Bilan cinéma 2010 : mes mini-tops de l’année

C’est la fin de l’année, voici venue l’heure des bilans. A l’instar de mes congénères blogueurs, j’avoue que j’aime assez hiérarchiser tout et n’importe quoi. Alors je me suis dit, Séraphin, pourquoi tu ferais pas plein de petits tops pour synthétiser la riche année de cinéma qui vient de s’achever ? Hein pourquoi pas ?

LES FILMS

Les bonnes surprises de l’année contre toute attente :
1. MOTHER de Bong Joon-Ho
2. BURIED de Rodrigo Cortés
3. L’EPINE DANS LE COEUR de Michel Gondry
4. LES PETITS RUISSEAUX de Pascal Rabaté
5. TOUT CE QUI BRILLE de Géraldine Nakache et Hervé Mimran

Les déceptions de l’année :
1. LES PETITS MOUCHOIRS de Guillaume Canet
2. ALICE AU PAYS DES MERVEILLES de Tim Burton
3. SHERLOCK HOLMES de Guy Richie
4. ADELE BLANC-SEC de Luc Besson
5. GAINSBOURG – VIE HEROIQUE de Joann Sfar

Le cinéma français se serait bien passé de ce genre d’images.

Les films visuellement très très joulis de l’année :
1. RUBBER de Quentin Dupieux
2. ENTER THE VOID de Gaspar Noé
3. LES AMOURS IMAGINAIRES de Xavier Dolan
4. ONCLE BOONMEE de Apichatpong Weerasethakul
5. A SINGLE MAN de Tom Ford

Les films imbitables de l’année :
1. FILM SOCIALISME de Jean-Luc Godard
2. ONCLE BOONMEE
3. COPIE CONFORME de Abbas Kiarostami
4. HARRY POTTER ET LES RELIQUES DE LA MORT – PARTIE 1 de David Yates
5. RESIDENT EVIL 3D : AFTERLIFE de Paul W. S. Anderson

Les films de malades mentaux mais bien coolos quand même :
1. RUBBER
2. ENTER THE VOID
3. GENTLEMEN BRONCOS de Jared Hess
4. AMES EN STOCK de Sophie Barthes
5. BAD LIEUTENANT : ESCALE A LA NOUVELLE ORLEANS de Werner Herzog

Les délires persos de l’année, tellement persos que celui qui a le plus pris son pied c’est l’abruti qui a fait le film :
1. ENSEMBLE NOUS ALLONS VIVRE UNE TRES TRES GRANDE HISTOIRE D’AMOUR de Pascal Thomas
2. GAINSBOURG – VIE HEROIQUE
3. FATAL de Michael Youn
4. MR NOBODY de Jaco Van Dormael
5. CAMPING 2 de Fabien Onteniente

Les comédies françaises nulles à chier de l’année :
1. ADELE BLANC-SEC
2. L’ITALIEN de Olivier Baroux
3. LE MAC de Pascal Bourdiaux
4. CAMPING 2
5. UNE PETITE ZONE DE TURBULENCES d’Alfred Lot

Les films ennuyeux, fatigants voire interminables de l’année :
1. ONCLE BOONMEE
2. MY OWN LOVE SONG de Olivier Dahan
3. VALHALLA RISING de Nicolas Winding Refn
4. THE AMERICAN de Anton Corbijn
5. PRINCE OF PERSIA : LES SABLES DU TEMPS de Mike Newell

Les films sinistres, glauques voire sordides de l’année :
1. PRECIOUS de Lee Daniels
2. THE KILLER INSIDE ME de Michael Winterbottom
3. LES PETITS MOUCHOIRS
4. POETRY de Lee Chang-Dong
5. JUST ANOTHER LOVE STORY de Ole Bornedal

Les films dont la fin met bien sur le cul :
1. KABOOM de Gregg Araki
2. A SERIOUS MAN de Joel & Ethan Coen
3. SHUTTER ISLAND de Martin Scorsese
4. ENTER THE VOID
5. VALHALLA RISING

Les docus de l’année :
1. L’EPINE DANS LE COEUR de Michel Gondry
2. YVES SAINT-LAURENT & PIERRE BERGE : L’AMOUR FOU de Pierre Thoretton
3. WHEN YOU’RE STRANGE de Tom DiCillo
4. JEAN-MICHEL BASQUIAT : THE RADIANT CHILD de Tamra Davis
5. INSIDE JOB de Charles Ferguson

