Bilan cinéma 2010 : mes mini-tops de l’année

C’est la fin de l’année, voici venue l’heure des bilans. A l’instar de mes congénères blogueurs, j’avoue que j’aime assez hiérarchiser tout et n’importe quoi. Alors je me suis dit, Séraphin, pourquoi tu ferais pas plein de petits tops pour synthétiser la riche année de cinéma qui vient de s’achever ? Hein pourquoi pas ?

LES FILMS

Les bonnes surprises de l’année contre toute attente :
1. MOTHER de Bong Joon-Ho
2. BURIED de Rodrigo Cortés
3. L’EPINE DANS LE COEUR de Michel Gondry
4. LES PETITS RUISSEAUX de Pascal Rabaté
5. TOUT CE QUI BRILLE de Géraldine Nakache et Hervé Mimran

Les déceptions de l’année :
1. LES PETITS MOUCHOIRS de Guillaume Canet
2. ALICE AU PAYS DES MERVEILLES de Tim Burton
3. SHERLOCK HOLMES de Guy Richie
4. ADELE BLANC-SEC de Luc Besson
5. GAINSBOURG – VIE HEROIQUE de Joann Sfar

Le cinéma français se serait bien passé de ce genre d’images.

Les films visuellement très très joulis de l’année :
1. RUBBER de Quentin Dupieux
2. ENTER THE VOID de Gaspar Noé
3. LES AMOURS IMAGINAIRES de Xavier Dolan
4. ONCLE BOONMEE de Apichatpong Weerasethakul
5. A SINGLE MAN de Tom Ford

Les films imbitables de l’année :
1. FILM SOCIALISME de Jean-Luc Godard
2. ONCLE BOONMEE
3. COPIE CONFORME de Abbas Kiarostami
4. HARRY POTTER ET LES RELIQUES DE LA MORT – PARTIE 1 de David Yates
5. RESIDENT EVIL 3D : AFTERLIFE de Paul W. S. Anderson

Les films de malades mentaux mais bien coolos quand même :
1. RUBBER
2. ENTER THE VOID
3. GENTLEMEN BRONCOS de Jared Hess
4. AMES EN STOCK de Sophie Barthes
5. BAD LIEUTENANT : ESCALE A LA NOUVELLE ORLEANS de Werner Herzog

Les délires persos de l’année, tellement persos que celui qui a le plus pris son pied c’est l’abruti qui a fait le film :
1. ENSEMBLE NOUS ALLONS VIVRE UNE TRES TRES GRANDE HISTOIRE D’AMOUR de Pascal Thomas
2. GAINSBOURG – VIE HEROIQUE
3. FATAL de Michael Youn
4. MR NOBODY de Jaco Van Dormael
5. CAMPING 2 de Fabien Onteniente

Les comédies françaises nulles à chier de l’année :
1. ADELE BLANC-SEC
2. L’ITALIEN de Olivier Baroux
3. LE MAC de Pascal Bourdiaux
4. CAMPING 2
5. UNE PETITE ZONE DE TURBULENCES d’Alfred Lot

Les films ennuyeux, fatigants voire interminables de l’année :
1. ONCLE BOONMEE
2. MY OWN LOVE SONG de Olivier Dahan
3. VALHALLA RISING de Nicolas Winding Refn
4. THE AMERICAN de Anton Corbijn
5. PRINCE OF PERSIA : LES SABLES DU TEMPS de Mike Newell

Les films sinistres, glauques voire sordides de l’année :
1. PRECIOUS de Lee Daniels
2. THE KILLER INSIDE ME de Michael Winterbottom
3. LES PETITS MOUCHOIRS
4. POETRY de Lee Chang-Dong
5. JUST ANOTHER LOVE STORY de Ole Bornedal

Les films dont la fin met bien sur le cul :
1. KABOOM de Gregg Araki
2. A SERIOUS MAN de Joel & Ethan Coen
3. SHUTTER ISLAND de Martin Scorsese
4. ENTER THE VOID
5. VALHALLA RISING

