Top 10 des films de l’Etrange Festival 2010

L’Etrange Festival se déroulait la semaine dernière au Forum des Images de Paris. Cette sélection de films remarquables par leur originalité et/ou leur extrémisme permet d’ouvrir un maximum le spectre des possibles qu’offre le cinéma et on ressort forcément grandi d’une semaine comme celle que je viens de vivre. Pour ceux qui auraient manqué cet événement délicieux, voici mon palmarès personnel de la sélection 2010, tout du moins des films que j’ai eu l’occasion de voir (ce qui explique l’absence de Monsters ou A Serbian Film notamment). J’encourage chaudement quiconque lit ces lignes à aller voir (ou se procurer, pour ceux qui ne sortiront pas en France) un maximum de ces films, en commençant par le haut (et en s’arrêtant au cinquième, idéalement).

1. Rubber de Quentin Dupieux
Avec Stephen Spinella, Roxane Mesquida, Jack Plotnick
Il arrive souvent que l’on attende un film depuis si longtemps qu’on ne peut s’empêcher d’en avoir des espérances inatteignables. On ressort alors de la salle déçu, presque triste, voire en colère. Pour Rubber ce ne fut pas du tout le cas, bien au contraire. Je m’attendais à ce qui était annoncé, une histoire de pneu télékinésiste et légèrement psychopathe, un film de genre complètement barge, à l’image des précédents de Quentin Dupieux. Oui Rubber c’est d’abord ça, une mise en scène qui parvient à rendre un pneu vivant, émotif, inquiétant, une photo parfaite, des acteurs immenses. Mais ce qu’on ne m’avait pas annoncé c’est toute la partie immergée de l’iceberg, qui est colossale. Au delà de l’histoire du pneu vient se greffer toute une structure intermédiaire. On suit les aventures du public venu voir un film au milieu du désert (celui du pneu), et qui le suit au moyen de jumelles optiques. Les deux histoires s’entrecroisent et nous offrent un délice de comédie absurde, rappelant les meilleures heures du cinéma de Buñuel période « charme discret ». Mais j’y consacrerai probablement un article entier lors de la sortie en salles du film (10 novembre) tant il y a de choses à en dire.

2. The immaculate conception of Little Dizzle de David Russo
Avec Marshall Allman, Natasha Lyonne, Sean Nelson
L’un des films qui rend le plus grâce au nom du festival qui l’accueille. Etrange effectivement, cette histoire de techniciens de surface se gavant de gâteaux hallucinogènes trouvés dans les poubelles de leurs employeurs. Difficile de résumer plus en détail ce film, on pourrait le synthétiser en disant qu’il est une sorte de mixture regroupant le charme indie des frères Safdie, les dialogues ciselés du meilleur Kevin Smith, les délires hallucinés de Gregg Araki et la folie scénaristique de Charlie Kaufman. Original, forcément, mais surtout drôle de bout en bout. Un film tellement étrange que j’ai bien peur de ne pas pouvoir le revoir en salle de sitôt (pas de date de sortie française prévue).

3. Buried de Rodrigo Cortés
Avec Ryan Reynolds
« Tu crois vraiment que tout le film va se passer dans le cercueil ? Ha ha ». On me riait au nez quand j’essayais d’imaginer Buried avant d’aller le voir en salle. Cette histoire d’un camionneur en mission en Irak qui se réveille six pieds sous terre avec pour seule compagnie un briquet et un téléphone portable. Eh bien oui monsieur, pas un seul plan du film ne se déroule hors du cercueil, et c’est là que Buried est exceptionnel. Le dernier cinéaste à avoir tenté une telle prouesse est Joel Schumacher, avec son excellent Phone Game, qui parvenait à nous tenir en haleine pendant 80 minutes. Dans Buried, en l’espace d’1h35, l’espagnol Rodrigo Cortés ne nous laisse pas une seconde pour respirer. Le moindre coup de fil passé prend aussitôt une charge dramatique immense, grâce à une mise en scène inventive et efficace. Un coup de maître. Sortie en salles le 3 novembre.

