Villette Sonique, groupe italien culte des années 70, très avare de prestations scéniques, et finalement assez peu connu du grand public. Ne doutant pas une seule seconde qu’il visite régulièrement ce blog (le grand public), je me dévoue pour réparer cette injustice et dévoiler au monde entier l’oeuvre géniale de ce groupe mythique.

Mais d’abord un peu d’histoire.

En 1972, en Italie, quatre jeunes zicos du nom de Claudio Simonetti (claviers), Massimo Morante (guitare), Fabio Pignatelli (basse) et Walter Martino (batterie) se trouvent une passion commune pour Genesis, King Crimson, Gentle Giant ou Emerson Lake and Palmer. Ils composent quelques morceaux et les transmettent à Eddie Odford, producteur de Yes, qui tombe sous leur charme et propose au groupe de s’installer à Londres. Le groupe, rejoint par un chanteur anglais Clive Haynes, remplace son batteur et se forme sous le nom de Oliver. C’est un fiasco, Oliver ne trouve pas son public et rentre en Italie, laissant sur l’île Clive Haynes et le remplaçant par Tony Tartarini. Le groupe est recruté par l’excellent label Cinevox sous le nouveau nom Cherry Five et commence à participer à quelques bandes originales de films du coin. Je signale au passage la richesse de la production soundtrackesque italienne de l’époque, à laquelle je consacrerai prochainement un nouveau top.

Le réalisateur Dario Argento aime le travail de Cherry Five et leur propose en 1975 de venir travailler sur son nouveau film Profondo Rosso. L’histoire commence. Emotion.

1. Profondo Rosso (Les Frissons de l’angoisse, Dario Argento) – 1975
La première vraie BO du groupe, qui en profite pour trouver son nom définitif (Goblin), est un chef d’oeuvre. L’album de la bande originale du film se vend d’ailleurs à un million d’exemplaires et reste 12 semaines consécutives en haut des charts. Goblin s’inspire d’abord des tauliers de l’époque en matière de BO (Morricone, Trovajoli, Bacalov, Umiliani, Cipriani, etc) et en tire le meilleur, pour en sortir des modèles du genre tels que ce Death Dies efficace ou ce Mad Puppet poseur d’ambiance :

Death dies

Mad puppet

Mais leur morceau de bravoure reste la musique d’ouverture du film. Une ligne de basse ravageuse, une mélodie éclatante à l’orgue et ce twist de mi-parcours souligné par une comptine oppressante font de ce générique un vrai petit court métrage. Mais un petit extrait vaut mieux qu’un long discours.

2. Suspiria (Dario Argento) – 1977
Argento, satisfait de leur prestation sur Profondo Rosso, fait de nouveau appel à Goblin pour son Suspiria, deux ans plus tard. Le film, n’étant pas un giallo tout à fait habituel, nécessite une bande originale singulière. Pas besoin d’en dire plus à Claudio et ses potes, qui ressortent de leur placard un vieux bouzouki chiné au fin fond de la Grèce, percussionnent au tabla indien une mélodie jouée au clavier célesta. Le tout, surélevé par des boucles synthétiques phasées et des murmures d’outre-tombe, finit de donner au film, déjà très réussi, toute sa dimension inquiétante et surréaliste.

Suspiria

Sighs

Death Waltz (car Goblin sait aussi faire du Nino Rota)

3. Buio Omega (Blue Holocaust, Joe D’Amato) – 1979
Une sympathique série B italienne à base de taxidermie humaine, l’occasion pour Goblin de renouer avec ses premières influences, Yes, Genesis ou ELP pour une BO à la fois disco et psychédélique.

Buio Omega

4. Zombi (Zombie, Georges A. Romero) – 1978
Après le succès de Profondo Rosso, Goblin est régulièrement sollicité pour recomposer les bandes originales de films américains pour les distributeurs italiens, c’est notamment le cas du film Martin de Georges Romero (cf no. 9). Impressionné par la qualité des morceaux de cette BO alternative, Romero fait appel à Goblin pour sa suite de La nuit des morts-vivants. Une bien belle idée.

Zombi

Zaratazom (car Goblin sait aussi faire du hard rock)

5. Tenebre (Ténèbres, Dario Argento) – 1984
C’est les années 1980, des groupes comme Kano illuminent les dance-floors italiens avec des titres comme Another Life. Goblin sait faire ça aussi, mais quand Goblin le fait, c’est en mesures asymétriques (en 5 temps pour être précis) absolument indansables mais Goblin s’en fout, c’est pour un film. Le thème principal de Ténèbres sera d’ailleurs samplé 25 ans plus tard par Justice (en métrique binaire cette fois) pour leur titre Phantom.

Tenebre

Reprise

6. Phenomena (Dario Argento) – 1984
Le premier grand rôle de Jennifer Connelly à 14 ans. Et une énième collaboration avec Argento pour un Goblin en roue libre qui couple une voix morriconienne à un accompagnement beaucoup plus eighties. Bizarre mais cool.

Phenomena

7. Alien Contamination (Contamination, Luigi Cozzi) – 1980
Un film d’horreur futuriste italo-allemand avec Ian McCulloch. 5,1/10 sur l’IMDb. Voilà tout ce que je sais de ce film. Mais la musique est bien.

Connexion

Withy

8. Squadra Antigangsters (Bruno Corbucci) – 1979
Jusque-là on aura pu lire que Goblin est visionnaire, que Goblin est génial, que Goblin sait tout faire. J’ajouterai ici que Goblin n’a peur de rien, composant une BO disco-ragga-WTF pour un film de gangsters humoristique, deux ans après Suspiria.

Banoon

Disco China

The Sound Of Money (feat. Asha Puthli)

9. Wampyr (Martin, Georges A. Romero) – 1976
Je n’ai pas vu ce film donc voici un pitch trouvé sur youtube (à lire en écoutant le morceau, on s’y croirait) : « Martin est un jeune homme timide et puceau qui prend son pied en buvant du sang. Résolument moderne, ce vampire n’a pas les dents longues et endort ses victimes en leur injectant de quoi dormir avant de les trancher au rasoir afin de s’abreuver. Hébergé chez un vieux cousin pro-catho fanatique qui ne cesse de l’appeler Nosferatu, le pauvre se sent incompris et explique tant bien que mal que ses gousses d’ail et autres chapelet sont inutiles. Ce que le vieux ne semble pas piger. »

Finale

10. La chiesa (Sanctuaire, Michele Soavi) – 1989
Cathédrales gothiques, groupes sataniques, chasseurs de sorcières et Asia Argento, tout un programme que ce film de 1989 musiqué en circonstance.

La chiesa