Les docus de l’année :
1. L’EPINE DANS LE COEUR de Michel Gondry
2. YVES SAINT-LAURENT & PIERRE BERGE : L’AMOUR FOU de Pierre Thoretton
3. WHEN YOU’RE STRANGE de Tom DiCillo
4. JEAN-MICHEL BASQUIAT : THE RADIANT CHILD de Tamra Davis
5. INSIDE JOB de Charles Ferguson

Les films gravement surcotés de l’année :
1. ONCLE BOONMEE
2. POETRY
3. COPIE CONFORME
4. GAINSBOURG : VIE HEROIQUE
5. AJAMI de Scandar Copti et Yaron Shani

Les meilleures scènes de l’année :
1. Dans The ghost-writer, la superbe scène finale (que je ne raconterai pas).
2. Dans Dans ses yeux, le fabuleux plan-séquence qui démarre au dessus d’un stade et s’achève sur le terrain après une incroyable course-poursuite dans les travées.
3. Dans Rubber, le long travelling qui fait suite au meurtre du lapin, où l’en ressent la plénitude d’un pneu qui vient de tuer sauvagement une bête sans défense
4. Dans Kick-ass, le premier passage à l’acte de Hit Girl dans un déchaînement de violence et de gore totalement inattendu.
5. Dans Very Bad Cops, le saut dans le vide du super-tandem Jackson/Johnson (attention spoiler).
6. Dans Machete, la descente en rappel de Machete avec un intestin grêle en guise de corde.
7. Dans Mother, la troublante scène d’ouverture qui prendra tout son sens à la fin du film.
8. Dans Inception, le rêve d’Ellen Page et Leo DiCaprio dans les rues parisiennes.
9. Dans Fatal, les nominations aux Music Awards de la musique.
10. Dans Daybreakers, la mort ultra-gore du bad guy.

Les scènes grotesques de l’année :
1. Dans Resident evil 3D : Afterlife, la rencontre avec le grand méchant décontracté du gland sur son fauteuil hi-tech.
2. Dans Alice au pays des merveilles, le Futterwacken de Johnny Depp, que l’on redoutait tout au long du film.
3. Dans Potiche, la chanson finale de Catherine Deneuve.
4. Dans Oncle Boonmee, la visite à la table familiale d’un fils disparu devenu tout poilu.
5. Dans The tourist, le méchant mafieux torturant Angelina Jolie en dérangeant ses étagères.
6. Dans Tout ce qui brille, la grosse colère de Leila Bekhti après sa pote Géraldine Nakache.
7. Dans Expendables, Mickey Rourke repeignant sa guitare en chouinant.
8. Dans Unstoppable, les inévitables scènes de liesse générale au moment où tout rentre dans l’ordre.
9. Dans Les petits mouchoirs, les trente dernières minutes du film.
10. Dans Adèle Blanc-Sec, tout le film.

Les génériques de l’année :
1. Générique d’ouverture d’Enter the void
2. Générique d’ouverture de Gentlemen Broncos
3. Générique de fin de Sherlock Holmes
4. Générique de fin de Robin des bois
5. Générique de fin de Soul kitchen

Les répliques les plus classes de l’année :
1. « J’aime bien votre rire. – Moi j’aime pas le vôtre, il pue votre rire. – Ben c’est normal, il sent un peu la charogne.«  (Albert Dupontel et Jean Dujardin dans Le bruit des glaçons)
2. « Tu es encore mouillée ? – Non. Je me suis essuyée avec un Kleenex. » (fiston Dylan Riley Snyder et maman Allison Janney dans Life during wartime)
3. « Pourquoi dans JFK, d’Oliver Stone, un inconnu assassine-t-il le président des Etats-Unis? No reason. » (Stephen Spinella dans le superbe monologue d’ouverture de Rubber)
4. « Machete don’t text.«  (Danny Trejo dans Machete)
5. « Ca doit être fumé au bois d’Applewood ça, je me trompe ? – Je sais pas, j’ai pas fait un master en jambon moi.«  (Gérard Depardieu et Gustave Kervern dans Mammuth)