4. Pontypool de Bruce McDonald
Avec Stephen McHattie, Lisa Houle, Georgina Reilly
Autre film à concept, à l’image de Buried. Grant Mazzy, animateur de radio libre, reçoit des appels de gens paniqués, racontant des émeutes assorties de faits divers étranges. Grant, sa standardiste et sa productrice commencent à flipper eux aussi. Canular ou réalité ? La question se pose aussi pour le spectateur. Bruce McDonald parvient à nous emmener où il veut grâce à son excellent travail sur l’image et le son, et arrive à faire de nous des victimes au même titre que ses protagonistes principaux face à une énigme dont seul le générique final nous donnera des éléments de réponse. Un objet cinématographique déroutant, à voir par curiosité, en DVD (pas de sortie ciné prévue).

5. Bedevilled de Cheol So Jang
Avec Young-hee Seo, Sung-won Ji Seo, Min-ho Hwang
Victime de surmenage, Hae-won prend des vacances dans l’île où elle a grandi, au fin-fond de la Corée. Elle y retrouve une amie d’enfance, Bok-nam, qui n’a jamais quitté l’île et est visiblement malmenée par les habitants. Hae-won, troublée, ne sait pas comment réagir. Cheol So Jang parvient à installer une tension croissante pendant une bonne moitié de film avant de balancer la purée dans un final sordide et ultra-gore. En passant, il amorce une réflexion sur la culpabilité et la question de comment réagir face à l’humiliation d’autrui, dans un film plutôt réussi mais assez incommodant.

6. The Housemaid de Im Sang-Soo
Avec Jeon Do-Yeon, Lee Jung-jae, Youn Yuh-jung
Note : On entre dans la deuxième partie du top, à partir de maintenant ce sont des films que je ne conseille pas. Euny est embauchée comme gouvernante dans une famille bourgeoise. Elle entretient une relation avec le père de famille et tombe enceinte. Bad trip. Très beau pendant une heure, The Housemaid ne parvient pas à tenir la distance et se perd dans un gouffre mélodramatique menant tout droit à une fin d’un grotesque achevé. Sortie le 15 septembre.

7. Le dernier exorcisme de Daniel Stamm
Avec Patrick Fabian, Ashley Bell, Iris Bahr
Cotton Marcus est suivi par une chaîne de télévision pour révéler à l’Amérique que tout son passé d’exorciste n’était qu’une vaste supercherie, mais voilà qu’il se retrouve en présence d’un vrai cas de possession démoniaque. L’idée de départ est bonne, et d’ailleurs le film est drôle pendant une bonne demi-heure quand on voit Cotton raconter sa vie, se déplacer avec l’équipe du documentaire, puis pratiquer un exorcisme pipoté en dévoilant ses trucs en montage alterné. L’idée du faux documentaire est là parfaitement justifiée. Mais quand on bascule dans le film d’horreur, le procédé, déjà usé par Blair Witch, Cloverfield ou Rec devient inutile, voire pesant, d’autant que Daniel Stamm ne lui apporte aucun renouveau. On n’a jamais peur et cette histoire vraiment trop bateau ne suscite pas le moindre intérêt. Au final, les seuls sursauts provoqués le seront grâce à une musique criarde, qui n’a dans le cadre du faux documentaire aucune légitimité. Sortie le 15 septembre.

8. Four Lions de Chris Morris
Avec Riz Ahmed, Arsher Ali, Nigel Lindsay
Four Lions raconte l’histoire de quatre djihadistes anglais complètement idiots, obsédés par l’idée de se faire exploser. Evidemment, c’est original, diablement osé même, de tourner en dérision un tel sujet. Le seul problème (et il est énorme) c’est que la stupidité des protagonistes est telle qu’elle en devient inconcevable et ne parvient à provoquer que les sourires polis. On se remet alors à quelques situations cocasses pour trouver de quoi rire mais elles ne sont pas si fréquentes et on regrette à la fin que tous ces gags rocambolesques semblent avoir été écrits sans le moindre souci de vraisemblance. Sortie le 8 décembre.

