Critique : The Dinner, de Jay Roach

Sorti dans 9 salles en France, The Dinner est visiblement boudé par les distributeurs. On peut le comprendre car en plus d’être le remake d’une des meilleures comédies françaises du XXe siècle (ce qui est un sérieux handicap), c’est tout simplement un mauvais film, dont les scénaristes n’ont visiblement rien compris à l’intelligence du scénario original de Francis Veber.

Car mises à part quelques situations qui tiennent plus lieu de clin d’oeil, le scénario du Dîner de Cons a totalement été remanié pour ce film. Celui de Veber se déroulait presque intégralement dans un appartement alors que celui de Jay Roach est beaucoup plus volatil, et ce sont deux jours entiers que le Brochant américain passe à être torturé par ce Pignon artiste-taxidermiste proche de l’encéphalogramme plat.

La première erreur du script à mon avis, c’est qu’ici le méchant Mr Brochant s’est transformé en un gentil cadre dynamique que ses salauds de patrons forcent à participer à un dîner de cons en vue d’une promotion (idée de départ complètement nulle, soit dit en passant). Du coup, on est presque gêné de voir ce pauvre Paul Rudd vivre un enfer à cause de ce con vraiment très con joué par un Steve Carell vraiment très lourd, sans aucune retenue.

Partant avec un déséquilibre aussi grand, le film est obligé de se ramasser. Et malgré quelques moments drôles (la blague de Morgan Freeman, vue dans la bande annonce), voire poétiques (l’idée des petites maquettes de souris empaillées), il est très difficile de rire aux pitreries incessantes de Steve Carell, et encore moins d’un Paul Rudd dont le personnage est totalement délaissé.

Heureusement, quelques seconds rôles sauvent le film du naufrage complet, notamment Zach Galifianakis (encore lui) assez fort en inspecteur des impôts psychotique, ou Jemaine Clement qui après Gentlemen Broncos s’impose comme un expert absolu pour jouer les stars underground ravagées.

Tout cela n’est pas suffisant pour faire de ce Dinner un film agréable, d’autant qu’il aura enlevé à l’original toute sa subtilité et sa méchanceté.

Crazy Night, une petite comédie sympatoche

Shawn Levy, réalisateur de La Nuit au Musée et La Panthère Rose en a visiblement eu marre de faire des films de gamins. S’infiltrant dans la brèche qu’avait ouvert The Hangover l’an dernier, l’ami Shawn a réussi à s’entourer des excellents Steve Carell et Tina Fey pour faire un vrai film de comédie pour les grands.

Le couple Foster en a un peu marre de son train-train quotidien et décide d’aller dîner dans le resto le plus classe de la ville. Complet, mais par un heureux concours de circonstances ils arrivent à se faire passer pour un autre couple ayant réservé leur place, eux. Le problème, c’est que ce couple est recherché par de dangereux malfaiteurs… Badaboum.

Voilà donc le point de départ pas très jojo de cette comédie. On croit qu’on va souffrir et finalement non, c’est drôle, grâce d’abord à Steve Carell et Tina Fey, excellents quoiqu’un peu trop prolifiques en bonnes vannouzes du tac au tac pour rendre crédible leur couple prétendu morose (ce que personnellement j’appelle le syndrome Friends, mais j’en parlerai un autre jour). Car plus encore que pour ces deux-là, certains seconds rôles ont été particulièrement soignés, comme celui de James Franco en larron sympathique bien que doucement allumé ou Mark Wahlberg en ex-client charitable mais exaspérant de torsenuitude (comprendra qui aura vu le film). Ce genre de personnages jalonne le récit, et dynamise le film, qui n’est jamais ennuyeux. En revanche je passe plus rapidement sur celui de Ray Liotta, absolument inutile dans un rôle de parrain pas du tout effrayant.

Tina Fey – Steve Carell, bien assortis

D’ailleurs voilà le gros défaut de Crazy Night : tout le monde est gentil. Les deux flics ripoux qui poursuivent le couple ne semblent jamais vraiment dangereux et on sait pertinemment qu’il n’arrivera rien de bien grave aux héros jusqu’à la fin du film. Tout le monde est bienveillant, par exemple le personnage de Mark Wahlberg se fait détruire malencontreusement sa superbe voiture de course (entre autres) par le couple Foster, mais c’est pas grave c’est pour aider. James Franco, lui, qui détient la clé USB recherchée par les malfaiteurs la cède à nos amis sans qu’ils aient même à le demander et sans aucune contrepartie.

Bref tout cela reste très concon et simpliste du début à la fin, sans doute un héritage des précédents films de Shawn Levy, mais en revanche celui-ci ne donne jamais dans la grossièreté comme cela pouvait être le cas dans The Hangover, qu’on cite souvent pour parler de ce film. Pour ma part, je trouve que l’ambiance générale va plutôt lorgner vers un Kiss Kiss Bang Bang notamment lors de scènes d’actions bien maîtrisées, plutôt inventives et joyeusement décalées. La différence avec le film de Shane Black, c’est évidemment le scénario qui ne va jamais chercher très loin dans la construction de l’intrigue ; le tout se résoudra finalement en deux coups de cuillères à pot, mais on s’en fout, l’important c’est qu’on ait ri un peu, et c’est le cas.

On oubliera quand même bien vite ce petit film sympathique et amusant, et on conseillera plutôt un bon Kick-Ass toujours en salles, pour sortir des sentiers battus de la comédie américaine populaire et bêtasse.