Les répliques les plus cons de l’année :
1. « La prochaine fois ce sera tes couilles.«  (Jason Statham après avoir poignardé un ballon de basket dans Expendables)
2. « Bon écoutez-moi bien Ramsès de mes deux » (Louise Bourgoin dans Adèle Blanc-Sec)
3. « Moi si on me dit pas tout je réponds patate.«  (Jonathan Lambert dans L’amour c’est mieux à deux)
4. « Et je respecte la nappe phréatique aussi, je fais uniquement caca dans mon jardin.«  (Stéphane Rousseau dans Fatal)
5. « Je meurs à l’instant si un jour j’te reparle. » (Leila Bekhti dans Tout ce qui brille)

LES GENS

Les acteurs de l’année :
1. Stephen Spinella (Rubber) car son monologue au début du film est ce qu’on a vu de mieux au cinéma cette année (le reste du film aussi d’ailleurs).
2. Gérard Depardieu (Mammuth) car il EST Mammuth, autant qu’il a été Cyrano de Bergerac, Alphonse Tram, le Père Donissan ou Quentin de Montargis.
3. Jemaine Clement (Gentlemen Broncos) car son personnage est génial et il le joue génialement.
4. Adam Butcher (Dog pound) car quand il se met en colère, il est vraiment flippant.
5. Bill Nighy (Petits meurtres à l’anglaise) car son jeu tout en bouffonnerie flegmatique peut sauver un film à lui seul.

Les actrices de l’année :
1. Allison Janney (Life during wartime) car partout où elle passe, les films s’illuminent (cf. Away we go)
2. Juno Temple (Kaboom) car j’en suis tombé amoureux.
3. Carey Mulligan (Une éducation) car c’est une future grande.
4. Anne-Elizabeth Bossé (Les amours imaginaires), car chacune de ses paroles est hilarante de vérité.
5. Scarlett Johansson (Iron Man 2) car Scarlett sera toujours Scarlett.

Les acteurs nuls de l’année :
1. Jérémie Rénier (Potiche)
2. Romain Duris (L’arnacoeur)
3. Johnny Depp (The tourist)
4. Ben Affleck (The town)
5. Jay Baruchel (L’apprenti sorcier)

Les actrices nulles de l’année :
1. Louise Bourgoin (Adèle Blanc-Sec)
2. Angelina Jolie (The tourist)
3. Judith Godrèche (Potiche)
4. Juliette Binoche (Copie conforme)
5. Penélope Cruz (Nine)

Les guests de l’année :
1. P. Diddy dans American trip.
2. Michael Keaton dans Very bad cops.
3. Bouli Lanners dans Mammuth.
4. Arnold Schwarzenegger dans Expendables.
5. Patti Smith dans Film Socialisme.

Les catastrophes capillaires de l’année :
1. Angelina Jolie (Salt)
2. Ben Stiller (Greenberg)
3. Jim Carrey (I love you Phillip Morris)
4. Romain Duris (L’homme qui voulait vivre sa vie)
5. Tobey Maguire (Brothers)

Les méchants de l’année :
1. Robert (Rubber)
2. Stanley Tucci (Lovely bones)
3. Jeremy Renner (The town)
4. Robert De Niro (Machete)
5. Mickey Rourke (Iron Man 2)

LA ZICMU

Les bandes originales de l’année :
1. The social network (Trent Reznor et Atticus Ross)
2. Fantastic Mr Fox (Alexandre Desplat)
3. Rubber (Mr Oizo et Gaspard Augé)
4. Inception (Hans Zimmer)
5. Yves Saint-Laurent & Pierre Bergé : L’amour fou (Come Aguiar)
6. Dog pound (Balmorhea, K’Naan et Nikkfurie)
7. A serious man (Carter Burwell)
8. The ghost-writer (Alexandre Desplat)
9. Sherlock Holmes (Hans Zimmer)
10. Bad lieutenant (Mark Isham)