9. Proie de Antoine Blossier
Avec Grégoire Colin, Bérénice Béjo, François Levantal
Une vague histoire de sangliers mutants dans la cambrousse, un film d’horreur français, pas terrible. Ce n’est pas très bien filmé, pas très subtil, et on ne voit pas grand chose (pratiquement tout le film se passe de nuit) et c’est peut-être heureux car les effets spéciaux sont gravement cheapos. Pas de date de sortie prévue mais je ne pense pas qu’il soit indispensable d’aller le voir.

Pas de vidéo mais une belle image.

10. Nous sommes ce que nous sommes de Jorge Grau
Avec Francisco Barreiro, Alan Chavez, Juan Carlos Colombo
On nous promettait un Morse version antropophage transposé au Mexique, mais ce film (présenté à Cannes en mai dernier) ne tient pas une seconde la comparaison. Cette histoire d’une famille de cannibales livrée à elle-même après la mort du père ne se situe ni dans le registre de la métaphore sociétale, ni dans celui du film de genre rigolard. C’est sinistre, pesant, pas drôle (cela dit, ça ne cherche pas à l’être), on ne comprend rien et on se fait chier.

Critique : Piranha 3D, de Alexandre Aja

Jake (Steven R. McQueen) habite dans une région de rêve, au bord d’un lac paradisiaque. Quand un réalisateur de porno (Jerry O’Connell) l’invite à le rejoindre sur son yacht rempli de jeunes femmes à la plastique parfaite pour les guider sur le lac, il profite de l’occasion pour sortir de son quotidien morose de post-ado timide et emprunté. Manque de pot, des piranhas sortis de nulle part bouffent tout sur leur passage.

Tel est le pitch plutôt banal de Piranha. La façon dont il a été traité par Alexandre Aja l’est moins. Car comme une sorte de Pasolini des temps modernes, le frenchy a visiblement choisi de scinder son film en deux parties distinctes, le cycle du nichon et le cycle de la viande rouge. Le prétexte du tournage de film porno est l’occasion de montrer à chaque plan une paire de gros seins comprimés dans un soutif rouge pétant ou ballottant au ralenti dans l’eau bleue du lagon, et cela pendant une bonne demi-heure. Toujours avec une certaine distanciation humoristique plutôt appréciable.

Dans la seconde partie du film en revanche, ce côté charnel est totalement délaissé pour laisser place à des scènes bien plus trash. Et là tout est prétexte à du gore bien craspouille, non seulement les piranhas (particulièrement voraces) s’en donnent à coeur joie, mais de tristes individus ne ménageant pas leurs congénères pour sauver leur peau, sans oublier les éléments du décors invraisemblablement dangereux sont autant de dommages collatéraux bien ballots et bien rigolos que l’on nous donne à voir avec une certaine jouissance (mourir coupé en deux par un câble électrique c’est quand même pas de chance). Zéro suspense, zéro angoisse, que du gore, rien n’est suggéré, tout est montré, et au bout d’un certain moment on ne compte plus les corps moitié-chair moitié-squelette ressortis de l’eau par des sauveteurs effarés.

Un piranha dont l’espèce est censée avoir disparu il y a 2 millions d’années !! 
(à lire avec la voix d’Emmett Brown)

Ces deux parties distinctes s’emboîtent finalement plutôt bien mais le ton du film a tendance à virer premier degré au fil des minutes. La construction très classique de l’intrigue n’est pas là pour apporter un peu de fantaisie et sans le personnage du réalisateur porno ou celui du scientifique échevelé joué admirablement par Christopher Lloyd on pourrait très bien considérer le scénario de Piranha comme celui du pire film de l’année. Ce qui sauve le film, c’est cette outrance, ce culot qui fait que l’on ne craint pas de montrer en gros plan un poisson très méchant ne faire qu’une bouchée d’un gros kiki esseulé, ou de citer directement Braindead en déchiquetant du piranha avec une hélice de hors-bord.