Les films gravement surcotés de l’année :
1. ONCLE BOONMEE
2. POETRY
3. COPIE CONFORME
4. GAINSBOURG : VIE HEROIQUE
5. AJAMI de Scandar Copti et Yaron Shani

Les meilleures scènes de l’année :
1. Dans The ghost-writer, la superbe scène finale (que je ne raconterai pas).
2. Dans Dans ses yeux, le fabuleux plan-séquence qui démarre au dessus d’un stade et s’achève sur le terrain après une incroyable course-poursuite dans les travées.
3. Dans Rubber, le long travelling qui fait suite au meurtre du lapin, où l’en ressent la plénitude d’un pneu qui vient de tuer sauvagement une bête sans défense
4. Dans Kick-ass, le premier passage à l’acte de Hit Girl dans un déchaînement de violence et de gore totalement inattendu.
5. Dans Very Bad Cops, le saut dans le vide du super-tandem Jackson/Johnson (attention spoiler).
6. Dans Machete, la descente en rappel de Machete avec un intestin grêle en guise de corde.
7. Dans Mother, la troublante scène d’ouverture qui prendra tout son sens à la fin du film.
8. Dans Inception, le rêve d’Ellen Page et Leo DiCaprio dans les rues parisiennes.
9. Dans Fatal, les nominations aux Music Awards de la musique.
10. Dans Daybreakers, la mort ultra-gore du bad guy.

Les scènes grotesques de l’année :
1. Dans Resident evil 3D : Afterlife, la rencontre avec le grand méchant décontracté du gland sur son fauteuil hi-tech.
2. Dans Alice au pays des merveilles, le Futterwacken de Johnny Depp, que l’on redoutait tout au long du film.
3. Dans Potiche, la chanson finale de Catherine Deneuve.
4. Dans Oncle Boonmee, la visite à la table familiale d’un fils disparu devenu tout poilu.
5. Dans The tourist, le méchant mafieux torturant Angelina Jolie en dérangeant ses étagères.
6. Dans Tout ce qui brille, la grosse colère de Leila Bekhti après sa pote Géraldine Nakache.
7. Dans Expendables, Mickey Rourke repeignant sa guitare en chouinant.
8. Dans Unstoppable, les inévitables scènes de liesse générale au moment où tout rentre dans l’ordre.
9. Dans Les petits mouchoirs, les trente dernières minutes du film.
10. Dans Adèle Blanc-Sec, tout le film.

Les génériques de l’année :
1. Générique d’ouverture d’Enter the void
2. Générique d’ouverture de Gentlemen Broncos
3. Générique de fin de Sherlock Holmes
4. Générique de fin de Robin des bois
5. Générique de fin de Soul kitchen

Les répliques les plus classes de l’année :
1. « J’aime bien votre rire. – Moi j’aime pas le vôtre, il pue votre rire. – Ben c’est normal, il sent un peu la charogne.«  (Albert Dupontel et Jean Dujardin dans Le bruit des glaçons)
2. « Tu es encore mouillée ? – Non. Je me suis essuyée avec un Kleenex. » (fiston Dylan Riley Snyder et maman Allison Janney dans Life during wartime)
3. « Pourquoi dans JFK, d’Oliver Stone, un inconnu assassine-t-il le président des Etats-Unis? No reason. » (Stephen Spinella dans le superbe monologue d’ouverture de Rubber)
4. « Machete don’t text.«  (Danny Trejo dans Machete)
5. « Ca doit être fumé au bois d’Applewood ça, je me trompe ? – Je sais pas, j’ai pas fait un master en jambon moi.«  (Gérard Depardieu et Gustave Kervern dans Mammuth)

Les répliques les plus cons de l’année :
1. « La prochaine fois ce sera tes couilles.«  (Jason Statham après avoir poignardé un ballon de basket dans Expendables)
2. « Bon écoutez-moi bien Ramsès de mes deux » (Louise Bourgoin dans Adèle Blanc-Sec)
3. « Moi si on me dit pas tout je réponds patate.«  (Jonathan Lambert dans L’amour c’est mieux à deux)
4. « Et je respecte la nappe phréatique aussi, je fais uniquement caca dans mon jardin.«  (Stéphane Rousseau dans Fatal)
5. « Je meurs à l’instant si un jour j’te reparle. » (Leila Bekhti dans Tout ce qui brille)

LES GENS

Les acteurs de l’année :
1. Stephen Spinella (Rubber) car son monologue au début du film est ce qu’on a vu de mieux au cinéma cette année (le reste du film aussi d’ailleurs).
2. Gérard Depardieu (Mammuth) car il EST Mammuth, autant qu’il a été Cyrano de Bergerac, Alphonse Tram, le Père Donissan ou Quentin de Montargis.
3. Jemaine Clement (Gentlemen Broncos) car son personnage est génial et il le joue génialement.
4. Adam Butcher (Dog pound) car quand il se met en colère, il est vraiment flippant.
5. Bill Nighy (Petits meurtres à l’anglaise) car son jeu tout en bouffonnerie flegmatique peut sauver un film à lui seul.