Les tracklists de l’année :
1. SHUTTER ISLAND, avec Krzysztof Penderecki, Max Richter, Brian Eno
2. SOUL KITCHEN, avec Kool and the Gang, Boogaloo Joe Jones, Quincy Jones
3. AMER, avec Stelvio Cipriani, encore Stelvio Cipriani, Bruno Nicolai
4. WHEN YOU’RE STRANGE, avec The Doors, The Doors, The Doors, The Doors
5. LES AMOURS IMAGINAIRES, avec Dalida, The Knife, Indochine, Comet Gain
6. GENTLEMEN BRONCOS, avec Zager and Evans, Scorpions, Buck Owens
7. KABOOM, avec Yeah Yeah Yeahs, Engineers, The Depreciation Guild, Placebo
8. KICK-ASS, avec Prodigy, John Murphy, The Pretty Reckless, Primal Scream
9. DATE LIMITE, avec Sam & Dave, Cream, Fleet Foxes, MIMS
10. VERY BAD COPS, avec Goldfrapp, Foo Fighters, Wyclef Jean, Phil Collins

10 bonnes raisons d’aller voir Rubber, de Quentin Dupieux

Voilà une semaine que je clame à tous vents et sur tous les toits que Rubber est le film de l’année, presque un chef-d’oeuvre, tout du moins une oeuvre incontournable et qu’il faut donc aller le voir. Devant l’incrédulité et la défiance générale, j’avais eu l’idée d’exposer en 57 points pourquoi ce film est génial et pourquoi il faut à tout prix aller le voir. Pourquoi 57 ? No reason (huhu). Mais comme je sais que mes lecteurs sont des gens très occupés, j’ai finalement décidé de m’en tenir à 10 (oui c’est la seule et l’unique raison). Les voici :

1. Le premier long-métrage tourné avec un appareil photo
C’est par son manque de patience que l’on doit à Quentin Dupieux d’avoir choisi un appareil photo pour tourner son film. Fatigué de la lenteur du processus traditionnel, il a fait le choix du Canon 5D, qui permettait de tourner rapidement sans trop de tergiversations. Une brillante idée puisque le résultat est superbe. Rubber est et visuellement l’un des plus beaux films de l’année. J’ai l’impression que ce film est le premier d’une longue série, et qu’il est donc une REVOLUTION, pour le même prix que les tristes navets qui l’accompagnent à l’affiche (j’exagère, y a des bons films en ce moment mais PEU IMPORTE !).

2. Un point de départ dingue
L’histoire d’un pneu télékinésiste et psychopathe. Si vous n’avez pas envie de courir en direction du cinéma le plus proche en lisant un tel pitch, vous êtes un nazi.

3. Un film de genre de qualité supérieure
Avant toute chose, Rubber est un film de genre, horrifique et gore. Le héros est un pneu d’accord, mais c’est aussi un tueur psychopathe et avide de meurtre. Et quels meurtres ! Dupieux a certainement consulté ses classiques (Scanners et autres) avant de tourner, car il nous gratifie tout au long du film de superbes explosions de tête, des modèles du genre, techniquement sublimes, parfaitement sonorisées. Et je m’y connais.

4. Une astuce scénaristique brillante
L’histoire du pneu tueur ne vous suffit pas ? Moi non plus et c’est là que ce film est GENIAL. Ce pitch de série B n’est qu’un prétexte car la véritable histoire du film est celle de ces spectateurs munis de jumelles qui suivent en même temps que nous les tribulations du pneu fou. Dupieux passe son temps à passer d’une histoire à l’autre, faisant parfois faire à ces spectateurs des commentaires auxquels on avait pensé quelques secondes plus tôt (les fesses de Roxane Mesquida). Troublant. Les deux histoires sont liées par un personnage énigmatique, obéissant à une force supérieure à peine évoquée, dont on prendra soin d’imaginer nous même l’identité.