Du point de vue visuel, c’est plutôt laid, disons-le. Les piranhas sont assez mal synthétisés et les scènes de festin sont assez troubles pour qu’on ne puisse pas voir la faiblesse technique des images. Pour ce qui est de la 3D, elle est absolument inutile. On remarque bien les tentatives du réalisateur d’incorporer des éléments troidéisables dans ses séquences, mais ce n’est guère convaincant et les gouttes d’un vomi craché en contre plongée, a priori le clou du spectacle, n’arrivent même pas à atteindre le dixième du chemin parcouru par la célèbre fraise Tagada d’avant-film.

Au delà de ses quelques guests sympas (Richard Dreyfuss, Elisabeth Shue, Christopher Lloyd, Ving Rhames, Eli Roth), Piranha brille donc par son sens de l’humour et du gore sans concession. Beaucoup moins par son scénario et sa réalisation technique. Avis aux amateurs.

Critique : Poetry, de Lee Chang-Dong

Poetry, c’est la caution cannoise de la semaine, forte de son prix du scénario remis par Monsieur Tim Burton au dernier festival. Alors malgré une belle fournée de nouveaux films cette semaine (Le bruit des glaçons, Salt, Ondine, 600 kilos d’or pur, Gentlemen Broncos), se réserver 2h20 pour aller voir le film de Lee Chang-Dong ne peut pas être une mauvaise idée.

Pitch : A 65 ans, tout va mal pour Mija (Yun Junghee). Elle perd la mémoire, son petit-fils dont elle a la charge est accusé de viol, et même si un arrangement peut être trouvé avec la famille de la victime, elle doit trouver une grosse somme d’argent en peu de temps pour la dédommager. Parallèlement elle prend des cours de poésie, assiste à des lectures du soir, et tente d’écrire, en vain.

En voilà un pitch bien garni (et encore j’ai pas tout dit). Et justement, Poetry aurait pu être admirable si son scénario n’était pas aussi trapu. De péripétie en péripétie, autour de la protagoniste principale, les couches scénaristiques s’amoncellent, épaississent le récit et finissent par le rendre indigent.

Des événements, des rebondissements, il y en a, mais ils se diluent dans chaque élément ajouté à la trame principale. Les différents segments du film ne cessent de s’entrecouper, installant un rythme soutenu qui finit paradoxalement par ennuyer. On n’a jamais l’occasion d’entrer vraiment dans une scène, de la ressentir, malgré les 140 minutes d’images. 

 

On pourrait comparer ce film à l’excellent Mother, de Bong Joon-Ho. Mother dressait aussi le portrait d’une femme au bord du gouffre, une maman tentant d’innocenter son fils, accusé de meurtre. Cette idée fixe était un fil rouge tout trouvé au film et le rendait haletant. Dans Poetry, c’est très différent, Mija doit trouver beaucoup d’argent mais cela ne semble pas lui importer, elle virevolte, gamberge, mange des pommes, écrit des mots dans un carnet, va voir le docteur, travaille un peu, discute avec des passants, va à des cours de poésie. Finalement le film est comme son héroïne, une allégorie de la frivolité, du dilettantisme, qui vit moyennement la transposition à l’écran. Un tel parti pris aurait pu être intéressant si le vrai sujet était la maladie d’Alzheimer, mais il n’est pas que cela (d’ailleurs il est traité très sommairement), et c’est un problème.

Le sujet, c’est la poésie, et il est vrai qu’elle est évoquée de bout en bout mais Lee Chang-Dong n’arrive jamais à le traiter qu’en surface. Par exemple, les longues scènes de déclamations de poésie auxquelles assiste Mija, au lieu d’intensifier la narration, restent au stade de l’anecdote et finissent par ennuyer, faute de lien avec le reste de l’histoire.