Les actrices de l’année :
1. Allison Janney (Life during wartime) car partout où elle passe, les films s’illuminent (cf. Away we go)
2. Juno Temple (Kaboom) car j’en suis tombé amoureux.
3. Carey Mulligan (Une éducation) car c’est une future grande.
4. Anne-Elizabeth Bossé (Les amours imaginaires), car chacune de ses paroles est hilarante de vérité.
5. Scarlett Johansson (Iron Man 2) car Scarlett sera toujours Scarlett.

Les acteurs nuls de l’année :
1. Jérémie Rénier (Potiche)
2. Romain Duris (L’arnacoeur)
3. Johnny Depp (The tourist)
4. Ben Affleck (The town)
5. Jay Baruchel (L’apprenti sorcier)

Les actrices nulles de l’année :
1. Louise Bourgoin (Adèle Blanc-Sec)
2. Angelina Jolie (The tourist)
3. Judith Godrèche (Potiche)
4. Juliette Binoche (Copie conforme)
5. Penélope Cruz (Nine)

Les guests de l’année :
1. P. Diddy dans American trip.
2. Michael Keaton dans Very bad cops.
3. Bouli Lanners dans Mammuth.
4. Arnold Schwarzenegger dans Expendables.
5. Patti Smith dans Film Socialisme.

Les catastrophes capillaires de l’année :
1. Angelina Jolie (Salt)
2. Ben Stiller (Greenberg)
3. Jim Carrey (I love you Phillip Morris)
4. Romain Duris (L’homme qui voulait vivre sa vie)
5. Tobey Maguire (Brothers)

Les méchants de l’année :
1. Robert (Rubber)
2. Stanley Tucci (Lovely bones)
3. Jeremy Renner (The town)
4. Robert De Niro (Machete)
5. Mickey Rourke (Iron Man 2)

LA ZICMU

Les bandes originales de l’année :
1. The social network (Trent Reznor et Atticus Ross)
2. Fantastic Mr Fox (Alexandre Desplat)
3. Rubber (Mr Oizo et Gaspard Augé)
4. Inception (Hans Zimmer)
5. Yves Saint-Laurent & Pierre Bergé : L’amour fou (Come Aguiar)
6. Dog pound (Balmorhea, K’Naan et Nikkfurie)
7. A serious man (Carter Burwell)
8. The ghost-writer (Alexandre Desplat)
9. Sherlock Holmes (Hans Zimmer)
10. Bad lieutenant (Mark Isham)

Les tracklists de l’année :
1. SHUTTER ISLAND, avec Krzysztof Penderecki, Max Richter, Brian Eno
2. SOUL KITCHEN, avec Kool and the Gang, Boogaloo Joe Jones, Quincy Jones
3. AMER, avec Stelvio Cipriani, encore Stelvio Cipriani, Bruno Nicolai
4. WHEN YOU’RE STRANGE, avec The Doors, The Doors, The Doors, The Doors
5. LES AMOURS IMAGINAIRES, avec Dalida, The Knife, Indochine, Comet Gain
6. GENTLEMEN BRONCOS, avec Zager and Evans, Scorpions, Buck Owens
7. KABOOM, avec Yeah Yeah Yeahs, Engineers, The Depreciation Guild, Placebo
8. KICK-ASS, avec Prodigy, John Murphy, The Pretty Reckless, Primal Scream
9. DATE LIMITE, avec Sam & Dave, Cream, Fleet Foxes, MIMS
10. VERY BAD COPS, avec Goldfrapp, Foo Fighters, Wyclef Jean, Phil Collins

Top 10 des morceaux de l’année 2010

Comme tout le monde j’ai envie d’y aller de mon petit top 10 (pour les films, ça vient bientôt). Je pense que ces super morceaux se suffisent à eux-mêmes, par conséquent je m’abstiendrai de tout commentaire. Joyeuse écoute.