5. Le film qui vous fait ressentir les émotions d’UN PNEU
Car oui, dans Rubber, le pneu est un être vivant. On ressent ses émotions, ses interrogations, ses peurs, on s’identifie à lui, on comprend ce que c’est d’être lui. On comprend surtout le pur génie de Dupieux quand dans la meilleure scène du film, on suit dans un long travelling ce pneu tituber d’allégresse après le meurtre orgasmique d’un pauvre lapin. Du grand art.

6. Des acteurs au niveau
Ca a l’air con à dire, mais Stephen Spinella, acteur quasi-inconnu, petit rôle dans Harvey Milk et dans des films que personne n’a vu, vaut à lui seul de voir Rubber. C’est une faconde, une assurance, une présence, une force comique inattendues que l’on découvre en le voyant monologuer sur le No-Reason (cf. 10), mener avec entrain une enquête policière insensée ou expliquer l’inexplicable à ses collègues médusés. Autour de lui, la jolie Roxane Mesquida est parfaite en objet sexuel (comme d’habitude), tout comme Jack Plotnick, Wings Hauser et tout les autres d’ailleurs. Sans oublier le pneu, dont l’animation semble avoir fait l’objet d’une attention toute particulière, filmé très souvent en plan large même dans des déplacements assez périlleux. On se demande parfois si ce n’est pas un vrai pneu vivant qui a été filmé.

7. Une mise en scène soignée
Des cadrages superbes, des travellings élégants, sobres et efficaces, la réalisation est fourmillante d’idées, à tel point que l’on peut voir la même scène quatre fois de suite sans jamais se lasser, je parle en l’occurrence de celle où Robert (le pneu) découvre ses capacités et les teste sur plusieurs victimes (objets et animaux divers), une séquence admirable, redondante mais passionnante.

8. Le film d’un vrai auteur (français en plus)
Pour ceux qui seraient tombé sur Nonfilm, le premier film de Quentin Dupieux, impossible de ne pas voir dans Rubber la continuité de cette réflexion semi-nihiliste sur la représentation cinématographique et la relation spectacle/spectateur. Entre les deux, il y a eu Steak, film pas inintéressant où l’on retrouvait néanmoins ce ton fun et décalé, mais un peu dissimulé par la présence des stars Eric et Ramzy. Dans Rubber, on revient dans le plus pur style Quentin-Dupieux, absurde et hilarant comme du Blier, absurde et abscons comme du Buñuel. Tout ce qu’on aime.

9. Une BO qui tue
Quentin Dupieux étant qui il est (Mr Oizo rappelons-le), il ne pouvait faire autrement que de composer lui-même la BO de son film, comme il l’avait fait avec Steak. Il avait cependant collaboré avec deux autres pontes de la french touch (Sébastien Tellier & SebastiAn) et cette fois c’est la moitié moustachue de Justice, Gaspard Augé, qui est venue lui prêter main forte. Le résultat est une merveille, hétéroclite et jouissive, croisant des mélodies élégantes, sifflées, flûtées ou plaquées au clavier, à des influences diverses (John Carpenter, Carter Burwell, Philip Glass, …). Le point culminant étant assurément ce Tricycle Express morodérien entendu en fin de film. Et en bonus, un morceau non orignal, excellent au demeurant, du groupe funk Blue Magic, qui semble pourtant avoir été composé pour le film (la fameuse scène de plénitude post-meurtrem cf. 5).