Malgré ses défauts, Poetry trouve à offrir quelques moments de grâce, notamment par les rencontres que fait Mija, qui donnent lieu à de belles séquences dialoguées, on l’on commence à sentir de la vie dans le cinéma de Lee Chang-Dong, celle qui manque à toutes ces saynètes trop dispersées pour toucher. Poetry reste un film infiniment délicat et humain, parfois touchant, et il lui manquerait peu de choses pour être un grand film.

Critique : Le bruit des glaçons, un Blier honnête

Bertrand Blier est mon idole. Bertrand Blier est une légende. En tout cas il est l’un des rares auteurs à avoir écrit et réalisé quatre chefs d’oeuvre d’affilée (Les Valseuses, Calmos, Préparez vos mouchoirs et Buffet froid de 1974 à 1979). Depuis lors, sa filmographie est apparue plus hétérogène, montrant ses capacités égales à endormir toute une salle avec des films-assommoirs (Trop Belle pour Toi, Beau-Père) et à revenir aux sources en un come-back retentissant (Tenue de Soirée). Mais depuis une vingtaine d’années, si l’on excepte le génial Les Acteurs (qui n’est pas exempt de toute critique néanmoins), le cinéma et la verve de Blier tendent à s’essouffler (Combien tu m’aimes), voire à s’auto-caricaturer (Les Côtelettes), malgré un retour à l’esprit caustique et absurde des premiers films.

Le bruit des glaçons est incontestablement un film bliéen (c’est comme ça qu’on dit ?). Dans les mots, on retrouve cet éternel esprit franchouillard, cette faconde commune à tous les personnages, ces dialogues à la fois vulgaires et raffinés. Dans les images, on retrouve cette mise en scène précise, ce sens du timing, de l’ellipse qui claque. Mais c’est à double-tranchant et s’il faut trouver un reproche, c’est là qu’il se trouve. Alors que dans les années 70, ses films était une véritable bouffée d’oxygène, désormais tout ce qu’on y voit apparaît comme une référence. Blier maîtrise ses fondamentaux mais en abuse parfois, qu’ils soient puisés de son propre cinéma ou de celui des autres (Kubrick ?). Son usage d’une foule de procédés un peu vieillots alourdissent son récit et nuisent à la fluidité de l’ensemble (Jean Dujardin s’adressant au spectateur, flash-backs inutiles, mises en abyme un peu foireuses).

Cependant, l’essentiel de Blier est là : les dialogues. Comme d’habitude, on a droit à un festival de répliques brutales et cinglantes, et elles sont dites avec talent, notamment par Albert Dupontel, dont on ne pouvait rêver meilleur prestation dans le rôle du cancer. Jean Dujardin, quand à lui, s’en tire plutôt honnêtement mais son élocution a quelque chose d’ordinaire qui ne peut soutenir la comparaison avec ses illustres prédécesseurs (Depardieu, Dewaere, Marielle, Serrault). Par ailleurs, ce film n’est pas qu’un film d’hommes. La vraie histoire du film est celle de le relation entre Dujardin et sa domestique jouée par Anne Alvaro. C’est elle qui sert de fil rouge au film et qui lui donne une couleur presque romantique au final, ce que ne laissait pas du tout entendre la bande-annonce. A noter aussi l’excellent second rôle de Myriam Boyer (maman de Clovis Cornillac), dans une partition que l’on a pas l’habitude de voir chez Blier, en tout cas pas au féminin.

Pour résumer Le Bruit des Glaçons, on pourrait dire qu’il est représentatif de la filmographie de son réalisateur. Drôle souvent notamment lors de séquences de dialogues sans artifice entre ses protagonistes principaux, poussif parfois lorsqu’il se prend à vouloir expliciter l’absurde en se perdant en flashbacks, mais finalement jamais à court d’idées. Voilà pourquoi j’attends avec impatience le prochain.

Critique : The Expendables, ça tient la route

Depuis le temps qu’on les attend, les voici enfin ces fameux « expendables », littéralement, ceux dont on peut se passer. Malheureusement, on en a perdu quelques-uns en route, comme Wesley Snipes (en prison), Steven Seagal (bisbille avec le producteur), et surtout Jean-Claude Van Damme (pas assez de présence à l’écran pour son rôle comparé à son standing, selon lui). D’autres exemples ici.