1. CHILLY GONZALES – Knight Moves (album Ivory Tower)

 

2. PACIFIC! – Venus Rising (album Narcissus)

3. DARKSTAR – Dear Heartbeat (album North)

4. CRYSTAL CASTLES – Violent Dreams (album Crystal Castles)

5. AEROPLANE – We can’t fly (album We can’t fly)

(ndh : je n’ai pas trouvé le morceau complet, allez donc l’écouter en entier sur les plateformes d’écoute légales)

6. MR OIZO & GASPARD AUGE – Tricycle Express (album Rubber)

7. PVT – Window (album Church with no magic)

8. AUFGANG – Dulceria (album Air on fire)

9. ROYKSOPP – Senior Living (album Senior)

10. SOLAR BEARS – Crystalline (album She was coloured in)

Top 10 des pianistes cool du XXIe siècle

Cela va faire bientôt deux mois que le meilleur album de l’année 2010 est sorti. Il s’agit de Ivory Tower de Gonzales, qui sert d’ailleurs de bande originale pour un film au charme fou, qui porte le même nom et sortira en salles à une date indéterminée, peut-être jamais.

Knight Moves, le premier titre d’Ivory Tower, est un authentique chef-d’oeuvre. S’ouvrant sur quatre simples accords de piano, progressivement suppléés par de jolis arpèges puis par une ligne rythmique disco, le morceau étale sur quatre minutes son thème parfait, ponctué ça et là d’un refrain morriconien tout en voix féminines et cordes éthérées.

J’ose affirmer que Chilly Gonzales fait partie de ces gens qui font avancer la douce musique du piano à travers notre siècle, en digne héritier de Bach, Beethoven, Schubert, Chopin, Liszt, Debussy, Satie, Joplin, Jarrett, Elton John et Roger Hodgson. Heureusement, il n’est pas seul.

1. Gonzales (38 ans, Canada)
Génie musical, comme il aime à se présenter lui-même, Chilly Gonzales s’est forgé au fil des années une solide réputation d’artiste farfelu et multitâche. Sa carrière a débuté il y a dix ans avec un album de hip-hop, puis s’ensuivirent trois autres dans la même veine ; mais son talent a explosé à la face du monde en 2004 avec Solo Piano, album de solos de piano (oui) visiblement inspiré par Joplin et Satie, et pourtant unique en son genre. La même année, il asseyait aussi son statut de producteur pour des albums de Feist, Katerine et Jane Birkin.
Mais c’est sur scène qu’il est révolutionnaire. Avec un piano, il peut tout faire, tout jouer, mais surtout ne se départ jamais de son humour très personnel, directement lié à la musique. L’un de ses spectacles s’appelait d’ailleurs Piano Talk Show : entre deux morceaux, il y donnait des cours hilarants de théorie musicale (clique !), faisait part de quelques « anecdotes glaçantes » sur son travail avec Charles Aznavour, proposait des extraits live de son prochain opéra autobiographique racontant son enfance de génie musical, et invitait même des illustres confrères à venir chanter avec lui (Katerine, Arielle Dombasle, Teki Latex).
Il est de surcroît le recordman du monde du concert le plus long (27 heures), que le théâtre Cine13 de Paris a eu l’honneur d’organiser. Il a également joué les mains de Gainsbourg dans la biographie « héroique » de Joan Sfar et est l’auteur des deux seuls bons titres de la bande originale de ce film épouvantable. Gonzales sait tout faire, et il le fait bien. Ci-dessous, deux de ses titres-phares, DOT et Take me to broadway, en live.

2. Francesco Tristano Schlime (29 ans, Luxembourg)
Pianiste classique de formation, Francesco Tristano délaisse depuis quelques années la musique baroque pour faire avancer la musique contemporaine. Son album Not for Piano en 2007 laissait déjà entrevoir une patte unique, une nouvelle façon d’appréhender son instrument et une nette orientation vers la musique électronique. Le pas est franchi deux ans plus tard avec son groupe, Aufgang, dont l’objectif affirmé est de casser les frontières entre musiques acoustique et électronique. Et c’est une franche réussite ; entre l’énergie dancefloor de Sonar, le dynamisme rock de Channel 7 (ci-dessous), les évocations classicistes du bien nommé Barok et le charme foutraque de Dulceria, le son de Francesco Tristano est toujours là pour dynamiter les codes. Il vient de sortir un nouvel album solo Idiosynkrasia, et se produit assez régulièrement seul au piano pour des récitals classiques, mais également avec Aufgang, ou d’autres confrères du monde électronique (Carl Craig, Murcof) pour d’occasionnelles expérimentations.