10. Un magnifique hommage au No-Reason
Dans une impeccable scène d’ouverture, Stephen Spinella expose sa théorie sur la place du No-Reason dans les chefs-d’oeuvre du cinéma. « Pourquoi dans ET, l’extraterrestre est-il marron ? No reason ». Une question que l’on ne s’était jamais vraiment posé et qui prend tout son sens métaphysique dans la suite du film. On restera pendant 1h30 (et même après) dans cette incertitude, est-ce que ce film a seulement un sens, est-ce que tout cela n’est pas juste une vaste blague ? Question que l’on peut extrapoler à l’infini. Le cinéma. L’art. La vie. L’univers.

Critique : The Dinner, de Jay Roach

Sorti dans 9 salles en France, The Dinner est visiblement boudé par les distributeurs. On peut le comprendre car en plus d’être le remake d’une des meilleures comédies françaises du XXe siècle (ce qui est un sérieux handicap), c’est tout simplement un mauvais film, dont les scénaristes n’ont visiblement rien compris à l’intelligence du scénario original de Francis Veber.

Car mises à part quelques situations qui tiennent plus lieu de clin d’oeil, le scénario du Dîner de Cons a totalement été remanié pour ce film. Celui de Veber se déroulait presque intégralement dans un appartement alors que celui de Jay Roach est beaucoup plus volatil, et ce sont deux jours entiers que le Brochant américain passe à être torturé par ce Pignon artiste-taxidermiste proche de l’encéphalogramme plat.

La première erreur du script à mon avis, c’est qu’ici le méchant Mr Brochant s’est transformé en un gentil cadre dynamique que ses salauds de patrons forcent à participer à un dîner de cons en vue d’une promotion (idée de départ complètement nulle, soit dit en passant). Du coup, on est presque gêné de voir ce pauvre Paul Rudd vivre un enfer à cause de ce con vraiment très con joué par un Steve Carell vraiment très lourd, sans aucune retenue.

Partant avec un déséquilibre aussi grand, le film est obligé de se ramasser. Et malgré quelques moments drôles (la blague de Morgan Freeman, vue dans la bande annonce), voire poétiques (l’idée des petites maquettes de souris empaillées), il est très difficile de rire aux pitreries incessantes de Steve Carell, et encore moins d’un Paul Rudd dont le personnage est totalement délaissé.

Heureusement, quelques seconds rôles sauvent le film du naufrage complet, notamment Zach Galifianakis (encore lui) assez fort en inspecteur des impôts psychotique, ou Jemaine Clement qui après Gentlemen Broncos s’impose comme un expert absolu pour jouer les stars underground ravagées.

Tout cela n’est pas suffisant pour faire de ce Dinner un film agréable, d’autant qu’il aura enlevé à l’original toute sa subtilité et sa méchanceté.

Critique : Date limite, de Todd Phillips

Après avoir triomphé en salles avec Very Bad Trip, Todd Phillips revient cette semaine avec Date Limite, s’attaquant à un genre pas si facile, le buddy-movie (preuve dans The Dinner, sorti cette semaine aussi). Depuis la sortie du film, on lit parfois la critique entrevoir une filiation avec le maître français du genre, Francis Veber (scénariste de L’emmerdeur et réalisateur de La Chèvre, Les compères, Les fugitifs et Tais-toi entre autres). Sans aller jusque là, on peut quand même considérer Date Limite comme une réussite.

Peter Highman (Robert Downey Jr) doit rejoindre sa femme à l’autre bout des Etats-Unis avant son accouchement, mais par une série de tuiles, il est contraint de faire le voyage en voiture avec Ethan Tremblay (Zach Galifianakis), individu particulièrement inconscient et maladroit.

On retrouve effectivement dans la trame de départ une certaine ressemblance avec celles interprétées par le tandem Depardieu/Richard de la grande époque, cependant, ce nouveau duo fait plus souvent penser à celui que formaient Jeff Bridges et John Goodman dans The Big Lebowski. D’ailleurs certaines scènes, si elles ne sont pas un hommage, sont clairement influencées par le chef-d’oeuvre des frères Coen (les cendres du papa dans la boite de café, la tenue de mission de Zach Galifianakis).