Malgré cette petite déception, The Expendables reste le must-see de la semaine, ne serait-ce que pour la présence de Sylvester Stallone, des deux côtés de la caméra. N’ayant vu qu’un seul de ses films comme acteur (Demolition Man, dont je garde un bon souvenir), je n’ai pas hésité une seconde et me suis rendu avec enthousiasme dans le cinéma le plus proche pour enfin, savoir.

Et dès le générique, j’ai compris de quoi il retournait : typo grasse et carrée en texture « acier inoxydable », musique badaboumesque, puis arrivée de grosses motos pétaradantes, tout sela sent la couille à plein nez, et assez fort. Car oui The Expendables est un film de mecs, de vrais.

Chez Stallone les femmes n’ont leur place que comme prétexte à l’action. A ma gauche nous avons la fille du dictateur mexicain (ou apparenté) de service (joué par le Angel Batista de Dexter), qui est gentille, elle, pas comme son affreux papa, et qui veut juste le bien de son peuple, ce qui émeut assez le personnage de Stallone. A ma droite, la girlfriend de Christmas (Jason Statham), battue par son nouveau keum, nous vaudra une bagarre vengeresse, seul contre toute une équipe comme au temps du Transporteur, désignant tout net Statham comme une sorte de Clint Eastwood des temps modernes, et conclue par un superbe « La prochaine fois ce sera tes couilles » – je ne dévoile pas l’objet que Jason vient de poignarder rageusement à ce moment précis (indice : l’action se déroule sur un terrain de basket).

Voilà pour ce qui est des gonzesses. Du côté des gars, tout est bien cadenassé également, chacun a sa propre fonction dans le film et s’en acquitte à merveille. Stallone en chef de bande est crédible, sa rivalité connivente avec Statham est plutôt savoureuse, et leurs registres différents les rend complémentaires. Jet Li et sa petite taille apportent la touche running-gag adéquate, Dolph Lundgren hérite du rôle de traître, tandis que Mickey Rourke s’adonne à la philosophie, passant tout le film à donner des leçons de vieux sage, faire des tatouages à ses potes et peindre des fleurs sur une guitare en pleurnichant. Pour ce qui est de Bruce Willis, on le voit à peine cinq minutes, partagées avec un autre guest de choc pour une scène plutôt rigolote (mais pas plus). Les autres on s’en fout, on sait pas qui c’est.

Statham – Stallone : un duo qui tue (rires)

A part ça, disons-le, l’intrigue de The Expendables est assez nulle, une vague histoire d’ex-agent de la CIA cupide et impitoyable qu’il faut éliminer. Mais peu importe car le vrai film réside dans ses scènes d’action, évidemment. Et à ce petit jeu, Stallone est assez bon. Sa mise en scène est impeccable, parfois audacieuse, se laissant aller par moments à de chaleureux élans gores, du plus bel effet. Dans son domaine, Stallone maîtrise finalement aussi bien son sujet que des spécialistes comme John Woo ou Paul Greengrass.

Jet Li est petit, et il en souffre

Pour ce qui est des dialogues par contre, c’est la grosse faiblesse du film, et il faut tout le talent de Mickey Rourke pour empêcher une scène de conversation mélodramatique de friser le grotesque. Heureusement, ce genre d’effusions se font rares et sont oubliées dix minutes plus tard après une bonne grosse tuerie. Cependant, un deuxième reproche que l’on pourrait faire à Stallone est l’invincibilité totale de ses protagonistes. Là où il aurait eu l’occasion de suggérer une certaine fragilité de ses héros laissés pour compte, il préfère en faire des machines à tuer invulnérables. Jamais touchés, jamais en danger, jamais morts.

En tout cas, on ressort plutôt réjoui de ce film de pur divertissement, pas déplaisant pour qui n’en attend que de belles fusillades et des dialogues bien connauds mais parfois rigolos.