3. Maxence Cyrin (France)
Fan de Chopin et de Debussy autant que d’Aphex Twin ou LFO, Maxence Cyrin s’est piqué de lier les deux univers en reprenant au piano des titres phares de la musique électronique dans Modern Rhapsodies, un album sorti en 2005. Il donnait alors une seconde jeunesse à des morceaux aussi divers que Behind the wheel de Depeche Mode, Acid Eiffel de Laurent Garnier ou Go de Moby. Depuis il a sorti un deuxième album, Novö Piano, basé sur le même concept où cette fois-ci ce sont MGMT, Justice ou Arcade Fire qui sont passés à la moulinette de ce spécialiste de la cover pianistique.

4. Kae Shiraki (Japon)
Je ne sais pas pourquoi mais j’ai l’impression qu’un film où le personnage principal est un pianiste a toujours du succès. Et pour mieux confirmer cette règle, j’ai bien envie de parler de Quatre Minutes, film allemand sorti en 2006 et très peu vu, l’histoire d’une détenue virtuose qui entretient une relation tumultueuse avec sa professeur pète-sec et vieux jeu. Si le film ne laisse pas un souvenir impérissable, ce n’est pas le cas de la bande son, partagée entre morceaux classiques et composition originales. L’une de celles-ci est l’oeuvre de la compositrice japonaise Kae Shiraki, qui passe par toutes les touches, toutes les cordes du piano et toutes les émotions dans ce morceau joué pendant la séquence la plus prenante du film, celle qui lui donne son nom. Quatre minutes ébouriffantes, qui justifient à elles-seules la vision du film et la quatrième place de ce top (oui parce qu’en fait j’avoue que je ne sais pas trop qui est cette femme).

5. General Elektriks (40 ans, France)
Personnellement, je ne suis pas un féru des concerts, mais s’il y a un artiste dont les performances live justifient vraiment de payer sa place, c’est bien le claviériste de génie Hervé Salters alias General Elektriks. Auteur de l’un des meilleurs albums de l’année dernière, ses concerts sont vraiment l’occasion de revisiter ses titres, de les prolonger. A dire vrai, ce garçon n’a rien à faire dans cet article car je ne l’ai jamais vu devant un piano. Son instrument c’est le clavinet, mais il le maîtrise tellement que je m’autorise ce petit écart de conduite. Ouais, on n’avait pas entendu un clavier claquer comme ça depuis Stevie Wonder.

6. et 7. Brad Mehldau (40 ans, USA) et Yaron Herman (29 ans, Israël)
On dira ce qu’on voudra mais le free-jazz c’est quand même de la merde. Il faut sûrement être un initié de très haut niveau pour prendre son pied à entendre tous ces improvisateurs de génie se masturber le mi-bémol pendant vingt-quatre minutes dans un boeuf endiablé sans se soucier une seconde de rythme, d’harmonie, de musique (apparemment). Ces deux-là l’ont bien compris et convertissent les béotiens en reprenant des titres pop à la sauce jazzy. Beaucoup s’y casseraient les dents, mais quand c’est bien fait, ça passe. C’est ainsi que Brad Mehldau, spécialisé notamment dans Radiohead s’est rendu auteur d’un Paranoid Android en solo piano absolument parfait. Quant à Yaron Herman, plus jeune, on lui doit surtout ce trio pas piqué des hannetons inspiré du Toxic de Britney Spears.

8. Matthew Bellamy (32 ans, UK)
Il semblerait que Muse soit un peu sous-estimé ces derniers temps. Et pourtant je pense qu’on se souviendra longtemps de ce groupe et notamment de son leader Matthew Bellamy, qui ne s’est jamais reposé sur son succès, constamment en recherche de nouveauté, d’autres expériences musicales. Mais toujours une constante : des partitions de piano toujours joyeusement pêchues, aux inspirations diverses mais toujours illustres, de Rachmaninov à Philip Glass. Qu’on aime ou pas sa voix certes un peu criarde, on ne peut nier les talents de compositeur de cet autodidacte génial. J’estime d’ailleurs à douze le nombre de chefs-d’oeuvre dont il s’est rendu responsable en l’espace de quatre ans (1999-2003). Parmi lesquels :