Les bouffonneries de Zach Galifianakis ne prendraient pas si son partenaire n’était pas ce Robert Downey Jr sobre et stoïque. C’est le fait qu’il cherche constamment à contenir son énervement qui provoque le rire, et on rit plus encore quand la tension est trop forte et qu’il se laisse aller à quelques débordements (cf. la scène du gamin chiant).

Une fois l’équilibre trouvé entre les deux personnages, il ne reste qu’à dérouler le film et imaginer toutes sortes de situations, plus rocambolesques les unes que les autres. C’est d’ailleurs là où le film est beaucoup moins fort que ceux de Francis Veber, mais peu importe, les situations sont drôles et les divers personnages rencontrés apportent de l’eau au moulin du duo principal. La singularité de ce tandem suffit à faire des situations les plus éculées (fumage de pétards, etc.) de vraies scènes de comédie.

Evidemment, on n’échappera pas à quelques effusions sentimentales, mais elles sont rares et souvent désamorcées avec force par une réplique ou une vanne qui va bien.

Pour toutes ces raisons, disons tout de go que Date Limite est le deuxième film à voir de la semaine (après Rubber évidemment, qui lui est le film de l’année).

Critique : Potiche, de François Ozon

Je n’ai pas envie de cacher que j’avais prévu une introduction assez dingue pour cette critique, toute en allitérations à base de potiche, pitch, potache, putsch, et pourquoi pas postiche, patch et pistache. Mais je n’ai pas vraiment réussi à goupiller tout ça harmonieusement. Alors restons simples, je me contenterai sobrement d’écrire qu’avec un casting et un réalisateur prestigieux, Potiche est assurément le « film de la semaine », c’est-à-dire celui que les gens vont aller voir avec plaisir et enthousiasme à partir de ce 10 novembre.

Ils n’ont pas tout à fait tort les gens, parce qu’on aurait tort de se priver d’une union Deneuve + Luchini + Depardieu, dirigés par un réalisateur talentueux et reconnu. Mais ils ont quand même un peu tort, déjà parce que LE film de l’année sort le même jour (Rubber). Ensuite parce qu’il semble désormais presque évident que François Ozon n’est pas fait pour la comédie.

Adaptant une pièce de théâtre de Pierre Barillet et Jean-Pierre Grédy (en deux mots l’histoire d’un PDG macho qui se fait remplacer par sa femme à la tête de son entreprise), le réalisateur de 8 femmes n’arrive que très rarement à en faire un film. Les dialogues ciselés de la pièce tombent souvent à plat, la faute à une interprétation souvent maniérée et déclamatoire et une mise en scène misant tout sur une esthétique seventies un peu fun mais ne cherchant que secondairement à rendre les gags efficaces.

Pas aidés non plus par leurs personnages, un poil caricaturaux, les comédiens sont à la peine, notamment Jérémie Rénier en fils modèle efféminé ou Judith Godrèche en blondasse antipathique, qui ont beaucoup de mal à se rendre crédibles. Le trio principal s’en sort mieux heureusement, et donne au film ses meilleurs scènes, dans des registres familiers : Luchini excelle dans la logorrhée excédée, tranchant avec une Deneuve calme et espiègle, tandis que Depardieu reprend avec brio son rôle désormais habituel d’homme fruste au grand coeur.

On rit quand même, parfois, quand le film parvient à transcender son matériau théâtral de base pour en faire un vrai film de comédie, y apporter de vraies situations et de vraies répliques de cinéma. Dommage que la plupart du temps, Ozon reste si paresseux dans son adaptation, se contentant souvent de balancer une allusion balourde ou un gag bon marché.

Quant au message sous-jacent du film, s’il y en a un, il est délivré avec assez de maladresse pour qu’on n’ait pas vraiment envie de le comprendre ni même s’y intéresser. Le côté un peu ridicule de la scène finale montre bien qu’il n’y aura pas de grands enseignements à tirer de ce conte contemporain, sympathique mais pas indispensable.