Critique : Potiche, de François Ozon

Je n’ai pas envie de cacher que j’avais prévu une introduction assez dingue pour cette critique, toute en allitérations à base de potiche, pitch, potache, putsch, et pourquoi pas postiche, patch et pistache. Mais je n’ai pas vraiment réussi à goupiller tout ça harmonieusement. Alors restons simples, je me contenterai sobrement d’écrire qu’avec un casting et un réalisateur prestigieux, Potiche est assurément le « film de la semaine », c’est-à-dire celui que les gens vont aller voir avec plaisir et enthousiasme à partir de ce 10 novembre.

Ils n’ont pas tout à fait tort les gens, parce qu’on aurait tort de se priver d’une union Deneuve + Luchini + Depardieu, dirigés par un réalisateur talentueux et reconnu. Mais ils ont quand même un peu tort, déjà parce que LE film de l’année sort le même jour (Rubber). Ensuite parce qu’il semble désormais presque évident que François Ozon n’est pas fait pour la comédie.

Adaptant une pièce de théâtre de Pierre Barillet et Jean-Pierre Grédy (en deux mots l’histoire d’un PDG macho qui se fait remplacer par sa femme à la tête de son entreprise), le réalisateur de 8 femmes n’arrive que très rarement à en faire un film. Les dialogues ciselés de la pièce tombent souvent à plat, la faute à une interprétation souvent maniérée et déclamatoire et une mise en scène misant tout sur une esthétique seventies un peu fun mais ne cherchant que secondairement à rendre les gags efficaces.

Pas aidés non plus par leurs personnages, un poil caricaturaux, les comédiens sont à la peine, notamment Jérémie Rénier en fils modèle efféminé ou Judith Godrèche en blondasse antipathique, qui ont beaucoup de mal à se rendre crédibles. Le trio principal s’en sort mieux heureusement, et donne au film ses meilleurs scènes, dans des registres familiers : Luchini excelle dans la logorrhée excédée, tranchant avec une Deneuve calme et espiègle, tandis que Depardieu reprend avec brio son rôle désormais habituel d’homme fruste au grand coeur.

On rit quand même, parfois, quand le film parvient à transcender son matériau théâtral de base pour en faire un vrai film de comédie, y apporter de vraies situations et de vraies répliques de cinéma. Dommage que la plupart du temps, Ozon reste si paresseux dans son adaptation, se contentant souvent de balancer une allusion balourde ou un gag bon marché.

Quant au message sous-jacent du film, s’il y en a un, il est délivré avec assez de maladresse pour qu’on n’ait pas vraiment envie de le comprendre ni même s’y intéresser. Le côté un peu ridicule de la scène finale montre bien qu’il n’y aura pas de grands enseignements à tirer de ce conte contemporain, sympathique mais pas indispensable.

Mammuth, un film marrant mais pas que

Serge, dit Mammuth (Gérard Depardieu) part en retraite et se rend compte qu’il lui manque certains documents pour toucher entièrement sa retraite. Sa femme Catherine (Yolande Moreau) le pousse à reprendre sa vieille moto, une Münch Mammuth, pour partir en quête de cette paperasse auprès de ses anciens employeurs.

Dès la première séquence, le ton est donné, le film s’ouvre sur un pot de retraite et surtout un discours du chef de service criant et hilarant de réalisme. Pas de doute, on est toujours dans la veine naturaliste de Aaltra et l’inspiration humoristique de Louise-Michel, les mecs de Groland n’ont pas changé. Gérard Depardieu et Yolande Moreau, dans un registre inhabituellement modéré, sont parfaits en couple de petit vieux ébranlé face à leur nouvelle situation, et on est presque triste du départ de Mammuth sur sa moto éponyme tant on a envie de voir le duo évoluer ensemble.

Finalement on n’y perd pas au change car le voyage de Mammuth est l’occasion de croiser sur son chemin un défilé de personnages tous plus barges les uns que les autres. Après une succession de sketches plus ou moins inspirés, portés par les guests désormais habituels (Benoît Poelvoorde, Siné, Bouli Lanners) et d’autres tout aussi savoureux (Anna Mouglalis, Albert Delpy, Dick Annegarn), les gags se raréfient, et si l’atmosphère reste gravement décalée, l’émotion s’installe, en particulier quand Mammuth fait la rencontre de sa nièce arriérée voire semi-folle, un personnage à la fois inquiétant et terriblement touchant.

Le film puise alors toute sa force dans la poésie qui se dégage de leur relation, une émotion toujours ponctuée de syncopes trash qui fait que le film ne tombe jamais dans le trop-plein émotif, sauf peut-être lors des apparitions hallucinatoires d’Adjani en fantôme de l’ancien amour de Mammuth, un peu artificielles, qui alourdissent plus la narration qu’autre chose.

Voilà donc un road-movie atypique, drôle et poétique, qui donne à Depardieu un rôle qui lui manquait depuis longtemps, celui d’un type simple, presque normal, mais pas pour autant ordinaire.