9. Jon Brion (47 ans, USA)
Allez, il faut bien que je parle un peu de musique de films, je mets un point d’honneur à ce que ça soit ma spécialité. Le panthéon des compositeurs de BO ne s’est guère élargi depuis 2000, mais il faut bien avouer que les petits nouveaux (Desplat, Giacchino, Mansell, Andrews, Amar) s’en sortent plutôt bien. Parmi eux, mon choix se portera donc sur Jon Brion, qui a réussi à se démarquer grâce à un background piano-rock assez singulier. Après avoir travaillé avec quelques artistes cool tels que Aimee Mann, Fiona Apple ou Rufus Wainwright, Brion fut appelé par Paul Thomas Anderson pour mettre en musique Magnolia, puis Punch Drunk Love. Sa faculté à produire des compositions à la fois gaies et nostalgiques, classiques et avant-gardistes, a ensuite été mise à profit dans d’autres films du cinéma indépendant américain, notamment Eternal Sunshine of the Spotless Mind, I ♥ Huckabees, ou encore Synecdoche, New York :

10. Aphex Twin (39 ans, UK)
Je fais un peu les fonds de tiroir (le syndrome du top10-ending), sachant qu’Aphex Twin, maître de l’IDM, ne sait pas lire une partition et n’est pas vraiment un spécialiste de la musique acoustique, mais j’avais bien envie de conclure sur une note électro. Aphex Twin a sorti il y a quelques années un excellent album, Drukqs, dans lequel il élargissait encore le spectre de sa musique, livrant au passage quelques pièces pianistiques très étonnantes, dont Avril 14th, réutilisé depuis dans la pub, au cinéma, et en fond sonore de la moitié des reportages phares de 50 minutes inside ou autre 100% mag. A écouter aussi : Kesson Dalef ou Nanou 2. Autant de petits hommages à cet instrument assez puissamment utilisé également chez les collègues Amon Tobin ou Xploding Plastix (ces deux derniers liens sont recommandés par la maison).

Top 10 des expressions galvaudées et tics de langages bien agaçants

Aujourd’hui je dilate ma ligne éditoriale pour une parenthèse spéciale linguistique. Car autant que le cinéma ou la musique je considère ma langue comme un sujet passionnant, et j’aime bien qu’elle soit respectée, bordel !

A ceux qui me taxeraient d’ayatollah joyandiste, je leur répondrais « non c’est inexact » en leur opposant que je suis assez adepte du néologisme par exemple, auquel je m’adonne souvent sur le présent blog quand je lui trouve une utilité (c’est-à-dire quand il pallie l’absence du mot adéquat dans la langue française). En revanche j’ose m’insurger de la prolifération de nombre d’expressions intruses dans ma vie de tous les jours, entendu dans les médias, ou dans mon entourage, voire sortis de ma propre bouche, à mon insu.

Les « c’est clair », « si tu veux » ou autres « tu vois » ont désormais laissé place au vilain « juste », au perfide « énorme », voire à l’exécrable « j’ai envie de dire », tous ces détournements et ces automatismes qui corrompent peu à peu notre vocabulaire, nous pauvres francophones. C’est donc le moment d’agir et de bannir définitivement cette rhétorique triviale consistant à noyer un tas de sophismes dans une mer de paroles oiseuses et de figures ridicules, en commençant par les lister et c’est ce que je me propose de faire, genre maintenant !

1. OU PAS
Quelle utilité ? rire de soi-même en décrédibilisant sa propre parole.
Un petit exemple ? « Je crois qu’il est grand temps que je fasse la vaisselle. Ou pas. »
Pourquoi on doit l’éliminer ? érosion de l’effet autodérisionnel
Ce « ou pas » fait partie d’une longue liste d’expressions qui ont à la base une intention humoristique mais qui l’ont perdu du fait de leur utilisation abusive. On pourrait ajouter à cette catégorie par exemple le fameux « Jean-Claude Van Damme, sors de ce corps » (marche aussi avec Valérie Damidot, Eve Angeli, Benjamin Castaldi ou toute autre personnalité bouffonne), qui ne fait plus rire personne depuis juin 1997. Tout ceci est très bien expliqué dans cet article dément, publié sur cet excellent blog.

2. JUSTE
Quelle utilité ? dynamiser son propos par un euphémisme de bon aloi
Un petit exemple ? « L’article de Tout est neutral sur Goblin c’est juste une tuerie ! »
Pourquoi on doit le kicker ? érosion de l’effet ironique
Des alternatives ? vraiment, tout bonnement, proprement
A la manière d’un « ou pas », le « juste » avait jadis pour but de créer un effet sarcastique dans la phrase par une sorte d’euphémisme adverbial minimaliste. On aurait pu trouver drôle à une époque que des gens comme André Manoukian pussent opposer à un candidat de la Nouvelle Star venant de saccager une chanson de Michael Jackson « C’est juste le meilleur chanteur du siècle, tu l’as juste massacré quoi !! ». Mais maintenant que le charme a cessé d’opérer, le monde entier (tout du moins celui qui parle français) a été gangréné par cet adverbe intrus et l’utilise à tous escients sans plus aucune volonté de créer le quelconque effet comique. Il est juste entré dans le langage courant, et prend dangereusement le chemin du « quoi » de ponctuation qui passe désormais inaperçu, comme l’atteste l’exemple précédent.

3. GENRE
Quelle utilité ? marquer l’approximation (ou pas)
Un petit exemple ? « Le mec il a genre 20 ans et il a déjà la moustache. »
Pourquoi on doit l’exterminer ? syntaxe atroce
Des alternatives ? à tout casser, environ, au bas mot, à vue de nez, peut-être
Pendant français du « it’s like » anglais, le « genre » comme tic de langage a commencé sa carrière tout seul comme un grand il y a quelques temps, alors synonyme de « Style ! » (« Mais non je ne regarde pas Secret Story, juste l’épisode d’hier, pour voir ce que c’est ! – Genre ! »). Aujourd’hui il est devenu un adverbe dont l’utilisation semble autorisée et admise dans n’importe quelle phrase (« Sous le pont Mirabeau coule, genre, la Seine » *).

4. EN MÊME TEMPS
Quelle utilité ? introduire une justification modératrice au propos précédent
Un petit exemple ? « Le gazpacho je trouve ça dégueu. En même temps, j’aime pas les tomates. »
Pourquoi on doit le bannir ? illogisme sémantique
Des alternatives ? mais, cela dit, à ma/ta/sa décharge
Il serait intéressant d’analyser l’origine de cette nouvelle acception de « en même temps ». N’ayant aucun avis sur la question, je laisse à chacun le loisir de lancer le débat en commentaires de cet article.

5. J’AI ENVIE DE DIRE (variantes : j’allais dire, je veux dire, je dirais)
Quelle utilité ? dynamisation de la phrase
Un petit exemple ? « En tout cas Stallone c’est pas un PD, j’ai envie de dire. »
Pourquoi on doit le proscrire ? Guerre à la rhétorique et paix à la syntaxe.
Pourtant assez riche stylistiquement parlant, cette forme de prétérition est tellement usée qu’elle a perdu tout son charme. Surtout depuis que nombre de chroniqueurs télé comme Faustine Bollaert se la sont appropriée un par un. Mais des philosophes sont sur le coup, on va s’en occuper.

6. (JE VAIS/JE SUIS/J’HABITE) SUR PARIS
Quelle utilité ? montrer qu’on est pas un plouc comme tous les ploucs qui disent je vais à Paris
Un petit exemple ? « Avant j’habitais sur Troyes. C’est sur l’Aube (sur la Champagne-Ardenne). »
Pourquoi on doit le supprimer ? parce que c’est même pas français
Une alternative ? à
Sur celui-là, il y a de quoi écrire une thèse. D’ailleurs, une certaine Patricia Hernandez l’a fait. En résumé, le flottement sur/à est expliqué, selon elle, par une décoloration partielle de « sur » qui rapproche l’emploi de ce relateur de la simple localisation et l’attire vers le pôle d’abstraction occupé par « à ». Personnellement j’ai pas compris du tout ce que ça voulait dire donc j’en conclus que c’est pas une raison valable. Mais par honnêteté intellectuelle, j’invite tout un chacun à s’enquérir de son analyse.

7. ENORME
Quelle utilité ? remplacer des termes vieillis comme « épatant » ou « sensass' »
Un petit exemple ? « Comment il est énorme ce top 10 des explosions de tête au cinéma ! »
Pourquoi on doit l’abolir ? parce qu’il y a bien assez de jolis mots pour en vider d’autres de leur sens originel
Des alternatives ? fantastique, extraordinaire, fabuleux, prodigieux, merveilleux, phénoménal
Le mot énorme au sens « incroyable » fait florès depuis une dizaine d’années. C’est inadmissible. Juste une précision intéressante, son hideuse variante textuelle « hénaurme » existe depuis au moins 1932 puisqu’on la retrouve chez Jules Romains. Etonnant non ?

8. JE SUIS EN MODE …
Quelle utilité ? résumer l’humeur ou l’action d’un individu ou de soi-même par un simple substantif
Un petit exemple ? « Gilbert, il est en mode queutard en ce moment. »
Pourquoi on doit l’exclure ? galvaudé et linguistiquement pauvre
Des alternatives ? oui ou non, selon le contexte (pour Gilbert on pourrait dire par exemple « il est bien chaud de la teub en ce moment » **)
L’expression « être en mode … », dérivé de l’anglais « to be in … mode » existe depuis un certain temps dans la langue française, appliquée à des domaines techniques (« il marche même pas en mode sans échec ce putain de PC », « passe en mode haut-parleur, j’entends pas ce qu’elle dit la dame »). En revanche, son utilisation dans la langue générale, et qui plus est, appliquée à une personne, n’est pas admise. Voilà.

9. VOILA
Quelle utilité ? apporter une conclusion faussement efficace à une intervention écrite ou orale
Un petit exemple ? « Voilà. »
Pourquoi on doit lui casser les genoux ? ça sert à rien
Des alternatives ? non puisque ça sert à rien
Le « voilà » est la béquille de conclusion équivalente au « en fait » d’introduction. Parfaitement inutile à l’oral, on ne l’utilise que pour exorciser la fin pas assez conclusive d’un discours ou d’un exposé. A l’écrit, on ponctue un texte d’un « voilà » pour apporter une pointe d’ironie quand il est trop mauvais pour se suffire à lui-même (cf. paragraphe précédent). Existe aussi en version longue (« donc voilà ») et en version supersize (« donc voilà quoi », plus familier).

10. C’EST VRAI QUE / JE CROIS QUE BON (spécial Laurent Blanc)
Quelle utilité ? estomper la banalité de son propos en ajoutant plein de mots
Un petit exemple ? ici
J’ai trouvé que 9 expressions et tics de langages vraiment agaçants, donc je conclus par un petit bonus foot. Voir le lien ci-dessus.

* C’est un alexandrin.
** Vous me pardonnerez cette vulgarité mais c’est bon pour mon référencement.

Top 10 des reprises/remixes conceptuels

Le groupe Phoenix vient de réussir à remixer Grizzly Bear et Eno sans toucher une seule machine (cf. n°1 du top), je me suis donc mis en quête de tous ces gens qui ont cherché de nouveaux concepts pour faire de leurs covers quelque chose de vraiment unique, superbe ou atroce. De l’humour, de l’imagination, du concept, de la sottise ou du génie à l’état brut, vous trouverez de tout dans ce top 10 exceptionnel, tour d’horizon de tout ce qu’un artiste est capable de faire en réutilisant le travail des autres.

1. Phoenix remixe Canon In D de Brian Eno ET Foreground de Grizzly Bear
Le concept : Trouver deux morceaux aux mêmes harmonies et laisser à l’auditeur le soin de les mixer lui-même. (lancer les deux players l’un après l’autre avec n’importe quel intervalle, ça devrait de toute façon donner quelque chose de joli)


2. Air remixe 30 millions d’amis de Jack Arel
Le concept : Partir du générique TV le plus naze du monde et en faire un tube psychédélique

3. Delpech Mode reprend Shake the Disease de Depeche Mode ET Pour un Flirt de Michel Delpech
Le concept : La musique de Depeche Mode + les paroles de Michel Delpech + un clip débile
A voir aussi : Enjoy le Loir-et-Cher, Smells like Tata Yoyo

4. Dusto McNeato reprend Take On Me de A-ha
Le concept : Prendre un clip un peu kitsch des années 80 et remplacer les paroles habituelles par une description exhaustive (et hilarante) des images.
A voir aussi : Head over Heels, China girl

5. Michel Sardou et Laurent Wolf reprennent Etre une Femme de Michel Sardou
Le concept : Reprendre un vieux titre ringard de soi-même et tenter vainement d’en faire un tube dancefloor
Le lien : ici

6. Maxence Cyrin reprend Don’t you want me de Félix
Le concept : Transcrire au piano des classiques de la musique électronique et montrer au monde entier que les artistes électro sont d’abord des musiciens de génie.
A écouter aussi : D.A.N.C.E., Around the world, Windowlicker

7. One-T plagie Ma-Hra de Modry Efekt
Le concept : Piquer une dizaine de samples dans une chanson incroyable d’un groupe tchèque inconnu et en faire un album entier.
Le titre original :

Des extraits de l’album :

8. Alain Chabat et Gérard Darmon reprennent The Carioca de Vincent Youmans
Le concept : Faire un film et danser la Carioca vers la fin sans raison particulière.

9. Aphex Twin remixe Heroes de David Bowie ET Heroes de Philip Glass
Le concept : Trouver deux morceaux qui n’ont rien à voir mais qui ont le même titre, puis en faire un savant mélange.

10. Serge Gainsbourg reprend Mon légionnaire de Edith Piaf
Le concept : Etre génial.